La Chronique Agora

Test de confiance grandeur nature

** Les investisseurs ont boudé leurs écrans et se sont mis en roue libre en ce lundi de Pentecôte. Ils ont décidé d’aller capter de bonnes énergies sous un soleil enfin de retour après avoir boudé le nord de l’Europe durant plus de six mois.

Si les rares institutionnels présents ont eu le temps de profiter des terrasses des bistrots, ils le doivent aussi aux boursicoteurs particuliers, qui étaient carrément aux abonnés absents pour la raison évoquée en préambule. Les volumes d’échanges à Paris sont même ressortis très inférieurs à ceux observés lors des précédents jours officiellement fériés en France — mais le calendrier d’Euronext ignore la plupart des ponts et fêtes carillonnées… et jusqu’au 14 juillet célébré dans l’Hexagone.

La barre des trois milliards de chiffre d’affaires ne fut même pas atteinte à la clôture sur le CAC 40 (2,9 milliards d’euros), et il ne s’est échangé que 3,5 milliards d’euros sur l’ensemble des compartiments Euronext (comptant + terme).

Paris nous a administré une nouvelle démonstration de sa vulnérabilité en reperdant d’un coup la moitié du terrain repris au cours des trois séances précédentes (-0,9%). Ce fut pire chez certains de nos voisins, puisque Francfort ou Bruxelles chutaient au final de 1,1%. Cela n’était que la conclusion logique d’une journée qui avait débuté sous de mauvais augures : Tokyo cédait 0,8%, et Wall Street avait reperdu vendredi soir la totalité de ses gains initiaux, clôturant en équilibre précaire mais avec une majorité de valeurs en repli (ratio advance/decline négatif).

Cela n’allait pas s’arranger ce lundi puisque le Nasdaq cédait 0,85% à la mi-séance, preuve que la résistance des 2 230 points était bien présente au rendez-vous. Le Dow Jones, de son côté, ricoche bel et bien sous les 11 260 points, un plafond également aisément identifiable.

Mais est-ce bien la seule contre-performance des indices américains qui plombe les places du Vieux Continent ? Londres et Zurich nous administrent la preuve du contraire en clôturant en hausse de 0,3% et 0,6% respectivement. La faiblesse du dollar (revenu sous les 1,2950/euro) a fortement pesé sur les titres libellés en euros, et la bourse britannique semble même s’être réjouie d’une belle remontée du prix du baril vers les 73,5 $ en cours de journée.

** Le billet vert — cause apparente de toutes nos désillusions de ce côté-ci du Channel — a été affaibli, si besoin était, par la publication d’un indice ISM non-manufacturier ressorti pourtant parfaitement conforme aux prévisions à 60,1 (contre 63 en avril). Mais ce chiffre médiocre succède aux piètres statistiques de l’emploi publiées vendredi aux Etats-Unis, sur fond de stagnation des salaires et de chute du pouvoir d’achat des ménages américains.

Les investisseurs avaient une autre raison de faire preuve d’une prudente réserve depuis ce week-end : l’ayatollah Ali Khamenei, le guide spirituel (et véritable homme fort) iranien, s’est dit prêt à suspendre les exportations d’énergie face à la pression des états occidentaux membres du Conseil de sécurité de l’ONU.

Il s’agit d’une surprenante volte-face ; certaines autorités religieuses du pays s’étaient récemment exprimées — peu avant le sommet de l’OPEP — pour écarter la menace d’un recours à l’arme du pétrole dans le cadre du programme nucléaire développé par Téhéran (qui constitue certainement un enjeu de politique intérieur capital, plus qu’une menace réelle immédiate pour l’état d’Israël).

** La journée d’aujourd’hui va constituer pour les places boursières un test intéressant, une sorte de sondage "grandeur nature" permettant de jauger le degré de confiance et d’optimisme des investisseurs. En effet, aucune statistique n’est inscrite sur le tableau des publications macro-économiques officielles aux Etats-Unis, et pas davantage en Europe… rien avant mercredi — et encore, le chiffre le plus important concernera le niveau hebdomadaire des stocks de pétrole américains.

Cela va même plus loin : aucune publication d’importance stratégique n’est attendue outre-Atlantique avant ce vendredi (balance commerciale). Le déficit américain risque en plus de passer largement au second plan, puisque les cambistes et les spécialistes des marchés de taux se concentreront sur la teneur du communiqué final de la réunion de la BCE jeudi. Nul ne doute que le repo rate sera relevé à 2,75% ; toute la question concerne le degré de "vigilance" dont les fonctionnaires de Francfort estimeront devoir faire preuve au cours des prochaines semaines.

** Nous vous avons déjà assez rebattu les oreilles avec nos complaintes au sujet d’une stratégie anachronique de lutte contre l’inflation… alors que la croissance menace déjà de retomber comme un soufflé en Allemagne (les trois points de TVA en plus, c’est pour dans six mois) — et même aux Etats-Unis, où le prix des logements a (enfin) cessé de progresser dans les zones spéculatives les plus incandescentes, notamment la Bay Area de San Francisco et la Sillicon alley.

Mais n’accablons pas la BCE. Nous savons faire la part des choses entre le discours officiel pré-formaté et le but véritable poursuivi avec zèle depuis des années d’ouverture à une économie globalisée : il s’agit surtout de lutter contre la hausse des salaires des classes moyennes pour ménager la compétitivité globale de l’Europe face aux pays asiatiques.

Manifestement, cela ne fonctionne pas pour toutes les catégories de salariés, puisque M. Zacharias, démissionnaire de Vinci jeudi dernier, bénéficiait d’une rémunération quotidienne de 50 000 euros. Oui, cinquante mille euros pour chaque jour de l’année, 14 juillet et Lundi de Pentecôte compris.

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