La Chronique Agora

Le S&P 500 chute suite à l’élection de Barack Obama

banques centrales

▪ Sans forfanterie, la chute de 2% des places boursières européennes puis de 2,4% de Wall Street mercredi soir ne m’a pas surpris outre mesure — contrairement à la hausse de 1,2% affichée à Paris peu après l’ouverture.

En effet, les valeurs françaises entamaient la séance sur les chapeaux de roues après avoir perdu 0,4% en milieu de nuit. Cela alors que le résultat des élections américaines était plié suite à l’annonce du verdict des urnes dans l’Ohio : la victoire inéluctable de Barack Obama a été saluée par… une chute de 100 points du Dow Jones, écart ramené à -0,3% en pré-ouverture mercredi matin.

Mon étonnement n’a fait que se renforcer lorsque j’ai quitté à 11h30 le plateau de BFM Business : le CAC 40 venait de refaire une brève poussée de fièvre haussière (de 3 500 jusque vers 3 515,5 points en une demi-heure) alors que j’étais venu expliquer que la certitude de la réélection de Barack Obama avait été — sur le coup — fraîchement accueillie par les traders entre 4h30 et 5h du matin heure de Paris).

Cela fait plusieurs semaines que je décris le pourquoi et le comment d’indices boursiers maintenus à dessein en lévitation, anticipant une correction imminente pour cause de reconnexion au réel dès lors que la Fed n’aurait plus aucune nécessité de soutenir artificiellement les indices américains.

Autre changement majeur depuis le 6 novembre à minuit : les instituts économiques n’ont plus besoin de tripatouiller les statistiques de l’emploi ou de la confiance des ménages à coup de changement de méthodologie de dernière minute, d’introduction anachronique de « biais saisonniers », de redressement arbitraire de « moyennes glissantes ».

▪ La réélection c’est bien… maintenant, au travail !
L’incertitude sur le maintien de Ben Bernanke jusqu’en 2014 est levée — à moins que l’intéressé décide d’aller faire carrière chez Goldman Sachs. En revanche, les Etats-Unis se retrouvent maintenant confrontés à l’obligation de résoudre leurs problèmes budgétaires, alors que la majorité républicaine (avec à sa tête John Boehner), à la Chambre des Représentants, semble plus que jamais résolue à pourrir le second mandat du président réélu.

Les tractations ont déjà commencé. Les républicains indiquent qu’ils consentent sans surprise à une petite hausse de la fiscalité sur les revenus contre l’abandon de grosses dépenses à caractère social… et le maintien des ristournes de Bush sur les valeurs mobilières (il s’agit de l’imposition qui concerne essentiellement les ultra-riches et de façon très marginale les classes moyennes).

Le ton est donné… Quant au décor politique, malgré les 300 (et plus) grands électeurs acquis par Barack Obama, cela ne change pas grand-chose à la géographique du Congrès US. Il commence toutefois à se murmurer que la défaite républicaine serait largement imputable aux positions extrémistes de certains membres du Tea Party qui avaient pris en otage puis exécuté la culture du consensus lors du débat budgétaire de l’été 2011 — ce qui avait amené l’une des trois grandes agences de notation à priver les Etats-Unis de leur Triple A.

Les récents commentaires de Moody’s et de Standard & Poor’s au sujet des déficits américains et du risque de récession lié à la falaise fiscale suggèrent assez clairement que la note des Etats-Unis est déjà placée sous revue, avec « implication négative ». Le passage à l’acte pourrait survenir d’ici deux mois.

En attendant, la chute des indices américains a entraîné une nette détente des taux (de 1,74% vers 1,618% sur le T-Bond 2022), mais qui pourrait bien constituer le chant du cygne de la bulle obligataire.

▪ Les marchés corrigent
Contrairement aux places européennes, Wall Street n’a pas clôturé très exactement au plus bas du jour. La correction reste tout de même sévère — c’est même la plus sévère observée depuis le 1er juin dernier (-2,4%)… avec de gros volumes et 90% à 95% de titres en repli selon les indices.

Les permabulls ne se laissent pas impressionner et parlent d’un simple trou d’air, d’un accès de mauvaise humeur épidermique de la part de traders pro-républicains qui avaient cru jusqu’au bout aux chances de Mitt Romney… Ca leur passera dès que Wall Street aura redressé la barre.

Voilà une explication qui n’est pas plus fantaisiste que celles justifiant la survalorisation des actions américaines après deux trimestres consécutifs de contraction des bénéfices. Les permabulls avancent même l’hypothèse que la correction d’hier soir pourrait constituer un copier/coller de celle survenue le 1er juin.

Tous les espoirs seraient permis car les indices américains n’avaient pas été plus bas que ce jour-là. Wall Street avait entamé dès le lendemain sa fantastique remontée estivale de +18%.

Malheureusement, le décrochage de ce 7 novembre ne survient pas au terme d’une vague de correction de 10% ; il valide sans ambiguïté la cassure d’importants supports techniques et graphiques préservés depuis début août.

Le Dow Jones (-2,36% à 12 932) pulvérise le seuil des 13 000. Le S&P (-2,37%) enfonce le support des 1 400 (la MM100) à 1 394. Quant au Nasdaq, avec ses -2,48%, il se retrouve bien en dessous du seuil des 2 950 points.

Au-delà du signal baissier, les stratégies d’allègement mises en oeuvre mercredi s’avèrent riches d’enseignement. Le S&P 500 a été plombé par deux secteurs principalement : l’énergie (les titres liés au pétrole et au charbon ont plongé de 5% en moyenne) et les valeurs financières (-4% en moyenne).

▪ Crise et austérité perdurent côté européen
La demande mondiale de pétrole ne cesse d’être revue à la baisse sur 2013 et 2014 depuis la mi-septembre. Cette anticipation ne peut qu’être étayée par le dernier bulletin conjoncturel de la Commission européenne qui réduit fortement ses prévisions de croissance en 2012 (le PIB se contracterait de 0,3% dans l’Union européenne et de 0,4% dans la Zone euro en 2012) et en 2013 (la croissance ne dépasserait pas 0,4% pour l’UE et 0,1% pour la Zone euro).

Beaucoup moins triomphaliste que ces dernières semaines, Mario Draghi reconnaissait pour sa part hier matin que la récession qui sévit au sud de l’Eurozone commence à plomber l’économie allemande. La production industrielle germanique a en effet plongé de ,8% en septembre au lieu des -0,5% attendus. Le comité des « Cinq sages » qui conseille Angela Merkel avertit que 2013 pourrait se solder par une stagnation de l’activité.

La chancelière a pourtant promis des hausses de pension et des allègements d’impôts tant la situation budgétaire lui apparaît florissante. Cela ne lui sautait pas encore aux yeux au début de l’été… mais c’est devenu une évidence à 10 mois des élections de septembre 2013.

Eh oui, plus que 10 mois pour distribuer quelques cadeaux symboliques et convaincre l’électorat que huit années de sacrifices et d’austérité n’auront pas été vaines… Mais la récompense est-elle à la hauteur des dégâts infligés au pouvoir d’achat des classes moyennes et des retraités ?

A propos d’austérité et de désastre social, nous avons appris hier soir un peu avant minuit que les députés grecs députés avaient voté à une courte majorité de 153 sur 300 le nouveau programme de 13,5 milliards d’euros d’économies exigé par la Troïka, comme préalable au versement d’une nouvelle tranche d’aide destinée à éviter un défaut d’Athènes sur les dettes détenues par les Etats et la BCE.

L’écrasante majorité des économistes estime que cela ne résoudra pas la crise grecque, ni d’ici fin 2012 ni à l’horizon 2016. D’après eux, il faudra en passer par une restructuration globale de la dette et à terme par une éventuelle sortie de l’euro. C’est le genre d’anticipation qui ne rencontrait plus le moindre écho dans les salles de marché à quelques jours des présidentielles américaines… mais cela pourrait redevenir le sujet de conversation numéro un d’ici Thanksgiving — à moins que ce ne soit l’Iran !

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