Les marchés financiers ont enregistré il y a dix jours un avertissement sévère, qui ne m’a pas vraiment surpris, ni sur le fond ni sur la forme. Les Bourses européennes se sont éloignées elles aussi des sommets pluriannuels — voire historiques — qu’elles avaient touchés ces dernières semaines, l’indice paneuropéen Eurostoxx 50 subissant son pire recul hebdomadaire depuis mars 2003. Mais pas d’inquiétude : ce mouvement de correction est salutaire et va permettre de faire revenir les investisseurs aux fondamentaux. L’euphorie des marchés, qui avaient grimpé de façon quasi-ininterrompue depuis le printemps 2006, portés par la progression des bénéfices des entreprises et par une frénésie de rachats et fusions de sociétés par des fonds d’investissements, a laissé indubitablement place à l’inquiétude. Mais ce mouvement est très sain, car il évite une correction qui aurait pu être bien plus violente dans son ampleur si les investisseurs n’avaient pas été ramenés sur terre.
Des opérateurs préoccupés
Au coeur des préoccupations : la croissance américaine, qui devrait tomber selon les économistes à 2 /2,5% cette année après 3,3% en 2006 ; et une série de mauvaises nouvelles ces derniers jours, dont l’évocation d’une possible récession aux Etats-Unis par l’ancien patron de la Fed, Alan Greenspan, ont alimenté l’onde de choc sur les marchés. Comme je vous le laisse entendre depuis le début de l’année, je m’attends à un scénario très comparable à ce qui s’était passé l’an dernier.
Or si sur le plan macroéconomique l’horizon reste dégagé, quelques nuages commencent à apparaître. Et de l’avis général, les turbulences sur le marché risquent de persister tant que l’incertitude dominera quant à la gravité du ralentissement économique aux Etats-Unis.
Des débouclages anticipés
Par contre, il est vrai que j’attendais davantage cette correction après la publication des résultats annuels des sociétés : l’entrée dans le "pot au noir" boursier que constitue le mois d’avril devant être le signal pour nombre de gestionnaires de commencer à sécuriser les plus-values engrangées depuis le début de l’année, exactement de la même manière que cela s’était passé en 2006. En effet, les opérateurs n’aiment pas trop rester en lévitation avec des plus-values en attendant la prochaine vague d’annonces — en juillet pour les chiffres d’affaires semestriels. La correction est arrivée plus vite que l’an passé mais encore une fois, et je vous le répète, c’est dans la nature même des marchés que de connaître ce type de correction !
Alors la chute générale des marchés pourrait bien donner l’occasion à certains investisseurs de se repositionner en masse, en pariant sur une remontée qui leur permettrait d’empocher d’importantes plus-values. Je tiens également à vous rappeler que l’an passé, la chute des marchés avait été provoquée par la perspective d’une surchauffe de l’économie US qui avait conduit les investisseurs à redouter un resserrement monétaire de la Fed. Pour être tout à fait honnête avec vous, personne n’est en mesure aujourd’hui de prédire quelle sera la dynamique de croissance de l’économie US, qui reste le véritable moteur de l’économie mondiale, très loin devant la Chine.
Mais les marchés sont cycliques
Avant la purge, j’avais quand même pu entendre certains commentaires de marché évoquer une dynamique de croissance vertueuse des marchés financiers, avec un cycle comparable à celui des 30 Glorieuses, c’est-à-dire ininterrompu. C’était bien vite oublier que la nature même des marchés est d’être cycliques, et qu’après toute période de hausse vient logiquement la baisse. La question n’était pas donc pas de savoir si correction il y aurait mais plus de connaître son ampleur. De deux choses l’une : soit les opérateurs estiment qu’une respiration est nécessaire et la correction pourrait être limitée, soit ils estiment que l’économie a mangé son pain blanc — et là, on pourrait entrer dans une véritable dynamique baissière.
Car ce qui a construit la hausse quasi-ininterrompue des marchés depuis quatre ans peut bien en provoquer la baisse : si les opérateurs commencent à estimer que la progression des marchés devient plus incertaine, ils vont réaliser des arbitrages et le flux de capitaux qui continue d’alimenter la hausse va s’inverser, un peu comme ce que les climatologues craignent pour le Gulf Stream, le courant marin. Une telle hypothèse pourrait conduire à un refroidissement durable des marchés financiers. Mais pour l’instant, rien d’objectif ne laisse entrevoir un tel scénario.
Au final, la correction est salutaire
Le CAC 40, qui a perdu un peu plus de 5% en cinq séances, affiche désormais une performance négative depuis le début de l’année (-3,8%) tandis que du côté des valeurs moyennes, les indices ont plutôt bien résisté, à l’image du CAC Small 90 qui progresse depuis le 1er janvier de 5,4%. Le MidSmall 190 se maintient bien lui aussi, puisqu’il reste positif de +0,6% (au 7 mars). D’autant que l’important reste que les sociétés continuent d’afficher des performances très bonnes. Sur mon panel de 250 valeurs moyennes que je suis attentivement, j’attends encore en 2007 une hausse de l’ordre de 8% du CA agrégé et de 17,5% du résultat opérationnel courant, ce qui signifie que selon mes prévisions, les marges devraient encore continuer à s’améliorer cette année mais également l’an prochain. Donc pour l’heure, cette correction reste salutaire.
Notre stratégie : patienter et être défensif !
Je vous rappelle donc ma stratégie : ne pas paniquer. Attendre la fin de la purge. Puis, moyenner à la baisse sur nos lignes les plus touchées une fois la tempête passée. Enfin, attendre la remontée logique des marchés pour prendre les plus-values, tout en se plaçant sur les valeurs massacrées.