La Chronique Agora

Stop loss : seulement profitable pour le banquier ?

▪ Imaginez que vous allez à Las Vegas avec une stratégie — enfin, avec de l’argent ET une stratégie. Vous arrêterez de jouer quand vous perdrez 500 $. Vos pertes potentielles seront limitées à ces 500 $ et vous pensez avoir à peu près les mêmes chances de gagner au moins 500 $. Ce n’est hélas pas vrai. Dans le monde de la finance, une telle stratégie s’appelle un stop loss et, je vais vous surprendre car en tant que trader vous n’avez pas pour habitude que l’on vous dise cela, elle ne produit pas de performance supérieure. Pas de panique, je vais vous expliquer.

Avec un stop loss, l’investisseur a la fausse impression d’être protégé contre la baisse des marchés. L’idée de base est pourtant simple : quand une position baisse d’un certain pourcentage, par exemple de 1%, elle est automatiquement vendue. Intuitivement, on se dit qu’à part quelques accidents de parcours, le portefeuille ne perdra pas plus de 1%, et profitera de toutes les hausses à venir. Ce n’est pas comme cela dans la réalité ; c’est ce qu’ont démontré des chercheurs de l’université de Washington.

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Dans la réalité, la performance du portefeuille tend à se concentrer au point de stop loss (-1% dans notre exemple), selon les recherches de Kira Detko, Wilson Ma et Guy Morita, de la Michael G. Forster School of Business, à l’université de Washington. Utiliser des stop loss revient à croire qu’ils n’auront qu’un effet : limiter les pertes à un certain niveau prédéfini.

Mais une autre conséquence est que le portefeuille multipliera les prises de perte à ce niveau, justement. Ce qui nuit à la distribution des performances, puisque sans ces stop loss, ces petites pertes n’auraient pas été prises.

L’originalité du papier de Detko, Ma et Morita est qu’ils raisonnent en termes de coûts et bénéfices face à l’utilisation des stop loss. Utiliser un stop loss revient à croire au Père Noël, pour ce qui est des coûts et bénéfices.

Un enfant qui croit au vieux bonhomme barbu sait qu’il recevra un cadeau s’il est sage. C’est le bénéfice. Le coût est celui du cadeau, qui est à la charge des parents — car le Père Noël n’existe pas, du moins pas dans le monde de la finance. Un investisseur qui veut gérer son risque grâce aux stop loss (c’est son bénéfice) doit aussi en supporter les coûts, qui sont cachés. J’ai déjà mentionné le premier — les performances sont pénalisées. Il en existe d’autres que le graphique ci-dessous vous permet de visualiser, et qui explosent près du niveau auquel est fixé le stop loss.


Pour agrandir le graphique, cliquez dessus

Dans le cas d’un marché sans direction (la performance est proche de zéro), nous voyons que les bénéfices du stop loss sont anéantis par ses coûts. Dans un marché haussier, les stop loss réduisent la performance, car ils ne permettent pas à un actif de corriger puis de se reprendre. Dans les marchés baissiers, enfin, ils limitent les pertes.

Globalement, démontrent ces chercheurs américains, l’utilisation de stop loss n’a pas d’impact significatif sur la performance. C’est pourquoi ceux qui les utilisent doivent prendre en compte d’autres facteurs que leur perte maximale souhaitée, comme la liquidité, les coûts de friction, la stratégie et la structure du portefeuille. Conclusion, la technique du stop loss n’apporte aucun avantage en elle-même…

En 2005, Robert Macrae, d’Arcus Investments, avait démontré qu’une stratégie impliquant des stop loss augmentait la volatilité, ce qui est l’inverse de l’objectif recherché. La raison : avec des stop loss, l’effet de levier doit être plus important pour assurer une exposition constante. D’où le regain de volatilité.

Cette technique est néanmoins particulièrement appréciée par les gérants de portefeuille pour deux raisons. Un : elle endort le client, qui a la fausse sensation de connaître son risque et d’être protégé. Il sait qu’il n’a pas besoin de passer son temps devant les cours boursiers, le doigt sur le bouton de sa souris pour être prêt à vendre.

Deux : elle multiplie les opérations (ventes automatiques quand le seuil est atteint, puis achats), ce qui génère des commissions de transaction pour la banque.

L’investisseur, là-dedans, est encore une fois le dernier des soucis du banquier. Seriez-vous le pigeon ?

[Marc Mayor est le fondateur et président d’Inside ALPHA, une entreprise helvétique spécialiste des approches financières éliminant le risque de marché (investissements dits « ‘neutres au marché »). Depuis plus de 10 ans, Marc analyse avec humour et sagacité le comportement des initiés de la Bourse, notamment dans les colonnes de sa rubrique hebdomadaire « Le Coin des Insiders »‘, qui paraît chaque vendredi dans le quotidien financier L’Agefi (Suisse). Marc Mayor met également toute son expertise financière, ses analyses et ses recommandations au service des investisseurs particuliers dans le cadre de sa lettre d’information, La Lettre de Marc Mayor]

Première parution dans le Billet du Trader le 29/04/2011.

 
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