▪ Il n’y a plus de tabou quant à d’éventuelles faillites bancaires au sein de la Zone euro, comme nous l’avons vu vendredi. Sans doute parce que l’on considère que les crises bancaires seront résolues et n’auront pas de conséquences systémiques.
Depuis 18 mois, des faillites ou restructurations bancaires n’ont absolument pas fait trembler le système financier international et ont laissé de marbre les marchés financiers. Souvenez-vous des défauts au premier trimestre 2013 à Chypre et aux Pays-Bas (avec la nationalisation de SNS Real) ; souvenez-vous également de la restructuration ordonnée des systèmes bancaires espagnol et irlandais au second semestre 2012 suite à l’éclatement des bulles immobilières dans ces deux pays.
Mario Draghi essaie quant à lui de faire régulièrement comprendre aux marchés que pour que les stress tests bancaires de 2014 soient vraiment crédibles, il faudra que certaines banques soient clairement déclarées inaptes.
Au forum de Davos en janvier dernier, le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijssebloem avait dit souhaiter que les stress tests fassent ressortir des "mauvaises nouvelles" pour les banques, ce qui attesterait de la crédibilité de l’exercice.
Danielle Nouy, nouvelle patronne du Mécanisme de supervision bancaire européen, est même allée plus loin en déclarant en février dernier au Financial Times que "nous devons accepter le fait que certaines banques n’ont pas d’avenir. Nous devons en laisser quelques-unes disparaître de manière ordonnée, et pas forcément essayer de les fusionner avec d’autres institutions"
Tous ces propos ont tendance à créer un environnement exagérément optimiste en considérant que des faillites bancaires n’auraient pas de conséquences graves |
Tous ces propos ont tendance à créer un environnement exagérément optimiste en considérant que des faillites bancaires n’auraient pas de conséquences graves — ce qui suppose que :
– Ces faillites ne concernent pas des établissements financiers jugés systémiques. Pour la réglementation, il existe cinq critères pour définir ce caractère systémique : a/ la taille de bilan au regard du niveau de fonds propres ; b/ l’interconnexion (terme savant pour évoquer les engagements interbancaires, plus ceux-ci étant élevés, plus le risque qu’une banque en difficulté mette en danger l’ensemble du système bancaire est élevé) ; c/ l’activité difficilement remplaçable (donc difficile à vendre) ; d/ le degré de mondialisation de l’activité et e/ la complexité des opérations.
– Les mécanismes de résolution bancaire en Europe soient opérationnels et aient suffisamment de ressources.
▪ Les responsables de la régulation sont courageux mais pas téméraires
En témoignent les difficultés actuelles de la banque autrichienne Hypo Group Alpe Adria (HGAA). Au départ, on se dirigeait vers une solution de bail-in. Sur ces cinq dernières années, HGAA avait bénéficié de près de 4,5 milliards d’euros d’aides publiques diverses.
Ce temps semblait toutefois bien révolu. Le gouverneur de la banque centrale autrichienne recommandait de placer les actifs toxiques de la banque dans une société à responsabilité limitée mais sans garantie publique : ainsi les quelque 18 milliards d’euros de créances très douteuses de l’établissement pourraient être transférés dans une structure chargée de les liquider.
Cette structure dépotoir (à laquelle les principales banques autrichiennes Erste Bank, Raiffeisen Bank International et Bank Austria refusaient de participer) n’aurait pas pour autant de licence bancaire et ne bénéficierait pas de la garantie illimitée de l’Etat.
Mais voilà, finalement l’Autriche a choisi une solution de type bail-out pour sa grosse banque en faillite. "Il y avait de nombreuses raisons d’envisager sérieusement un défaut, mais au final, les risques ont été jugés incalculables", a expliqué le ministre des Finances autrichien, Michael Spindelegger. Une bad bank accueillera les 18 milliards d’euros d’actifs "toxiques" de HGAA, mais finalement, les contribuables paieront pour que HGAA survive et n’entraîne pas d’autres banques dans sa chute.
Le passage des bail-out aux bail-in n’est vraiment pas pour aujourd’hui. En réalité nous risquons de conserver le "trop gros pour faire faillite" et de sacrifier le "trop petit pour survivre".