La Chronique Agora

Tactiques de guerre

** Ce week-end, le International Herald Tribune était plein de choses remarquables. En première page, on nous expliquait que la flotte américaine — la force navale la plus puissante, la plus sophistiquée et la plus mortelle qui ait jamais existé — pourrait être succomber sous les coups de nuées de Perses dans des hors-bord. Durant une simulation soi-disant "top secrète", les petits David ont coulé 16 navires de guerre du Goliath américain.

* Que penser de tout cela ? Si c’était vrai, pourquoi l’armée américaine en parlerait-elle à ses ennemis, révélant sa vulnérabilité au monde entier ? C’est sans doute faux, répond-on. C’est peut-être une sorte de feinte… ou alors un appât, afin d’attirer les étrangers dans la bataille ?

* Nous n’en savons rien… mais César n’a jamais proclamé la méthode permettant de mettre ses légions en déroute… pas plus que le Duc de Wellington n’a expliqué à Bonaparte comment se placer à Waterloo.

** Réductions d’effectifs, réductions d’effectifs, réductions d’effectifs…

* "On devrait réduire aussi", avons-nous entamé une discussion avec Elizabeth. "On dépense trop d’argent. Nos vies sont trop compliquées. On a trop de choses… trop d’endroits… trop de sujets à suivre".

* "Oui, tu as raison… on devrait simplifier tout ça".

* "Peut-être devrions-nous nous débarrasser de cet appartement à Paris. On déménage à Londres, de toute façon".

* "Oh non… j’adore cet appartement. C’est là qu’on vit quand on est en ville. Quand on déménagera, je le mettrai à louer".

* "Bon, eh bien débarrassons-nous de la maison de campagne".

* "Oh non… pas ça… c’est notre foyer. C’est là que sont tous nos meubles… on y passe Noël… nous y avons tous nos amis… ta tante est enterrée là-bas… Et sans ça, où est-ce que je mettrais mes chevaux ?"

* "Dans ce cas, peut-être devrais-tu te débarrasser de tes chevaux ? Ils sont très chers… surtout celui que tu gardes à Paris"…

* "Ne sois pas bête. J’aime l’équitation. Réduire les dépenses est une chose, mais on ne réduit pas les choses qu’on aime vraiment faire. A quoi bon ? On réduit pour se concentrer sur ce qui compte vraiment… de manière à pouvoir éliminer les interférences. L’équitation, ça compte vraiment pour moi"…

* "Eh bien, peut-être va-t-on devoir congédier le jardinier et la femme de ménage, alors, dans la maison de campagne… on n’y est presque jamais".

* "Non, on ne peut pas… qui s’occuperait des chevaux ? Et la femme de ménage ne vient qu’une heure ou deux… pour vérifier que tout va bien… On dirait vraiment que tu veux réduire uniquement les choses qui comptent à mes yeux… Pourquoi est-ce que tu ne réduis pas ce ranch, en Argentine ? Il faut des heures pour y aller… et chaque fois qu’on y va, tu te blesses, ou il arrive des choses épouvantables"…

* "Mais j’aime le ranch… et il pourrait s’avérer être un bon investissement. Au moins, il se rembourse tout seul".

* "Tu dis ça, mais tu finis par y investir plus d’argent tous les ans… dans de nouveaux réservoirs… dans la maison… pour planter des vignes. Tiens, en voilà un secteur où on pourrait réduire. Pourquoi se lancer dans la viticulture ? Tu finiras par dépenser une fortune sans rien en retour. L’année dernière, ils ont même oublié de vendanger. Ce n’est pas étonnant, en même temps ; ce sont des cow-boys qui s’occupent de tes vignes"…

* "Une petite minute… ce n’est qu’une expérience, ce n’est pas un investissement sérieux… j’aimerais juste en tirer quelques bouteilles, pour voir le goût qu’elles ont"…

* "Ce sera le vin le plus cher de toute l’histoire… et parlons un peu du système électrique que tu as mis en place au ranch. C’était censé être simple. C’était censé être bon marché. Mais on dirait une centrale électrique, avec des tuyaux partout. Ca ne fonctionne jamais correctement… l’eau était glaciale, à notre dernier séjour, et il a fallu faire venir un technicien, à cinq heures de là, pour tout remettre en route… Et tant qu’on en est à réduire les dépenses, pourquoi ne pas se débarrasser de l’appartement à Londres ?"

* "Tu sais bien que ce n’est pas possible. Les filles ont besoin d’un endroit où vivre".

* "Eh bien, qu’elles louent leur propre appartement. Ce sont des femmes toutes les deux, maintenant… ce ne sont plus tes petites filles".

* "Oui, eh bien j’ai besoin d’un endroit où vivre à Londres moi aussi. Je travaille à Londres. En plus, c’est un appartement en location, et il est minuscule… Si on le réduisait encore, je devais dormir debout"…

* "Et pourquoi est-ce que tu y vas, pour commencer ? Parce que tu dois travailler. Mais pourquoi devrais-tu travailler autant ? Pourquoi est-ce que tu ne réduis pas ça ? Tu travailles 12 heures par jour depuis 35 ans… et maintenant, tu voyages partout dans le monde pour suivre tes maisons d’édition. On ne contrôle plus rien. Tu ne gères pas tes affaires, tu en es l’esclave. Est-ce qu’il ne serait pas temps de réduire ?"

* "Je ne peux pas faire ça… c’est ma vie. Et en plus, on ne peut pas se le permettre… on a besoin de l’argent pour entretenir toutes ces maisons… ces voyages… et tes chevaux"…

* "Nous revoilà aux chevaux"…

* "Eh bien, tu sembles si contrariée à l’idée de réduire… voilà pourquoi je dois travailler si dur. Toute ma vie… je ne fais qu’essayer de suivre tes dépenses"…

* "Alors là, tu racontes n’importe quoi"…

* "D’accord, d’accord… je ne t’accuse de rien"…

* "Oh que si. Et tu peux arrêter tout de suite… Ce n’est pas moi qui ai décidé de déménager en Europe… ou d’acheter une maison en France… ou un ranch en Argentine… Ce n’est pas moi la plus extravagante, dans cette famille. Nous vivions très simplement dans notre ferme, dans le Maryland, et tu as décidé de passer à la mondialisation".

* "Eh bien, je ne suis certainement pas extravagant. Je vis simplement. Je n’ai même pas de téléphone portable".

* "Oh… tu es très frugal, en effet. Un véritable modèle de simplicité et d’économie. Une réelle inspiration pour tous ceux qui veulent recentrer leur existence. Tu as deux maisons et deux appartements — sur des continents différents, naturellement. Tu as des bureaux partout dans le monde — et tu voyages sans arrêt entre eux. Tu travailles 12 heures par jour… tu n’es jamais à la maison… mais tu n’as pas de téléphone portable. C’est ça, la simplicité ? C’est ça, la réduction de dépenses ?"

* "Euh… oui…."

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