La Chronique Agora

Un super cycle à venir pour le CAC 40 ?

▪ Nous avions peur de nous ennuyer ce lundi en l’absence des investisseurs américains, mais nous devrions toujours faire confiance aux permabulls pour nous apporter du rêve et de la distraction.

Avec une ouverture en hausse de 0,2% suivie d’un rapide retour à l’équilibre du marché parisien, nous avons eu le temps d’aller prendre la température psychologique du marché sur les forums boursiers.

Cela faisait une quinzaine de jours que nous avions négligé de consulter les oracles qui dissimulent leurs inestimables pronostics boursiers sous une avalanche de « fottes d’orteaugraffe », de grammaire et de syntaxe.

Début janvier, après l’entame d’année tonitruante du 2, il se dégageait un consensus autour de 3 800 points sur le CAC 40 et de 4 000 pour les plus optimistes d’ici la fin du premier trimestre. Partant de 3 640 le 31 décembre 2012, cela nous faisait un 10% assez classique ainsi qu’un doublement des gains enregistrés depuis le 15 novembre dernier — voilà qui est déjà une toute autre affaire, en l’absence d’une quelconque consolidation depuis le rebond sur 3 340.

Oubliez ces objectifs de gains de catégorie Livret A, ces anticipations petit bras pour épargnant sans ambition, vous rentrez dans le monde des aigles du trading… des champions du « toujours plus haut » (mais qui ne l’est jamais assez)… l’univers du « up, up, up », du « cé haussier et puicétou » et j’en passe.

▪ Un super-cycle à venir pour le CAC 40 ?
Si vous avez la curiosité de vérifier la véracité de ce qui précède, vous découvrirez que pour nombre de contributeurs aux forums férus d’analyse technique, les indices boursiers européens sont partis pour un super-cycle haussier de trois à cinq ans, avec retour du CAC 40 vers 6 800 en 2017. Pendant ce temps, le Dow Jones devrait taquiner les 20 000 points — et encore, ce sera pas cher parce qu’en théorie, il devrait plutôt faire 25 000 si le CAC 40 gagne 80% de plus.

Comme l’affirme le président d’AFER, le CAC 40 à 3 700 est vraiment bon marché par rapport à ses records de 2007. Que pense-t-il du Nasdaq qui valait plus de 5 100 en mars 2000 et qui déborde péniblement les 3 100 points depuis début janvier ?

Le Composite et le CAC 40… même combat, non ?

Dans le climat actuel, malgré la récession qui sévit en Europe et le risque de voir les Etats-Unis contraints d’adopter une forme d’austérité budgétaire, viser un CAC 40 à 4 150 (zénith de février 2011) et un Euro-Stoxx 50 à 3 100 d’ici fin 2013, c’est presque faire preuve de pessimisme.

Ne pas acheter l’une des 20 valeurs sur 40 qui se paye plus cher qu’à l’automne 2007, c’est presque comme vendre le CAC à découvert — car cela revient à attendre en vain qu’une correction s’enclenche.

Les niveaux de valorisations actuels ne sont jamais remis en cause car la valeur est bien la dernière chose dont des traders se soucient. Seuls comptent leurs indicateurs techniques et la façon dont ils parviennent à appréhender le fonctionnement des algorithmes des acteurs les plus influents.

« Tout est mathématique », affirment les traders les plus chevronnés, souvent issus d’écoles d’ingénieurs ou de filières plus pointues qui forment des chercheurs en physique quantique.

Même la psychologie du marché a été modélisée. Des milliers de scénarios (de réactions humaines virtuelles) ont été calculés en faisant évoluer diverses variables. Le but des meilleurs algorithmes, ce n’est pas de prévoir l’avenir (nul ne le peut) mais d’induire des réactions hautement prévisibles de la part de programmes nourris des principes mécanistes de l’analyse technique.

▪ Le taureau et l’ours sur le ring
En d’autres termes, avant les algorithmes, les marchés pouvaient se comparer à des combats de boxe entre deux principes opposés — le taureau et l’ours — mais qui ont évolué ces dernières années pour se transformer en « appétit pour le risque  » ou « aversion pour le risque ».

Au début du combat, chacun marque des points, puis l’un des protagonistes qui a une bonne allonge semble prendre l’avantage, tout du moins si l’on se fie au visage tuméfié de son adversaire.

L’autre tente alors de changer de stratégie, de raccourcir la distance afin de placer un coup décisif au niveau du plexus solaire lors d’un corps-à-corps plutôt qu’une série de crochets et d’uppercuts à mi-distance en espérant revenir aux points.

Un match de boxe, c’est une succession de coups de théâtre dont personne ne peut prévoir l’enchaînement… fichue (et glorieuse) incertitude du sport. Une frappe bien placée peut à tout moment mettre à genoux celui qui menait par sept rounds à zéro.

Ce à quoi nous assistons depuis que les banques centrales se transformées en manager de sports de combat, ce ne sont plus des matchs de boxe mais des matchs de catch. Les combattants font ce qui leur est ordonné, le show a été scénarisé de façon à entretenir un vague suspense, mais on voit très vite que tout est du chiqué et que les coups ne sont pas vraiment portés.

Les adversaires affichent des différences de gabarit impressionnantes, mais cela importe peu car c’est le favori du public qui gagne à tous les coups. Bien sûr, il envoie d’une pichenette n’importe quel colosse valser par-dessus les cordes et il en fait des tonnes pour faire croire qu’une manchette traitreusement assénée au niveau de l’occiput lui a fracturé trois cervicales.

Lorsqu’un méchant se jette en travers de son corps presque sans vie pour le décompte final, le héros est traversé d’une ultime convulsion qui lui permet de se dégager miraculeusement d’un adversaire qui pèse deux fois son poids. Nous savons bien que même s’il se fait assommer et immobiliser 10 fois par trois géants et deux super-obèses, c’est lui qui va remporter le tournoi puisque ça a été prévu comme ça.

Des amateurs du noble art sont prêts à parier des fortunes sur un combat de boxe — au risque qu’il soit truqué, mais c’est rare au niveau des championnats mondiaux. En revanche, ils ne miseraient que des billets de Monopoly sur un combat de catch… sachant que l’organisateur fera systématiquement perdre celui ou ceux qui ont déposé les plus grosses mises.

Vu la psychologie du public, un catcheur de taille jockey a toutes les chances de battre un sumotori de 160 kilos… sauf si un gros parieur misait sur le « poids plume » à l’entame du troisième round.

Depuis huit mois, les actions battent la récession, le chômage, le surendettement des Etats à chaque round. Ce sont les banques centrales qui ont écrit le scénario et les dialogues afin que cela réjouisse un public qui est venu là pour oublier ses problèmes. Les banquiers envoyés sur le ring font le boulot sans état d’âme.

Les organisateurs ne demandent pas au public de miser des millions de dollars (qu’ils n’ont pas) mais d’acheter des tee-shirts et des pop-corn pendant le show… bref de faire marcher le commerce !

Pour cela, il faut dispenser de la joie et de la bonne humeur… alors on fait monter les marchés.

C’est ainsi que la séance de lundi, entamée de façon anodine et sans volume s’achève par un nouveau record annuel. Le CAC 40 se hisse au final de deux points au-dessus du précédent zénith établi vendredi à 3 761 points.

Dans le contexte psychologique univoque « d’appétit pour le risque », les indices n’ont manifestement besoin d’aucune raison particulière pour monter, ni de flux acheteur pour poursuivre leur mouvement perpétuel à la hausse.

Le CAC 40 a été porté par un volume de… 1,4 milliard d’euros. Il suffit donc de tirer légèrement sur les cours et tous les robots accompagnent mécaniquement le mouvement ; en face, il n’y a plus de vendeurs depuis plus de six semaines.

Faire monter le marché dans le vide, un jour de fermeture de Wall Street… voilà une tentation aussi irrésistible que de sauter de la troisième corde sur un adversaire qui feint d’être inconscient au milieu du ring.

Mais qui succombe encore à l’effet de surprise lorsque le gisant fait une roulade tandis que le voltigeur s’aplatit comme une crêpe ?

Plus personne… et la seule vraie surprise, c’est à quel point les impacts sur le ring résonnent dans un stade vide.

Où est donc passé le public ?

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