La Chronique Agora

Faut-il stocker son or au Canada ou dans les îles Anglo-Normandes ?

L’esprit britannique ne se résume pas au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, encore moins à la seule Londres. D’autres destinations, qui entretiennent un lien de parenté très proche avec la Couronne, sont candidates au stockage de vos métaux précieux…

Chaque année depuis 2019, Ronald Stöferle et Mark Valek (S&V) dédient un chapitre de leur rapport In Gold We Trust au stockage de l’or à l’étranger. Les deux Autrichiens émettent un avis favorable au sujet du Canada et des îles Anglo-Normandes.

Que faut-il en penser ?

Le Canada, un héritier de la tradition britannique très intégré aux Etats-Unis

Le Canada est le 2e plus grand pays au monde en superficie, derrière la Russie. Cependant, la plupart du pays étant inhabitable, une grande partie de ses 37 millions d’habitants est concentrée dans un couloir étroit le long de la frontière américano-canadienne.

Au niveau institutionnel, le pays est une monarchie constitutionnelle parlementaire qui inclut dix provinces et trois territoires. Le Canada est devenu pleinement souverain vis-à-vis du Royaume-Uni en 1982. Depuis le décès de la reine Elizabeth II le 8 septembre 2022, Charles III est le chef de l’Etat, le Canada restant un royaume du Commonwealth.

Pour des raisons historiques, le système juridique canadien est régi par la Common Law, à l’exception du Québec qui fonctionne sous un système de droit civil. Le système juridique canadien est classé dans le top 10 mondial, en particulier grâce à sa performance en matière de respect du droit de propriété et à son faible niveau de corruption.

L’économie canadienne est la 9e au monde. Le pays est cependant très endetté, que ce soit au niveau public (104% du PIB fin 2023) ou au niveau privé (178% au niveau des ménages fin 2023).

L’économie canadienne est extrêmement intégrée à celle des Etats-Unis. La conséquence directe en est que « le Canada a tout intérêt à entretenir des relations pacifiques avec son puissant voisin », comme le soulignent S&V. Cela explique également que la position d’Ottawa en matière de politique étrangère soit le plus souvent alignée sur celle de Washington.

Quelle relation le Canada entretient-il avec l’or ?

A défaut d’être la capitale du pays, Toronto « est bien connue des investisseurs en or comme étant la capitale mondiale de l’exploitation minière », rappellent les deux Autrichiens.

Et pour cause, le Bouclier canadien, quoi que difficile à habiter, est une véritable caverne d’Ali Baba des matières premières. On y recense les trois gisements de pétrole les plus importants au monde (après le Venezuela et l’Arabie saoudite), ainsi que des minéraux industriels, des métaux et du bois. Cela explique que le Canada se classe « parmi les principaux centres boursiers du monde pour les valeurs minières et énergétiques, avec plus de 550 sociétés cotées dans le secteur extractif », comme le relèvent S&V.

Pour ce qui est plus spécifiquement de l’or, le Canada est le 4e ou 5e pays producteur, en fonction des années.

Les dix plus grands pays producteurs d’or en 2020

Comme l’expliquent S&V :

« Si une grande partie de l’or est vendue à l’échelle internationale sur le London Gold Market, le Canada abrite également l’un des plus grands ateliers de frappe nationaux, la Monnaie royale canadienne, créée en 1908. Outre la frappe de la monnaie nationale, la Monnaie royale canadienne offre également ses services à d’autres banques centrales. La raffinerie de la Monnaie royale canadienne a été la première à atteindre une pureté de 0,9999, les fameux ‘quatre neuf’. La Feuille d’érable canadienne (Maple Leaf) est l’une des pièces d’investissement les plus vendues au monde. »

Pour compléter le tableau, il ne manque plus qu’une banque centrale gorgée de lingots, n’est-ce pas ? Eh bien, ce serait plutôt le contraire : en 2016, la Banque du Canada a décidé de solder l’intégralité de ses réserves d’or, ce qui en fait le seul Etat du G7 dépourvu de réserves officielles de métal jaune.

Alors faut-il stocker votre or au Canada ?

La position de S&V est la suivante : « Dans l’ensemble, le Canada est une juridiction attrayante pour le stockage de l’or, compte tenu de ses liens historiques étroits avec l’industrie minière aurifère et de sa réputation de pays stable et pacifique [et de sa proximité du marché américain]. »

Je dois dire que, pour une fois, je suis en désaccord avec les deux Autrichiens.

De mon point de vue, l’Etat canadien n’a cessé de montrer depuis 2020 qu’il s’essuie les pieds sur les libertés fondamentales. En témoigne en particulier l’épisode du Convoi de la liberté, lors duquel les avoirs financiers des personnes liées aux manifestations ont été gelé sans décision de justice.

En dépit de tous les avantages que présente le Canada, rien n’interdit que l’un de ses gouvernements ne jette son dévolu sur votre métal si vous avez un jour le malheur de lui déplaire.

La prochaine solution me semble largement préférable…

Les îles Anglo-Normandes, une « Suisse britannique »

S&V oriente les investisseurs vers les trois dépendances de la Couronne britannique que sont l’île de Man, Guernesey et Jersey. Ces trois îles se situent plus près des côtes normandes que des côtes britanniques, Jersey ne se trouvant qu’à 30 km du littoral normand.

Si le Royaume-Uni assure leur représentation internationale et leur défense militaire, ces trois îles n’en sont pas partie intégrante et n’ont jamais été membre de l’UE (elles ont seulement été membres de l’Union douanière).

Elles disposent chacune de leur propre système juridique. « Avec une Histoire remontant à plus de 1 000 ans, ces îles bénéficient depuis longtemps d’un système juridique et politique stable. Par-dessus tout, leur approche de la gouvernance locale a permis de concentrer la prise de décision sur les meilleurs intérêts des [260 000 âmes qui peuplent les îles Anglo-Normandes]. Sur cette base, la combinaison exceptionnelle de stabilité juridique et politique et d’innovation financière a permis à Jersey et Guernesey de devenir des juridictions financières offshore privilégiées », expliquent S&V.

Entre autres spécificités fiscales très appréciables, « l’absence de toute forme de TVA ou de taxe sur les marchandises et les ventes a contribué à créer un lieu de stockage de lingots très intéressant, d’autant plus que certains investissements en lingots sont également exonérés de l’impôt britannique sur les plus-values ».

Les deux Autrichiens ajoutent : « Contrairement à de nombreuses autres juridictions offshore, Jersey, Guernesey et l’île de Man ont une longue expérience du professionnalisme, de la prudence financière et du respect des normes internationales. Ces trois dépendances de la Couronne se sont engagées à améliorer la transparence et à établir un échange efficace d’informations en matière fiscale. Grâce à leur environnement sûr mais innovant, ces îles uniques ont mérité l’appellation de ‘Suisse britannique au-delà des mers’. »

Voilà des arguments de poids, n’est-ce pas ?

En ce qui me concerne, la conclusion est la même que vis-à-vis de Londres : la Suisse conserve ma préférence – mais les îles Anglo-Normandes ont tout pour plaire, en particulier si vous êtes résident britannique !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile