La Chronique Agora

Todinterestus volatilis et génération CDI

** Nous vous avions promis des informations cruciales au sujet des préférences vestimentaires de Carla Bruni-Sarkozy à l’issue des 48 heures passées à rôder sous les fenêtres du Palais de l’Elysée — le Salon de l’analyse technique se tenait presque en face, dans les locaux de l’Espace Pierre Cardin. Grâce à quelques indiscrétions recueillies auprès des chauffeurs de limousine qui stationnent avenue Gabriel — dans l’attente de prendre en charge les VIP qui fréquentent la Présidence — nous pouvons vous révéler en exclusivité que la première dame de France porte indifféremment des talons hauts et des talons plats lorsqu’elle arpente les jardins de l’Elysée hors réceptions officielles.

Nous savons que ce scoop nous aurait été acheté une fortune par les tabloïds britanniques qui se passionnent pour notre First Lady depuis mercredi dernier… mais nous avons une trop haute idée de notre mission d’information pour nous abaisser à monnayer ce genre d’anecdote : c’est « cadeau » pour les lecteurs de la Chronique Agora. Tant pis pour les paparazzis qui harcèlent le couple présidentiel depuis sa visite « incognito » du parc Eurodisney, un signe politique fort puisqu’il constitue un geste de soutien à l’industrie du loisir américain — le Parc Astérix n’a qu’à bien se tenir !

** Talons hauts, talons plats… il nous a été plus facile d’obtenir ces renseignements que des indications sur l’évolution prévisible des marchés et des indices boursiers au Salon de l’Analyse Technique. Le consensus que nous avons recueilli au fil des conférences auxquelles nous avons assisté était du type « p’têt ben d’la hausse, p’têt ben d’la baisse », et les plus inspirés votaient pour le scénario de la consolidation latérale.

En langage courant, cela signifie, par exemple, que le CAC 40 n’a pas fini d’osciller sans direction en 4 500 et 5 000 points, avec un dollar navigant entre 1,50 et 1,60/euro tandis que Wall Street continuerait d’évoluer sous la menace d’un biais négatif avec la multiplication des signaux de récession et des défauts de paiement des emprunteurs subprime.

Beaucoup plus que des projections hasardeuses et des pronostics par définition soumis à des aléas, les conférenciers et les exposants se focalisent sur l’amélioration de l’efficacité des méthodes de trading, des logiciels d’analyse technique en temps réel, des plateformes de passage d’ordre ultra-rapides à des tarifs imbattables.

Ceci confirme une tendance lourde qui se radicalise depuis une dizaine d’année et l’apparition des opérateurs alternatifs. En effet, l’horizon du chartiste, qui était de trois mois à la fin des années 80, était passé à trois jours au cours des années 90 puis à trois heures au début du siècle — avec les premiers day-traders par internet… pour parvenir à trois minutes en 2008 grâce à des flux d’informations sur des transactions impliquant un temps de réponse de trois secondes.

Les nouveau Dieux du Stade financier sont les concepteurs de programmes qui sont capables d’évaluer le « delta », le « beta » et le « gamma » des positions en temps réel et d’arbitrer des millions, ou pourquoi pas des milliards, d’euros sur la base de « mouvements browniens » que l’œil humain n’a pas le temps de distinguer et qu’un cerveau normalement constitué n’a surtout pas le loisir d’analyser.

Il s’agit d’un des apports les plus fondamentaux de la technologie et des mathématiques appliquées. Elles mettent l’opérateur à l’abri du reproche d’avoir commis une erreur d’appréciation puisque c’est la machine qui fait tout, postulant la supériorité de l’algorithme sur l’ensemble de décisions — empreintes de subjectivité — prises par un individu doté d’un bon sens élémentaire.

Sans théorie du chaos, sans maîtrise du risque — au centième de seconde près –, impossible de gérer des portefeuilles indiciels et des warrants… et encore moins des masses de dérivés de crédit dont la valeur peut fluctuer de façon exponentielle à la moindre inflexion de la courbure de l’aile du papillon très exotique baptisé todinterestus volatilis.

Face à ce déferlement de puissance de calcul, face à un monde de la finance régi par l’implacable rationalité mathématique — mais un logiciel a-t-il besoin de faire un plein d’essence et de refinancer un crédit immobilier ? –, je me suis présenté devant des investisseurs individuels qui privilégient des horizons de placement de quelques semaines à quelques années.

Beaucoup de préretraités voient se rapprocher à grand pas la période critique des années 2010/2020, qui alliera le pic de rotation générationnelle de 2015 avec la fin de carrière des baby-boomers de 1945 à 1955 dont les pensions seront financées par les cotisants du creux de la vague démographique observée à partir de 1975.

Il n’est pas besoin d’avoir fait Polytechnique pour imaginer que les fonds de retraite se retrouveront vendeurs nets d’actions et de bons du Trésor à partir de 2010 alors qu’ils étaient largement excédentaires en trésorerie au début des années 2000.

** Je reviendrai en détail sur ces aspects et leurs implications pour les valeurs immobilières dès demain car je ne voudrais pas faire l’impasse sur la séance d’hier.

Le CAC 40 est parvenu à clôturer, pour le symbole, juste au-dessus des 4 700 points. C’est peut-être de bon augure mais cela ne changera rien au sombre tableau qui caractérise ce premier trimestre 2008, puisque les valeurs françaises se replient de 16,15% : c’est la pire performance depuis le troisième trimestre 2002, c’est aussi la troisième plus mauvaise performance absolue.

Le constat est tout aussi déprimant sur les autres places fortes de la finance européenne : les indices alignent un cinquième mois de repli consécutif et une perte annuelle moyenne de 17,65%, le DAX 30 chutant de pratiquement 20%.

Un premier trimestre à oublier… alors que le second semble parti sur de meilleures bases pour les opérateurs qui pratiquent la gestion indicielle via les dérivés. Wall Street inversait la vapeur à la hausse à mi-séance après des débuts laborieux.

Le Dow Jones semblait en effet parti pour inscrire une cinquième séance de baisse d’affilée dans le sillage de Merck qui dévissait de 16%. Cependant, l’indice des industrielles s’est ressaisi et parvenait par la même occasion à faire basculer le score du mois de mars dans le vert.

Le S&P 500 se retrouvait rapidement en mesure de terminer le mois en cours sur une note positive ; il reculait sans désemparer depuis la fin octobre 2007, dans le sillage des valeurs financières et High-Tech.

Le chiffre du jour aux Etats-Unis fut plutôt une bonne surprise puisque l’indice PMI de Chicago rebondit de 44,5 vers 48,2 (le consensus tablait sur 46). En Europe, en revanche, l’inflation s’établit à +3,5% en rythme annuel selon les estimations préliminaires d’Eurostat, et interdit tout espoir d’assouplissement des taux d’intérêt d’ici fin 2008. L’euro se maintien ainsi au-delà des 1,58 $ et stationne à 0,6% de son zénith historique.

Le chômage aurait également reculé en février : nous y voyons les premières manifestations induites par la pyramide des âges, le gouvernement y voit l’inéluctable conséquence positive d’une politique ambitieuse. Rappelons toutefois que le chiffre global ne distingue pas les emplois précaires, ou à temps très partiel, des CDI. Ainsi, pour 2,3 millions de chômeurs répondant à l’ensemble des critères techniques, nous n’oublions pas les 4,7 millions de personnes sous-employées, travaillant à temps très partiel ou dans une précarité absolue.

Inutile de préciser que ceux-là non plus ne contribuent pas de façon très substantielle au financement des retraites de la génération CDI…

Philippe Béchade,
Paris

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