La Chronique Agora

Du jamais-vu pour le S&P 500, du déjà-vu pour Apple

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▪ Très symboliquement, Wall Street est revenu au contact de ses records absolus un 11 septembre, 12ème anniversaire des tragiques évènements qui précipitèrent l’Amérique dans la plus coûteuse guerre de son histoire.

Après une entame de séance laborieuse et un raffermissement plus soutenu après 90 minutes de cotation, on aurait pu croire les marchés américains plongés dans un long et solennel recueillement entre 17h35 et 21h57, les cours ayant eu tendance à se tasser dans l’après-midi… Et puis les indices US ont explosé à la hausse au cours des trois dernières minutes de la séance.

Il s’est passé à Wall Street exactement la même chose qu’en Europe à la clôture : une hausse soudaine les a ramenés à l’équilibre au moment du fixing. Mais quelques heures plus tôt, ce sont justement les indices américains qui s’étaient envolés — comme par magie — entre 17h30 et 17h35.

Certains naïfs perdent encore leur temps à chercher une cause intelligible aux sautes d’humeur de Wall Street vers 17h30 puis à la dernière minute ?

Les traders leur expliquent immanquablement que c’est « technique » !

Voilà une expression fourre-tout qui, traduit en langage « chronique-agorien », signifie que les indices ont fait l’objet d’une manipulation de cours pure et simple.

Le Dow Jones s’est ainsi retrouvé propulsé de 15 290 vers 15 326, pour une clôture au plus haut du jour. Le S&P 500 est passé de +0,1% à +0,3% et finit au zénith à 1 689. C’était sa huitième hausse consécutive et c’est la quatrième série de plus de sept hausses d’affilée depuis le 1er janvier. C’est unique dans l’histoire du S&P, et le ratio hausses/baisses de cette année est tout simplement étourdissant.

C’est surtout du jamais vu en plus de 100 ans quand le rythme de croissance des bénéfices décroit (et passe même négatif) au cours des trois trimestres précédents — tandis que les taux longs se retendent nettement par rapport à la moyenne des 12 derniers mois… ce qui signifie, depuis la mise en oeuvre du QE3.

▪ Les « nouveautés » Apple
Promis à l’inscription d’un nouveau record quasi historique, le Nasdaq (-0,11%) a manqué son rendez-vous avec la hausse à cause du titre Apple, qui chutait de 5,5%. Sa déclinaison de l’iPhone 5 entre une version chère et une version hors de prix n’a pas vraiment convaincu la communauté financière.

En terme de « nouveautés » et d’évolution technique, c’est presque aussi révolutionnaire qu’une troisième vitesse sur un sèche-cheveux ou qu’au aileron arrière redessiné sur une Porsche Carrera.

Cela reste une excellente voiture… mais sur des routes limitées à 130km/h, il n’est pas certain que le conducteur puisse goûter cette fantastique avancée aérodynamique. Quant au sèche-cheveux, c’est aussi un objet émettant des sons disharmonieux que l’on tient d’une main d’un côté de sa tête, et puis on change quand le bras s’ankylose.

Nous ajoutons que l’on a rarement vu un constructeur de véhicules à quatre roues — ou de sèche-cheveux — prendre 30% en bourse dans les trois mois précédent la présentation d’une impressionnante série de… deux nouveaux produits.

Mais bon, c’est aussi cela, la magie d’Apple.

La preuve : quel fabriquant de sèche-cheveux aurait jamais pensé à changer le type de câblerie permettant d’alimenter l’appareil, chaque nouvelle prise étant incompatible avec le précédent modèle ?

Quant à l’installation d’une fonction « air tiède » et d’un logiciel de reconnaissance digitale qui ne permet qu’à sa propriétaire de l’actionner (eh oui, les autres membres de la famille resteront les cheveux mouillés ou devront recourir à l’antique serviette de bain, bonjour le retour à l’aube de la civilisation)…il n’y a qu’Apple qui aurait pu penser à ça !

Le milliardaire Carl Icahn se déclarait hier soir extrêmement séduit par Apple. Si ses smartphones sont devenus aussi onéreux qu’ils nous apparaissent banals, le cours du titre — au moins — ne lui paraît « pas cher ».

Carl Icahn résume en une formule tout l’esprit de l’époque. Il achète un cours de bourse, un prix… pas une innovation, pas un management (il pense d’ailleurs qu’il faudrait tous les changer, ils ne sont jamais assez bons), pas une entreprise (il ne songe qu’à les restructurer), pas un contexte économique (du haut de ses milliards, il est incapable d’en distinguer la surface).

Et ils sont des milliers à Wall Street à rêver de devenir un autre Carl Icahn, de faire trembler les patrons, de jongler avec les usines et les frontières (les unes traversant allègrement les autres)… et de trouver en général que les actions — même au plus haut historique et avec des taux qui s’envolent — ne sont pas chères.

Puisqu’il existe toujours une possibilité de faire croire qu’elles pourraient valoir plus !

C’est ainsi que raisonnait le marché en 1987, lorsque les actions continuaient de progresser à l’inverse des T-Bonds US qui venaient de perdre 15% en quelques mois. A l’époque déjà, ce phénomène s’expliquait par une… Grande rotation.

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