La Chronique Agora

Le survivalisme du cafard

▪ Les survivalistes cherchent à se préparer à une future catastrophe en étant capables d’adopter un mode de vie autarcique au cas où la société telle que nous la connaissons aujourd’hui venait ponctuellement à ne plus fonctionner.

Bien entendu, beaucoup de gens n’envisagent pas la fin de la société telle que nous la connaissons. C’est normal, pour adopter ce point de vue, il faut déjà avoir connu des situations extrêmes où de nombreux adultes dits raisonnables paniquent.

Parmi les survivalistes, vous trouvez des sportifs de l’extrême, des amateurs de techniques de survie, comme des gens qui cherchent à vivre en totale autonomie (pas d’abonnement eau, gaz, électricité, internet…) au sein d’abris isolés ou même urbains.

Savez-vous qu’en Suisse au moment de la guerre froide, tout nouvel immeuble devait être équipé d’un abri antiatomique capable d’abriter ses occupants ? La Suisse — pays neutre et ne disposant pas d’arme nucléaire — avait pensé qu’une forme de dissuasion efficace pourrait être la survie ; si un agresseur potentiel savait que plus de la moitié de la population pouvait ressurgir, armée d’abris bien préparés, il réfléchirait à deux fois avant d’appuyer sur le bouton, pensait-on au pays de Guillaume Tell.

Il y a mille façons d’envisager le survivalisme et si vous vous intéressez à la question vous rencontrerez des sectaires, des racistes, des illuminés et même des personnes normales mais ayant vécu dans des pays instables.

▪ Le survivalisme naît souvent d’une exigence ou d’une expérience
Par exemple, un navigateur sait qu’il pourra se retrouver confronté à une situation survivaliste. Enfant, Robinson Crusoé, Le Robinson suisse, Les enfants du capitaine Grant, Vingt-mille lieues sous les mers et L’Ile Mystérieuse étaient mes lectures fétiches.

Tous ces ouvrages traitent du survivalisme et l’élément merveilleux que j’en retenais alors était que l’école n’était pas obligatoire pour ceux qui avaient la chance d’être naufragés. En Afrique du Nord où je vivais, après le tremblement de terre d’Agadir, le survivalisme fut une pratique naturelle et normale : un petit baluchon toujours prêt, des produits de première nécessité, de l’eau… Dès que je prenais l’avion ou le bateau, je rêvais d’une catastrophe qui m’aurait affranchie de la corvée scolaire !

▪ Nous vivons désormais dans des sociétés de plus en plus complexes et coupées de la nature
Si vous êtes citadins, votre supérette ou vos commerces de proximité s’approvisionnent plusieurs fois par semaine. En cas de rupture de ces complexes réseaux de distribution ou de chaîne du froid, faute de stock, vous seriez vite privé de nourriture. Si vous vivez seul ou à deux et que vous êtes en bonne forme physique, vous pourrez faire quelques kilomètres pour vous approvisionner. Mais à défaut, vous subirez les circonstances et elles deviendront vite déplaisantes.

Autre exemple, supposez un attentat sur le transformateur extérieur d’une centrale nucléaire et vous aurez à affronter des pannes d’électricité qui mettront à mal votre mode de vie : plus d’argent dans les distributeurs, plus de chaîne du froid, plus d’internet ou de téléphone. Bien sûr, si vous considérez que c’est le problème de l’Etat d’assurer un fonctionnement normal de tout en toutes circonstances, le survivalisme vous restera à jamais étranger.

▪ Car il s’agit d’un état d’esprit
Ne pas vouloir être dépendant, ne pas croire à l’infaillibilité de la collectivité, souvent parce qu’on a déjà eu l’expérience d’une situation extrême. Pour ces raisons, l’intérêt des Français pour le survivalisme est un signe social très intéressant, un signe d’instabilité grandissante.

Nous constatons que l’Etat devient en réalité de plus en plus impuissant. Il est impuissant car il est impotent et il est impotent car il est trop gros. Ceci fait naître un doute, un sentiment d’incertitude chez certains.

Les lois liberticides se succèdent (transactions en espèces, exploitations des données personnelles au motif de lutte contre le terrorisme) tandis que les droits élémentaires de chacun à la paisible jouissance sont de plus en plus bafoués (incivilités, vols et dégradations de propriété, rackets) en toute impunité. Lorsqu’un Etat prend des lois pour se protéger mais n’assure plus l’ordre élémentaire il est temps de se poser des questions…

▪ Le premier des survivalistes fut le cafard
Le cafard existe depuis 350 millions d’années. Il a survécu à toutes les catastrophes et cataclysmes. Pas parce qu’il était intelligent ou brillant ou athlétique. A quoi sert d’être intelligent et sportif si c’est pour courir à sa perte ? Nous, les bipèdes — qui n’avons que 200 mille ans d’existence — devrions connaître le secret du cafard : il survit parce qu’il va dans la direction opposée au vent qui lui signale l’approche d’un prédateur. Survivre, c’est donc d’abord reconnaître puis fuir nos prédateurs.

Reconnaître nos prédateurs ?

Même si cela dérange intellectuellement, l’Etat-providence se mue progressivement en Etat prédateur dont le seul objet devient de se protéger lui-même à votre détriment. Vous n’êtes pas obligé d’être survivaliste, de basculer dans l’anarchie ou le nihilisme… en revanche vous restez libre d’agir à votre niveau. Il suffit de reconnaître que la collectivité est faillible et d’en envisager les conséquences. C’est également vrai pour la survie de votre indépendance financière, de votre niveau de vie à la retraite ou de votre santé.

Meilleures salutations,

Simone Wapler
Pour la Chronique Agora

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