La Chronique Agora

Le S&P 500 bat de nouveaux records, la Fed a encore fait des miracles !

▪ « It’s so nice, great job! » (« C’est si magnifique, du grand et beau boulot ») !

Voilà le cri du coeur des journalistes américains et des professionnels de Wall Street jeudi soir à la clôture — sur pratiquement toutes les chaînes de télé, qui ne parlaient que de cela !

Cela en dit plus long que n’importe quel discours sur l’état d’esprit qui règne au sein de la sphère financière. Cette dernière jouit sans réserve de la déconnexion totale des cours de la bourse avec la conjoncture mondiale… et surtout celle qu’un habitué des allers-retours entre l’Europe et les Etats-Unis peut constater dès qu’il s’aventure hors des quartiers d’affaires et des banlieues huppées de New York.

L’inscription de sommets absolus était un scénario hautement prévisible en cette dernière séance du premier trimestre, veille d’un « pont » de trois jours. La tradition de la clôture au plus haut avant le week-end est donc respectée pour la 12ème fois sur 13 depuis le 1er janvier.

C’est le scénario parfait, le timing idéal. Wall Street termine le trimestre au plus haut, les indices égalant ou débordant à la marge leur zénith historique. Le Dow Jones a culminé à 14 585 (14 580 points au final, soit +11,25% en 2013). Quant au S&P 500, il s’offre une clôture au plus haut (+0,39%) à 1 569 points, soit +3,6% en mars et +10% depuis le 1er janvier.

Ces scores ont fait la Une de tous les journaux télévisés aux Etats-Unis. Pratiquement toutes les grandes chaînes ont couvert l’évènement, avec profusion de larges sourires et discours triomphalistes, quasi-surréalistes puisque il est question d’une croissance de +3,5% fin 2013.

Le seul problème, c’est qu’aucune statistique publiée ce jeudi ne corrobore ce scénario digne d’un rêve éveillé, strictement aucune !

▪ Les statistiques en porte-à-faux
Le chômage hebdo rebondit de 16 000 à 357 000, le PMI de Chicago chute de 4,4 points à 52,4 contre 56,8 le mois précédent (il était attendu stable). Enfin, l’estimation finale de la croissance de l’économie américaine a été révisée à la hausse pour le dernier trimestre de 2012 à +0,4%… alors que les opérateurs l’attendaient en hausse de +0,5% à +0,6%.

Les médias préparaient le terrain depuis plusieurs jours en ne présentant que les chiffres qui flattent le sentiment haussier des investisseurs. Les chiffres de l’immobilier sont particulièrement emblématiques.

Cela fait trois mois que les prix ont pratiquement cessé de monter aux Etats-Unis (+0,2% en janvier, +0,1% en février… le coup de frein est très perceptible). Pourtant, il n’a été question depuis 24 heures que de la « flambée » de +8,3% sur les 12 derniers mois — l’essentiel de la hausse s’étant matérialisée de janvier à mai 2012.

Ils nous affirment que « les chiffres ne mentent pas »… mais les menteurs adorent les chiffres !

Tout est affaire de présentation… et d’occultation plus ou moins (désormais plus du tout) subtile de tout ce qui serait de nature à ternir le tableau idyllique censé justifier la pluie de records observés à Wall Street depuis fin janvier (dont huit consécutifs sur le Dow Jones du 1er au 15 mars dernier).

▪ Les volumes en chute libre
De plus en plus d’acteurs réalisent que les marchés américains obéissent à la seule logique des flux… C’est-à-dire les quatre milliards de dollars qui sont déversés chaque jour par la Fed dans le système financier.

Cette dernière apparaît de plus en plus comme le seul acheteur en lice avec des volumes qui se contractent à mesure que les Etats-Unis progressent vers de nouveaux records. Les échanges sur le S&P 500 se sont contractés de 5% en mars par rapport à février et de -14% par rapport à janvier (les statistiques sont implacables) malgré l’envol de 3,5% en moyenne des indices américains en mars… Tout l’inverse de ce qui s’était produit en 2000 et 2007 avec un afflux massifs d’investisseurs particuliers.

Les faiseurs d’opinion agréés, assumant pleinement leur « permabullisme » militant, ne manquaient pas jeudi soir de se féliciter de l’impact psychologique positif que ne manquera pas de susciter le débordement — pas du tout artificiel ni « fait à la main » — des 1 565 points par le S&P au cours de la dernière heure de la dernière semaine du trimestre.

Cette pluie de records reflète selon eux une confiance en béton des épargnants américains. La vérité, c’est que la plupart d’entre eux ont envie de jeter leur télé par la fenêtre quand ils entendent ce genre de propagande qui constitue une sorte de quintessence de déni de la réalité… enfin de celle dans laquelle ils évoluent.

Wall Street a depuis longtemps basculé dans les paradis artificiels… et le « trip » dure depuis trop longtemps pour qu’un retour sur terre soit envisageable.

Ce n’est pas pour rien que la Fed a dépêché trois bons apôtres mercredi pour assurer Wall Street que les « shoots » autrefois épisodiques devenaient un goutte-à-goutte éternel.

Paradis, éternité… des banquiers qui accomplissent l’oeuvre de Dieu ou qui se targuent d’être les sauveurs des temps modernes… Si vous n’avez pas la foi, passez votre chemin !

Si vous ne tombez pas à genoux en extase en cette veille de Pâques, alors attendez-vous à vivre l’enfer…

… Ou pas !

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