La succession la plus people de l’année nous rappelle que la transmission de patrimoine doit se préparer.
Quelqu’un me faisait remarquer il y a quelques semaines que l’héritage de Johnny Hallyday est l’affaire Dreyfus du XXIe siècle. Sur le fond, les deux affaires n’ont rien en commun et comparer l’ignominie vécue par le capitaine Dreyfus avec les « malheurs » des héritiers de l’ex-idole des jeunes est osé.
Il ne s’agit pas, dans le cas Johnny Hallyday, d’antisémitisme ni d’accusations mensongères. Mais, comme au temps de Dreyfus, les Français prennent fait et cause pour l’une ou l’autre partie – l’épouse Laeticia, ou les enfants David et Laura – sans avoir la moindre connaissance du dossier.
Dans un de mes livres d’Histoire du lycée figurait le dessin de Caran d’Ache, paru dans Le Figaro du 14 février 1898, et intitulé « Un dîner en famille ». Dans la première case, chacun se tient bien et la légende est « Surtout ! ne parlons pas de l’affaire Dreyfus ». Dans la seconde case, tous les convives s’étripent et la légende précise : « … ils en ont parlé… ».
En 1898, de grandes voix ont pris parti : Emile Zola bien sûr, mais aussi Marcel Proust, Anatole France, Claude Monet, Jules Renard, Jean Jaurès, Georges Clemenceau, Charles Péguy pour les dreyfusards ; Maurice Barrès, Charles Maurras, Félix Faure, Godefroy Cavaignac, Léon Daudet, Jules Verne, Edgar Degas, Auguste Renoir, Paul Cézanne pour les antidreyfusards.
Aujourd’hui, Nathalie Baye, Eddy Mitchell, Brigitte Bardot, Sylvie Vartan, Dominique Besnehard, Jean Reno ou encore Jean-Pierre Raffarin se sont exprimés sur l’affaire Johnny. Chaque époque a les « grandes voix » qu’elle mérite…
SCI, trust, sociétés dans des paradis fiscaux… un cocktail excitant
Le 6 décembre 2017, Johnny Hallyday décède. L’évènement fait la « une » de tous les médias pendant plusieurs jours, jusqu’à l’overdose. Rien ne nous sera épargné : des directs devant la résidence de Marne-la-Coquette où l’on ne voit ni n’apprend rien, jusqu’au reportage relatant l’atterrissage du cercueil à Saint-Barthélemy, lieu de sépulture du défunt.
Mais un deuxième coup de tonnerre va ébranler la France au moment de l’ouverture du testament. « L’idole des jeunes » a déshérité ses deux premiers enfants – David et Laura – et fait de son épouse Laeticia et de ses deux dernières filles – Joy et Jade – ses uniques héritiers.
Les enfants lésés n’entendent pas se laisser dépouiller sans réagir. Ils saisissent donc la justice. Dans un premier temps, en référé, pour geler les avoirs de leur père et disposer d’un droit de regard sur son dernier album en préparation. Le tribunal de grande instance (TGI), devant 120 journalistes accrédités, s’est prononcé le 13 avril 2018 en coupant, en quelque sorte, la poire en deux.
En effet, le droit de regard sur l’album posthume n’a pas été accordé aux aînés. En revanche, les propriétés immobilières françaises – à Marne-la-Coquette et Saint-Barthélemy – ont été provisoirement gelées : Laeticia ne peut pas les vendre tant que la justice ne se sera pas prononcée sur la légalité de la succession. Il en est de même pour les droits d’auteur et d’interprétation. Ce que la SACEM avait d’ailleurs fait de manière préventive.
En revanche, les propriétés américaines du chanteur ne sont pas concernées. Et Laeticia peut continuer de disposer des comptes bancaires en France et ailleurs dans le monde comme elle le souhaite.
Les audiences du TGI ont permis de découvrir que Johnny Hallyday avait placé certains de ses avoirs (comme ses deux propriétés américaines de Santa Monica et Los Angeles) dans un trust de droit californien. Et qu’il avait rédigé son dernier testament (le sixième) dans le même Etat américain.
On a également découvert qu’il était président d’une société – Born Rocker Music Inc. – en Californie (et son épouse en est la secrétaire générale) qui a reçu de Warner Music une avance sur l’album posthume. On a aussi appris qu’il détenait deux autres sociétés au Luxembourg et en Suisse, avec des ramifications au Liberia, aux Iles Vierges britanniques et en Uruguay.
Il a été révélé que Laeticia avait son propre trust et un patrimoine immobilier en propre comme 50% de la maison de Saint-Barth. En revanche, la maison de Marne-la-Coquette appartenait à 99,9% à Johnny via une SCI (le reste étant détenu par une de ses filles mineures et par son épouse).
Ajoutons, pour être complet, que le TGI de Nanterre se réunira le 24 mai à propos de la validité du testament californien. Une première audience qui aura pour objectif d’établir le calendrier de la procédure.
Loi française ou loi californienne ?
Tous les ingrédients pour un imbroglio juridique sont là. Une bataille judiciaire de plusieurs années vient de commencer. Appels, pourvoi en cassation, conflits entre tribunaux français et américains seront au menu.
Il est certain que les premiers gagnants dans cette affaire seront les avocats des différentes parties. C’est sans doute pourquoi Laura Smet demande un accord amiable avant le 15 juin, jour de l’anniversaire de son père.
Pour les partisans de David et Laura, l’affaire est simple : la loi française interdit de déshériter ses enfants. Ceux-ci doivent tous recevoir la même part de l’héritage. Pour les défenseurs de l’autre camp, c’est la loi californienne qui doit s’appliquer et Johnny avait ainsi le droit d’exclure certains de ses enfants de sa succession.
Les avocats des parties fourbissent leurs armes et préparent leurs arguments juridiques. La justice aura à trancher sur une question essentielle : où résidait Johnny Hallyday ? En France ou aux Etats-Unis ? Si le chanteur a passé au moins 183 jours dans l’année 2017 sur le sol français, le tribunal pourrait considérer que la loi française doit s’appliquer.
Dans ce cas, le deuxième gagnant dans cette affaire sera l’Etat français qui prendra 45% de la succession.
Bien se préparer à l’ultime racket, l’impôt sur la mort
Les Français sont, dans leur très grande majorité, attachés au Code civil de 1804 qui a aboli le droit d’aînesse et a établi l’égalité de traitement entre les enfants au moment de la succession en faisant de ceux-ci des héritiers réservataires.
Dans le même temps, les disputes familiales au moment des successions – dont chacun de nous a au moins un exemple dans son entourage – laissent penser que les mêmes Français ne s’estiment pas toujours bien traités par leurs parents défunts.
Un tel ne comprend pas pourquoi sa soeur, panier percé, reçoit la même part que lui alors qu’elle va la dilapider en quelques mois. Ou bien c’est la fille qui accepte difficilement que son frère soit traité de la même façon qu’elle alors qu’il n’a pas pris soin de leurs parents âgés. Et ne parlons pas des chamailleries à vie parce que l’un a reçu la saucière de l’arrière grand-tante convoitée par l’autre.
Même si toutes les successions ne sont pas de la même ampleur que celle de Johnny Hallyday (on parle d’une centaine de millions d’euros, de laquelle il faudra déduire les dettes, notamment fiscales), il convient de bien préparer sa succession.
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Derrière l’exclusion de deux des enfants de Johnny de la succession, n’y a-t-il pas aussi la volonté d’extraire les biens à l’avidité du fisc français ? On ne pourrait pas en vouloir à Johnny sur ce point. Encore faut-il que tout cela soit réalisé dans les règles.