La Chronique Agora

Tenté par le métal argent ? Vous n'êtes pas le seul !

Par Emmanuel Gentilhomme (*)

Quelques chiffres pour commencer : selon les données compilées par UBS, l’encours des neuf ETF aurifères adossés à des lingots a commencé l’année à 38 millions d’onces (M oz) avant de culminer à 54 M oz le 24 juin. En cette fin d’août, le voilà revenu aux environ de 52 à 53 M oz (plus de 1 800 tonnes).

Il n’y pas que l’or dans la vie !
Des atermoiements qui ne sont pas de rigueur pour l’argent. Plus récents — les premiers sont apparus en 2006, soit trois ans après leurs confrères aurifères –, les ETF d’argent à contrepartie physique sont aussi moins nombreux : on en compte trois.

Le premier d’entre eux est l’Américain iShares Silver Trust (New-York, code mnémonique : SLV ; frais de gestion : 0,50% l’an), organisé par Barclays Global Investor et qui détenait au 25 août 8 826 tonnes.

Numéro deux : le ZKB Silver ETF de la Banque cantonale de Zurich (Zurich ; code : ZSIL ; frais : 0,80% dégressifs suivant la quantité jusqu’à 0,20%) rassemblait au dernier pointage 53,6 M oz, soit presque 1 890 tonnes.

Derniers sur la liste : les produits du spécialiste britannique ETFS Securities, comme l’ETFS Physical Silver (Amsterdam, code : PHAG ; frais : 0,49% l’an) et sa déclinaison américaine lancée fin juillet, l’ETFS Silver Trust (New York, code : SIVR ; frais de 0,30% jusqu’en juillet 2010, puis plafonnés à 0,45%). Les différents supports argentifères d’ETF Securities rassemblent à ce jour près de 20 M oz, ou 685 tonnes.

Résultats des courses en cette fin de mois d’août :
Ces ETF de métal blanc concentrent 332 M oz (ou 11 396 tonnes), ce qui correspond à 40% d’une offre globale d’argent de 888 M oz en 2008, selon GFMS. En appliquant le même calcul, les ETF aurifères concentrant actuellement 52% de l’offre d’or de 2008. Plus jeunes, les ETF argentés ont à coeur de rattraper leur retard !

L’encours des ETF d’argent a plus doublé depuis le dernier réveillon !
Et ce n’est pas peu dire : regardez un peu ce tableau. Si depuis le début de l’année, l’encours des ETF d’or a été multiplié par 1,4, ce multiplicateur est de 2,3 pour leurs confrères argentés. En clair : pour les investisseurs, il est plus urgent d’accumuler de l’argent que de l’or.

Encours cumulés des ETF
(nombre d’ETF)

Or

Argent

Ratio Argent/Or

Fin 2008

1 330 t

5 254 t

x4

Début mars 2009

1 663 t

9 753 t

x5,9

Début juin 2009

1 852 t

10 436 t

x5,6

Début août 2009

1 793 t

10 819 t

x6

Fin août 2009

1 828 t

11 396 t

x6,2

Sources : encours publiés des ETF d’argent et d’or physiques,
compilations UBS et Fortis-BNP Paribas

Le succès de l’ETFS Silver Trust — qui compte déjà près de sept millions de parts en circulation correspondant chacune à une once après un mois d’existence — témoigne d’un vif intérêt. Par ailleurs, ETF Securities a aussi lancé le 24 août des ETF sur métaux précieux au Japon, marché qui en est très peu pourvu. A suivre…

Pourquoi tant d’argent ?
Quelle est donc la motivation de ces investisseurs ? Faire de l’argent avec de l’argent, il va sans dire. Les propos tenus le 21 août dernier par Dennis Wheeler, patron du mineur d’argent américain Coeur d’Alene (du nom d’une ville du Nord de l’Idaho ; numéro 11 mondial), apportent un éclairage particulier sur ce point.

Entre le 1er janvier et le 21 août 2009, le cours de l’argent a gagné 30%, à 14 $ l’once. Selon Dennis Wheeler, près du quart de ce gain est attribuable à la demande des investisseurs, dont celle des ETF. Leurs motivations ? "Les dettes qui s’accumulent suscitent beaucoup d’inquiétudes", indique-t-il en les qualifiant d’"écrasantes". "Dans le monde entier, les investisseurs en quête de protection sont de plus en plus nombreux. Ils vont vouloir mettre de l’argent en portefeuille", poursuit-il. Et M. Wheeler d’ajouter : "les perspectives des métaux précieux sont favorables, et celles de l’argent le classent numéro un", a-t-il déclaré en prédisant l’once à 18 $ en fin d’année.

L’argent : étalon monétaire
Bien sûr, l’abbé Wheeler prêche pour sa paroisse. Il n’en développe pas moins, envers l’argent, des arguments très similaires à ceux qui ont suscité les achats d’or ces dernières années. D’ailleurs, les deux métaux n’ont-ils pas joué de concert, des siècles durant, le rôle d’étalon monétaire ? Dans l’histoire de France, l’argent était même sur l’avant-scène.

A la fin du XVIIIe siècle, l’Ancien régime puis la période révolutionnaire sont marqués par des désordres financiers. Achevée sous l’Empire, la normalisation monétaire prend notamment la forme des lois des 7 et 17 germinal an XI (28 mars – 7 avril 1803). Elles fixeront jusqu’en 1914 la valeur du "franc germinal", qui est légalement défini comme une pièce d’argent de cinq grammes titrant 900/1 000ème — c’est-à-dire contenant 90% d’argent (ou poids fin ; 4,5 g) et 10% d’alliage.

La monnaie est alors composée de pièces de cuivre (deux, trois et cinq centimes), d’argent (de quatre à cinq francs) et de deux pièces d’or (20 et 40 francs), dont la loi définit les effigies. Sur celle de 20 francs-or — à peu près de la taille d’une pièce de 20 centimes d’euros –, il s’agira d’abord du profil de l’Empereur. Ce qui donnera à cette pièce le surnom persistant de "Napoléon", son prédécesseur étant appelé "Louis".

Métal monétaire dominant, l’argent était d’ailleurs lié à l’or par une parité fixe de 15,5 pour un, soit 4,5 g d’argent pour 0,29 g d’or. Ce qui explique le poids fin du Napoléon : 20 x 0,29 g = 5,8 g.
[NDLR : Pour en savoir plus sur l’argent-métal, les pièces, les ETF et tous les autres moyens d’y investir, il suffit de continuer votre lecture !]

Meilleures salutations,

Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora

(*) Emmanuel Gentilhomme est journaliste et rédacteur financier. Il a collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macroéconomie et à tous les domaines de l’investissement. Il participe régulièrement à l’Edito Matières Premières & Devises.

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