La Chronique Agora

Repas gratuits, tiers payants et destruction de la monnaie

Le régime actuel est fondé sur le péché monétaire, qui sera payé par l’anéantissement même de ce qui lui a permis de se développer : la monnaie. 

« Il n’y a rien de tel qu’un déjeuner gratuit ».  

Les repas gratuits, cela n’existe pas. Il y a toujours quelqu’un qui paie et c’est pour cela que lorsqu’on vous parle de repas gratuit, il faut que vous cherchiez le Tiers Payant.  

Nos systèmes sont des systèmes vicieux de Tiers Payants généralisés – les uns commandent et les autres paient – systèmes qui déresponsabilisent les citoyens, détruisent l’efficacité de nos actions et finalement nous désadaptent au monde.  

La France est un des pays rois du Tiers Payant, c’est un pays qui ne cesse de chuter et de se désadapter au monde, ce qui renforce son besoin d’assistance et de tiers payant. Caressez un cercle et il devient vicieux. 

Cette question du free lunch est posée depuis longtemps – Rudyard Kipling l’a utilisé dans un essai en 1891 – mais elle a été popularisée par le livre de Robert Heinlein de 1966, « The Moon is a Harsh Mistress ». 

« The Moon is a Harsh Mistress » est un classique incontesté et une pierre de touche de la philosophie de la responsabilité personnelle et de la liberté politique. Une révolution dans une colonie pénitentiaire lunaire – aidée par un superordinateur conscient de soi – fournit le cadre d’une histoire d’un groupe diversifié d’hommes et de femmes aux prises avec les définitions en constante évolution de l’humanité, de la technologie et du libre arbitre – des thèmes qui résonnent juste aussi fortement aujourd’hui qu’ils l’étaient lorsque le roman a été publié pour la première fois. 

Milton Friedman qui était en fait un penseur de la liberté du choix stigmatisait avec force et persuasion les systèmes de Tiers Payant, expliquant que si vous ne payez pas quelque chose ou si vous ne subissez pas les conséquences de vos actes il n’y pas de limite à l’irresponsabilité. Dans un système de tiers payant, on ne paie pas ses erreurs donc il n’y a jamais d ‘apprentissage.  

En économie, la notion de free lunch fait le plus souvent référence aux compromis ou aux coûts d’opportunité ; les ressources sont rares et si vous choisissez de les utiliser d’une manière, elles ne sont pas disponibles pour une autre utilisation. L’autre façon dont l’expression est souvent utilisée est de décrire une situation où il semble que vous obtenez quelque chose gratuitement mais que le coût est en fait intégré à un autre élément. Les réseaux sociaux sont des systèmes de tiers payants et presque tous les médias également.  

Il y a beaucoup de déjeuners apparemment gratuits dans le monde de l’investissement… 

Le péché monétaire

Il y a beaucoup de déjeuners apparemment gratuits dans le monde de l’investissement… Je soutiens cyniquement que le monde de l’investissement professionnel est un monde de Tiers Payant ou de repas gratuits pour le professionnel : vous prenez les risques, vous payez les commissions et eux s’octroient une part des bénéfices mais ne paient rien sur les pertes. C’est dissymétrique.  

Tout le monde veut gagner de l’argent rapidement et notre capacité à résister à l’attrait de telles choses est limitée par l’expérience. Il y a toujours une nouvelle génération d’investisseurs, d’abrutis qui pensent avoir trouvé l’équivalent financier de la machine à mouvement perpétuel. 

L’offre de repas gratuits se développe considérablement en période de politique monétaire laxiste.  

Les bulles ne sont qu’un autre nom pour le déjeuner gratuit et elles sont particulièrement nombreuses lorsque les taux d’intérêt sont artificiellement bas. Nous avons un régime de repas gratuits qui remonte aux années 80 de la dérégulation financière, et maintenant, à chaque ralentissement économique, nous inondons l’économie mondiale avec de l’argent facile, tombé du ciel, out of nothing. Bien entendu les élites nous disent que cela ne coûte rien, personne ne paie ou ne perd.  

L’argent est si gratuit que nous avons « investi » dans tout ce qui valait la peine d’investir jusqu’à ce qu’il ne reste plus que rien. L’argent bon marché produit les génies de l’immobilier, de la technologie, des licornes et des SPACS etc.  

Je soupçonne qu’un jour, nous verrons un retour à l’investissement sérieux, investissement payant, fondé sur l’épargne, sur la rareté, sur l’abstinence.  

Mais ce ne sera pas dans le régime actuel. 

Le régime actuel ira jusqu’au bout de sa folie, ou plutôt de sa logique : il ne se terminera que dans sa péripétie ultime : la destruction de ce qui lui a permis de se développer, la monnaie.  

Le régime actuel est fondé sur le recul à l’infini des limites à la création monétaire.  

Le régime actuel est fondé sur le péché monétaire et on est toujours puni par ou l’on pêche, il sera payé par l’anéantissement même de ce qui lui a permis de se développer : la monnaie. 

Et plus précisément la destruction, par la désintégration atomique de la base de la monnaie mondiale : le dollar.  

Le mouvement de tiers payant, dont bénéficient principalement les Etats-Unis, dure depuis la dérégulation des années 80, dérégulation permise par le désencrage du dollar de l’or.  

Cette dérégulation contenait en germe son auto destruction puisqu’elle reposait sur la possibilité de créer autant de dollars que l’on pouvait en désirer, ce qui dans son prolongement dialectique signifiait, dès le premier jour, l’inéluctabilité de la destruction de ce qui l’avait permise. 

Le cout, le prix caché de notre système c’est la nécessité de la destruction de la monnaie. 

Les monnaies sont mortelles, comme les civilisations. Surtout quand on les tue ! 

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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