La Chronique Agora

Une Théorie du Gouvernement… la suite !

▪ Souvenez-vous : dans notre Chronique d’hier, nous avions quelques questions sur la divinité supposée des dirigeants de l’Egypte ancienne. Les Egyptiens eux-mêmes avaient certainement des doutes — ou alors ils étaient parmi les gens les plus impies que la Terre ait jamais portés. Pharaon était censé être un dieu. Il était censé être en charge de tout — de l’inondation annuelle du Nil, de la météo… de la vie, de la mort, et ainsi de suite. Mais ça ne l’empêchait pas de se voir fichu à la porte de temps à autre. Les groupes rivaux n’attendaient pas que les dieux décident de qui serait assis sur le trône. Les hommes se battaient pour y parvenir.

Nous n’avons aucun moyen d’en savoir plus sur les bone fides divines des pharaons. Nous notons simplement que cette théorie du gouvernement fait l’affaire. Le gouvernement s’arroge le droit de vous dire quoi faire. En utilisant l’instrument contondant du « gouvernement », certaines personnes peuvent catégoriser, réglementer, taxer, inspecter, enrôler, brutaliser, incarcérer, tuer et bousculer les autres. Pourquoi les autres en question le supportent-ils ? Tel est le sujet général de nos réflexions.

En tant qu’Américain moyen, nous devons nous plier à 10 000 commandements (au moins !). Rien que le fisc doit en avoir autant. Nous ne pouvons construire une maison ou encaisser un chèque sans remplir des centaines de critères — souvent invisibles. Nous passons par un aéroport et nous nous soumettons à diverses indignités, généralement sans broncher ni résister.

Mais d’où provient l’autorité ratifiant de telles choses ? Voilà ce que nous nous demandons.

Si elle vient de Dieu, qui sommes-nous pour la remettre en question ? Nous acceptons l’autorité divine — du moins quand Il regarde. Et si le pharaon était divin, nous aurions certainement plié sous son autorité aussi. Comment faire autrement ?

Pourtant, bon nombre de gens ne l’ont pas fait. Durant les 2 000 ans qu’ont duré les 30 dynasties égyptiennes, les hommes se sont entretués pour déterminer qui obtiendrait le pouvoir pharaonique. Le dernier d’entre eux était clairement un intrus. Les Ptolémée n’étaient même pas égyptiens — c’était des Grecs qui avaient conquis l’Egypte avec Alexandre. Enfin, Jules César et son neveu Octavien ont mis fin à la tradition divine en Egypte. Soit les dieux ont abandonné leur représentant sur le Nil… soit ils nous jouaient des tours.

César a pris le rôle d’empereur dans tout le monde romain. Il ne semblait guère se soucier de théorie. Les gens s’inclinaient devant lui et lui payaient des tributs. C’est ainsi qu’un empire fonctionnait. De toute façon, César n’a guère eu le temps d’y réfléchir. Il a été tué le jour des Ides de Mars en 44 av. J.C., à l’âge de 55 ans.

Mais l’attrait de la divinité n’est pas mort avec les Ptolémée. Quatre-vingt ans après la mort de Cléopâtre, l’empereur Caligula a décidé qu’il était un dieu. Cela n’a pas semblé le mener bien loin. Les Romains ont fini par conclure qu’il n’était pas du tout divin, mais fou à lier. Il fut assassiné peu de temps après par ses propre gardes.

Rome lutta pendant encore quatre siècles. S’il y avait une théorie appuyant le fait qu’un homme plie devant un autre, nous n’en avons pas connaissance. C’était considéré comme normal et naturel. Ceux qui avaient le contrôle du gouvernement romain pouvaient exercer les droits des gouverneurs. Ils étaient vainqueurs sur le champ de bataille… et dans les assemblées du gouvernement romain.

Que faisaient-ils de ce pouvoir ? Ad victorem spolias. C’est aussi simple que ça. On bat quelqu’un. On prend ses affaires. Ses terres. Sa femme. Ses enfants. Au moins tout ça n’était-il pas enveloppé de bla-bla. Et les règles étaient simples. Le gouvernement fonctionnait dans sa forme la plus brute. Comme le décrivit Mao deux millénaires plus tard, le pouvoir politique provenait « du canon du fusil », non des Droits de l’Homme ou du Contrat Social.

▪ Les exploits de Gengis Khan et de Tamerlan, eux aussi, montrent une forme très pure de gouvernement en marche… et une théorie très claire sur la question. Gengis décrivit sa propre théorie comme suit :

« La plus grande fortune d’un homme est de chasser et vaincre son ennemi, de saisir l’ensemble de ses possessions, de laisser ses épouses pleurantes et gémissantes, de chevaucher son étalon, d’utiliser ses femmes comme chemises de nuits et soutien, admirant et embrassant leur poitrine rose, suçant leurs lèvres aussi douces que les baies de leurs seins ».

Tamerlan n’était pas moins direct. Il considérait le gouvernement comme une entreprise légitime. Il levait des troupes avec l’intention de conquérir d’autres peuples et de remplacer leurs gouvernements par le sien. Ses guerriers étaient payés en butin — joyaux, pièces, chevaux, femmes, fourrures… Lui-même était payé en butin, en tributs et en impôts.

Nous ne sommes pas en train de dire qu’une telle gestion était un problème. Nous ne donnons pas de conseils, pas plus que nous ne faisons de suggestions. Nous essayons seulement de comprendre l’essence du gouvernement.

Dans le cas de l’Egypte, les gens écoutaient et obéissaient — enfin, dans une certaine mesure — parce que Pharaon était, en théorie, un dieu. Dans le cas de Rome — à l’exception des affirmations de Caligula — et des empires mongols, la théorie était tout aussi simple, bien que différente. Tamerlan n’affirmait en aucun cas être divin. Simplement, il annonçait clairement ce qu’il ferait en cas de résistance. Les villes qui se soumettaient étaient généralement gouvernées de manière passable selon les standards de l’époque… et taxées, mais pas rasées. En revanche, celles qui contestaient son autorité étaient détruites, et souvent, tous ses habitants étaient massacrés.

A Rome et dans les steppes, ceux qui contrôlaient le « gouvernement » étaient dans une position favorable. Ils pouvaient imposer leur volonté à ceux qui n’étaient pas favorisés. Et c’est exactement ce qu’ils ont fait. Tant que c’était possible, les insiders — ceux qui se trouvent « à l’intérieur » — ont dépouillé les outsiders. Dans les deux cas, les outsiders étaient littéralement à l’extérieur du groupe régnant et de son pays.

Le moment est peut-être bien choisi pour introduire notre nouvelle théorie sur ce qu’est vraiment le gouvernement. C’est un phénomène, pas un système. Il est mieux compris en termes de lutte entre les outsiders et les insiders. Les insiders contrôlent toujours le gouvernement… et l’utilisent pour conquérir et contrôler les outsiders. Pourquoi ? Pour les raisons habituelles : la richesse. Le pouvoir. Le statut.

Tout le monde — ou quiconque n’est ni saint ni faible d’esprit — veut de la richesse, du pouvoir et du statut. Et le moyen le plus facile et le plus rapide d’obtenir tout ça est de le prendre à quelqu’un d’autre. C’est le rôle du gouvernement. Seul un gouvernement peut prendre quelque chose aux autres en toute légalité. Pourquoi ? Parce que les gouvernements font les lois.

Nous n’en avons pas terminé avec le Droit Divin des Rois… le Contrat Social… et le Meilleur pour le Plus Grand Nombre…

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