▪ Les gérants ont une bonne excuse : Ben Bernanke pourrait profiter de sa dernière prestation devant les médias ce soir pour offrir aux marchés un « petit Noël » en or massif, s’il décide de laisser le soin à Janet Yellen de mener à bien la première extinction d’un quantitative easing de l’histoire de la finance mondialisée… ou pas.
Il existe d’intenses débats sur l’opportunité de laisser encore un peu de temps au temps… ou alors de mettre fin à cette mascarade du soutien à l’économie. Il ne se traduit, dans les faits, que par un transfert massif de richesse des classes moyennes vers les 1% les plus riches, via une distorsion sans précédent de la valorisation des dettes souveraines ou hypothécaires… et des actions (avec des cours progressant cinq à 10 fois plus rapidement que les profits des entreprises).
Quoi que décide la Fed, en tout cas, le seul véritable enjeu porte sur le calendrier du tapering… et la possibilité ou non de profiter de trois mois supplémentaires d’injection de drogue monétaire à haute dose.
En ce qui concerne le niveau de valorisation des actifs, tout le monde reconnaît qu’il est au mieux « optimal » (version Bisounours) et au pire totalement absurde, avec des marchés qui espèrent juste gagner encore un peu de temps avant de corriger.
▪ Père Noël et neutralisation
Dans l’immédiat, il reste tout à fait possible de voir des masses d’argent en quête d’affectation se déverser dans le compartiment actions. Cela dans le cadre des derniers habillages de bilans, à 48 heures de la séance des « Quatre sorcières » de ce vendredi 20 décembre.
Mais il se peut également que cet argent n’existe que dans l’imagination de ceux qui ont intérêt à ce que ceux qui croient au Père Noël restent investis pendant que d’autres sécurisent leurs gains annuels.
Ce conflit entre les deux versions aurait abouti à la neutralisation que nous observons depuis 48 heures. Les places européennes ont effacé la quasi totalité de leur hausse de la veille et New York a clôturé plus ou moins à l’équilibre hier soir.
Wall Street avait comblé l’essentiel des ses pertes vers 21h, les trois principaux indices repassant brièvement dans le vert. Cependant, la prudence et les allègements de précaution l’ont emporté au cours de la dernière heure.
Les actions américaines ont terminé en légère baisse mardi (-0,2% en moyenne). Les investisseurs ont limité les prises de risques à la veille de la publication du communiqué final de la Fed : pourquoi tenter de battre des records annuels de hausse que la conjoncture anticipée en 2014 ne justifie pas forcément ?
L’indice Dow Jones a cédé 0,06% à 15 875 points, le S&P 500 -0,31% à 1 781, le Nasdaq Composite -0,14% et le Russell 2000 -0,1%.
Côté devises, le dollar semble stabilisé depuis 48 heures autour de 1,3750/euro. C’est donc effectivement la prudence — plutôt que des écarts (inexistants) sur les rendements obligataires ou les devises — qui a engendré une consolidation des actions mardi.
▪ Comment différer un tapering
Si les derniers chiffres de la croissance et de la productivité au troisième trimestre ont été révisés en nette hausse en ce mois de décembre, nous ne tarderons pas à savoir si cette tendance s’est confirmée au quatrième trimestre (la Fed doit bien avoir sa petite idée).
Une des raisons de différer le tapering pourrait résider dans la faiblesse de l’inflation. Ceci constitue clairement le principal atout des « colombes » au sein du comité de politique monétaire de la Fed. En effet, l’hypothèque budgétaire — et un risque de blocage du plafond de la dette — ont semblé s’évanouir, d’après les déclarations de bonne volonté des deux principales formations politiques du Congrès US.
Quant à l’indice des prix pour novembre, il est ressorti inchangé (soit +1,2% en rythme annuel) alors qu’il était attendu en progression marginale de 0,1%.
Il s’agit d’une modération des prix, non d’une déflation… mais le diagnostic serait certainement différent si la Fed prenait en compte le recul des revenus médians et le maintien du niveau des dépenses grâce à une remontée de l’endettement des ménages.
La réalité perçue par une écrasante majorité d’Américains est bien différente du tableau idyllique que s’est forgé Wall Street : 83% des sondés pensent que le pays est toujours en crise, que l’emploi demeure rare (les postes à plein temps bien rémunérés en particulier) et que le niveau d’endettement du pays reste préoccupant.
Il reste une quinzaine de pourcents à penser que tout va bien puisque les marchés grimpent !