La Chronique Agora

Standard & Poors dégrade la note française… par erreur !

▪ Nous adorons ces moments rares et délectables où la matrice se déchire et où l’envers du décor se dévoile aux yeux des citoyens médusés.

Avec la fausse bourde de la vraie dégradation du triple A de la France ou la sanction officieuse dévoilée par erreur de Standard & Poors mercredi dernier, nous constatons une fois de plus que dans la guerre transatlantique consistant à mettre la main sur l’épargne mondiale pour refinancer la dette, tous les coups (tordus) sont permis.

Celui-là restera dans nos mémoires comme l’un des plus sournois de la décennie. Il a été porté contre la dette française au plus fort des attaques visant les OAT tricolores, dont le rendement venait d’atteindre 3,40% — soit exactement le double de celui des Bunds qui bénéficient également du même triple A.

Rappelons que le court texte expédié par erreur mercredi dernier vers 16h à certains abonnés et annonçant sobrement la dégradation de la note française existe bel et bien : ce n’est donc pas un faux.

Standard & Poors précise juste que le contenu de la fameuse note ne reflète pas une décision de son comité d’évaluation… autrement dit son avis officiel.

Pour être clair, il semble bien que le distinguo soit le même qu’entre le vote d’une loi (après sa mise au point technique) et sa promulgation qui la rend applicable et exécutoire.

Pour bien vous convaincre du caractère délibéré de cette erreur, sachez qu’en de très rares occasions, il est arrivé qu’une agence diffuse un communiqué contenant des données erronées sur certains produits financiers. Mais il ne s’était jamais produit de fuite concernant la notation d’un pays, et à plus forte raison celle de la cinquième économie de la planète, en pleine tempête sur les dettes souveraines.

▪ La réaction des marchés (le CAC 40 perdant 50 points en une demi-heure) prouve qu’une perte du triple A est considérée comme une décision plausible, ce qui n’aurait certainement pas été le cas si S&P avait dégradé sans crier gare le Canada, la Finlande ou la Norvège.

Vous observerez au passage qu’il vaut mieux être proche plus du Cercle Polaire que des tropiques pour continuer d’appartenir au cercle restreint des bénéficiaires d’un triple A.

Mais la principale bourde de S&P, c’est d’avoir révélé aux yeux de la planète entière qu’un petit cercle de privilégiés pouvait, moyennant paiement d’un abonnement visiblement un peu spécial, avoir accès à des informations cruciales avant le commun des mortels. Le genre d’informations qui, payantes ou non, ne devraient en principe être communiquées à personne.

Si les autorités de régulation ne réagissent pas, vous pouvez parier que les abonnements spéciaux sont promis à un avenir florissant, à l’image des logiciels de manipulation de cours développés par des petits génies de mathématique et de la physique expérimentale !

Avec la séance de vendredi, nous avons l’occasion de vous édifier, une fois de plus, sur leur façon d’influencer Wall Street. Les ficelles sont grosses, les entorses à la déontologie sont permanentes mais c’est légal, comme le sont apparemment les abonnements premium de Standard & Poors !

Oui, nous insistons sur ce point, d’un point de vue technique, tout est à l’extrême limite mais légal… Tout du moins tant que les autorités de régulation continueront de fermer les yeux.

▪ Nous, nous continuons d’ouvrir grand les nôtres quand nous assistons à un scénario aussi singulier que vendredi soir. Dopé par l’actualité politique grecque et italienne, Wall Street affichait 2% au bout de 45 minutes de cotation et gagnait même 2,2% un quart d’heure plus tard. Mais après cette splendide accélération initiale, plus rien !

C’est comme si Wall Street s’était figé comme un lapin dans les phares d’une voiture à l’entame de la deuxième heure de cotation. Les indices se sont alors mis à osciller au sein d’une fourchette de 0,3% d’amplitude durant six heures.

Cela illustre les fantastiques progrès réalisé par les mathématiciens les plus pointus travaillant sur la maîtrise du chaos à l’échelle micrométrique (mouvements browniens).

La perfection de la consolidation latérale qui s’est développée illustre l’efficacité des brillants cerveaux qui programment les robots algorithmiques.

L’objectif avait été fixé dès l’ouverture, de façon à coller aux indices européens. Il a ensuite été fait en sorte qu’ils ne lâchent rien de leur avantage initial.

Une tâche rendue d’autant plus facile que les opérateurs tentés de jouer une stratégie directionnelle se mettent en standby dès qu’il devient évident que les robots s’assurent la maîtrise de la tendance et que le marché n’ira nulle part.

▪ Le dernier épisode de volatilité de la semaine dernière est survenu vendredi, peu après 15h55. Il a été provoquée par une hausse inattendue de l’indice de confiance des consommateurs du Michigan qui ressortait en nette hausse, à 64 au mois de novembre (contre 61 attendus).

Applaudissons l’optimisme des Américains qui retrouvent le sourire malgré une croissance poussive, un marché de l’emploi atone et des prix immobiliers scotchés au plancher.

Wall Street a également salué le virage de l’austérité (votée par le Sénat italien) et l’éviction de Silvio Berlusconi au profit de Mario Monti. Ce dernier entamait ce week-end la formation de son gouvernement : il va avoir fort à faire pour en assurer le soutien par le Parlement italien… lequel est éclaté entre 19 formations politiques, toutes expertes dans l’art de négocier alliances et mésalliances depuis des décennies.

Le Cavaliere est le seul à s’être montré assez habile pour se maintenir au pouvoir plus de 18 mois au cours des 20 dernières années puisqu’il occupe le devant de la scène politique depuis… 18 ans.

On mesure mal depuis Wall Street le caractère exceptionnel de cette longévité dans un pays comme l’Italie. Les opérateurs tentent de se convaincre que tout va bien se passer puisque les marchés apparaissent désormais capables de faire valser les dirigeants politiques à leur guise et de leur imposer le mode de gestion économique qui leur convient.

▪ Le Dow Jones a donc gagné au final 2,2% à 12 150 points, soit 1,4% sur la semaine écoulée. Le Nasdaq, lui, malgré une progression de 2,1% à 2 680 points, se replie de 0,28% au cours du même intervalle.

Le CAC 40 a sauvé sa semaine vendredi à 90 minutes de la clôture. Il est passé de +2% à +2,8% entre 15h55 et 16h15 (score préservé en clôture). L’indice phare engrange donc +0,8% d’un vendredi sur l’autre et devrait venir tester la résistance court terme des 3 180 points, juste histoire d’achever une cinquième rotation entre 3 050 et 3 200 en l’espace de 15 jours.

Et tout cela ne mène à rien… De l’énergie mentale dépensée sans compter pour un retour sur investissement quasi nul — sauf pour les initiés qui connaissent avec 24 heures d’avance les gros titres du lendemain. L’euro, le baromètre de la confiance dans les actions n’est pas plus avancé puisqu’il affiche exactement les mêmes niveaux que le 1er novembre dernier.

Rien n’arrive jamais par hasard dans la matrice… mais les sentinelles finiront, tout comme leurs créateurs, par succomber à un excès de confiance.

Le hasard reprendra alors sa liberté et les marchés la leur… si tout va bien !

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