▪ Le CAC 40 aura évolué durant 95% de la séance de lundi entre 3 775 et 3 787 points (12 points d’écart) — si l’on exclut un petit creux à 3 771 vers 9h45 et un pic de quelques secondes à 3 789 points à 15h50 (nouveau zénith annuel). Il s’agit du plus faible écart intraday de l’année 2013 ; le dernier du même ordre remonte à la demi-séance du 24 décembre dernier.
La camisole algorithmique est maintenue de plus en plus serrée et seuls de tout petits mouvements de tête à la hausse sont autorisés… aucun mouvement des épaules à la baisse n’est possible depuis le 2 janvier.
Le niveau de tension des oscillateurs hebdomadaires est tellement élevé qu’il n’est plus considéré comme significatif depuis un bon mois. L’enchaînement des séances de hausse devient tellement inexorable que le surachat est considéré comme un état de fait dans un marché transformé par l’automatisation des échanges par les algorithmes.
Contrairement à des discours que l’on nous ressort presque quotidiennement, il n’y a plus — depuis le franchissement des 3 600 points — de vendeurs à découvert pour se racheter en fin de séance.
En revanche, la gestion indicielle réplicative n’a pas d’autre choix que d’accumuler du papier, toujours plus cher. Il faut espérer que les souscriptions du début de l’année dans les fonds actions suffiront à endiguer le flot des ventes automatisées qui surgiront en cas d’enfoncement des 3 670 points.
▪ Un marché sans investisseurs
Les marionnettistes qui tirent les ficelles de la hausse depuis deux mois n’ont d’autre échappatoire que de coller le maximum de suiveurs si le marché se retourne.
Pour la première fois depuis 25 ans, les indices remontent… mais les investisseurs particuliers n’y remettent toujours pas un doigt. Ils n’ont plus d’autre choix que de jouer la montre tout en orchestrant la hausse somnambulique des marchés, le plus lentement possible afin de gagner sur les deux tableaux.
Pour l’instant, ils captent les écarts à la hausse tout en encaissant la volatilité sur les stratégies directionnelles (via les dérivés) ainsi que les produits de couverture. Mais une fuite en avant reste une fuite en avant et plus les cours s’éloignent de ce qui semble acceptable pour le sens commun, moins ils trouveront de moutons suffisamment dociles ou inconscients pour les suivre.
Il ne leur reste que les gérants de la catégorie permabull pour se délester en cas de pépin : c’est une ligne de défense qui sera enfoncée en moins de cinq minutes car les day traders s’empresseront de se caler dans la roue des big five qui font la loi à Wall Street.
▪ La tension des taux longs est passée sous silence
Le danger ne se cantonne pas qu’au surachat des actions — lesquelles alignaient une neuvième séance de hausse consécutive à Wall Street vers 18h. Cette journée de lundi restera marquée par le franchissement du cap des 2% par les T-Bonds américains (et des 3,16% par le 30 ans).
Une tension des taux longs totalement passée sous silence par les médias hier, tout comme l’avait été celle de 25 points des taux courts (trois mois à un an) sur les OAT la semaine dernière.
Le mot d’ordre reste clairement de taire les sujets qui fâchent et de ne réunir sur les plateaux de télévision que les plus haussiers parmi les ultra-haussiers. Ces derniers viennent réciter leur leçon bien apprise sur l’appétit pour le risque qui détourne les investisseurs des obligations — sans que la hausse symétrique de leur rendement ne pose jamais aucun problème aux débiteurs (Etats surendettés principalement), ni ne fasse jamais concurrence aux actions.
Ceux-là excellent également dans l’art de ne jamais rapprocher les vrais chiffres des scénarios économiques qu’ils tiennent pour acquis. Prenez par exemple l’embellie du secteur immobilier et l’irrésistible hausse des prix qui se dessine depuis un an.
Ils y voient l’heureuse conséquence d’une hausse spectaculaire de la demande mais jamais d’une brutale diminution des reventes des logements saisis par les banques — qui les conservent en portefeuille. Et cela alors que la Fed les déleste provisoirement d’une partie de leur stock de créances douteuses (d’où une miraculeuse baisse de leurs provisionnements au quatrième trimestre).
Ils vont donc continuer de matraquer l’évidence d’une embellie du secteur — et de citer les chiffres surréalistes de mises en chantier du mois de décembre — en évitant de commenter la chute des promesses de ventes de logements neufs, en recul de 4,3% en décembre. Cela confirme les mauvais chiffres de revente des logements anciens publiés mardi dernier (-5%) puis de ventes de logements neufs dévoilés vendredi (avec -7,3%).
Leur besoin de bonnes nouvelles a été satisfait hier par les commandes de biens durables qui explosent de 4,6% au lieu de 2,5% attendus.
Mais une fois encore, ce sont les dépenses de défense (donc l’argent public) et d’aéronautique (dont Boeing capte l’essentiel) qui dopent les statistiques. Hors défense, la hausse n’est plus que de 1,3% (et 1,2% hors aviation).
Il faut reconnaître que le chiffre (hors dépenses d’Etat) est meilleur que prévu (0,8% anticipé). Cependant, le chiffre brut démontre que la croissance des Etats-Unis reste plus que jamais dépendante des commandes du Pentagone. Puisqu’un marché se projette dans l’avenir, il oublie soudain de prendre en compte les déboires du dreamliner et les annulations de livraison qui s’y rattachent.
Sans que la raison apparaisse évidente, les sherpas du marché se sont abstenus d’orchestrer une neuvième séance de hausse consécutive sur le S&P 500 alors qu’ils avaient fait le nécessaire de façon très voyante vendredi soir à 21h59 pour en obtenir une huitième.
Ils auraient pu récidiver en remettant 0,2% de mieux à la dernière minute ce lundi… mais ils ne l’ont pas fait ; c’est forcément délibéré tant leur emprise sur la tendance est totale.
▪ La course aux records continue
Deux autres indices ont en revanche poursuivi leur course aux records. Le Russell 2000 prend 0,16% à 906,6 et le Dow Transport grappille 0,1% à 5 875 points après avoir culminé à 5 885 points quelques minutes après l’ouverture.
Il s’agissait du huitième record historique consécutif et de la dixième hausse sur une série de onze séances, seulement interrompue le 11 janvier par un repli de 0,04%.
Le Dow Transport engrange 8% depuis le 2 janvier. Seules trois séances sur 18 ne se sont pas achevées par un gain et aucune consolidation n’a excédé -0,4%… c’est sans précédent pour un mois de janvier.
Comme les choses sont déjà allées trop loin, il n’existe pas d’autre solution que la fuite en avant. Mais cette fois-ci, les taux s’élancent à leur poursuite et les haussiers ne leur échapperont pas.