La Chronique Agora

Le sort fiscal de l’épargne accumulée pendant la pandémie se précise

fiscalité

Depuis plusieurs semaines, les propositions fleurissent pour fiscaliser les plus ou moins 200 milliards thésaurisés par les Français pendant une année de confinement. Pour l’instant, Bruno Le Maire fait (heureusement) de la résistance : pas de hausse d’impôt. D’où des idées baroques qui devraient sortir prochainement… Voici ce qu’il faut en penser.

Alors que le confinement touche à sa fin, largement victime de la lassitude des Français, le débat sur le remboursement de la dette et sur le financement des déficits publics de plus en plus extravagants prend de l’ampleur. Et c’est bien normal ! Une fois la foire finie, on compte les bouses…

L’épargne accumulée au centre des débats et des appétits

Pendant que l’Etat dépensait 200 milliards imprévus pour soutenir l’économie, les Français (mais surtout les plus fortunés d’entre eux) auraient épargné, dit-on, 200 milliards, faute de magasins (et spécialement de restaurants) ouverts pour les dépenser.

Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre l’équation qui se constitue dans de nombreux esprits : il suffirait « d’écrêter » l’épargne 2020 pour renflouer l’Etat et éviter des efforts pour rembourser la dette.

Est-ce réaliste ?

Bien entendu, ces chiffres sont des projections théoriques dont personne ne peut dire si elles sont exactes ou pas. Dans la pratique, il est plutôt probable que l’épargne exceptionnelle constituée en 2020 ne dépasse pas les 120 milliards, ce qui est loin de suffire à remplir les caisses de l’Etat percées comme toits de tuile après une tempête. Mais beaucoup de très sérieux économistes de gauche comme Thomas Piketty ne s’embarrassent plus de ce genre de détails.

On connaît la musique : le patrimoine est une horreur économique, et il faut le redistribuer coûte que coûte à ceux qui n’en ont pas. Pour y parvenir, rien ne vaut un bon impôt confiscatoire qui remet les pendules à l’heure.

L’option de Bercy en faveur des donations

Comme le président de la République a promis que les impôts n’augmenteraient pas, Bercy a pour mission de remplir le vide : trouver une formule qui « oriente » l’épargne vers le financement de la reprise sans pour autant prélever des impôts. En tout cas pas tout de suite, et cette nuance temporelle est essentielle.

Donc, dans l’immédiat, on fait comme si les impôts n’allaient pas augmenter, et on se creuse les méninges pour apporter des idées nouvelles. En l’espèce, selon les Echos, Bercy proposerait de proroger le dispositif déjà mis en œuvre l’an dernier, permettant de défiscaliser d’importants dons à ses héritiers sous réserve que ceux-ci investissent rapidement dans l’économie.

On comprend l’exercice vertueux que cette proposition vise : à la fois respecter la promesse présidentielle, envoyer un signe à la jeunesse en lui permettant (pour ceux qui en bénéficieront) de s’enrichir sans payer d’impôt, et favoriser la relance en apportant du cash à des entreprises.

Car telle était bien la condition du dispositif adopté l’an dernier : que les sommes transmises (jusqu’à 200 000 €) sans impôt soient réinvesties dans des prises de participation capitalistiques.

Combien de Français bénéficieront du dispositif ?

L’inconvénient du dispositif de Bercy est qu’il concerne une frange très limitée de la population : celle qui est prête à transmettre jusqu’à 200 000 € à des enfants eux-mêmes prêts à utiliser cette somme pour investir dans le capital d’une entreprise.

Il serait intéressant de savoir exactement combien de contribuables ont bénéficié du dispositif précédent… et combien sont à nouveau prêts à en bénéficier en 2021.

Pour être franc, on peut avoir un doute sérieux sur le volume de personnes que tout cela représente. Et on ne prend pas trop de risques en affirmant que le nombre final de bénéficiaires, ainsi que l’épargne finale réellement drainée vers des entreprises qui en ont réellement besoin sera très limité.

C’est le problème des mesures très ciblées : elles sont vertueuses, mais elles concernent toujours très peu de personnes. Ce défaut était déjà le sujet majeur de l’impôt sur la fortune, qui coûtait cher à prélever vu la complexité de ses règles pour un bénéfice final limité.

Le boomerang d’une taxation générale

L’inconvénient de ce genre d’impôt tient au fait qu’il échoue, généralement, à atteindre ses objectifs, et qu’il sert de redoutable levier à ses détracteurs pour promouvoir une taxation aveugle et généralisée, réputée bien plus efficace.

On peut donc craindre que la mesure de donation proposée par Bercy se réduise à gagner du temps jusqu’aux élections de mai 2022. Ensuite, le nouveau gouvernement aura les coudées franches pour l’abandonner et opter pour une taxation confiscatoire et douloureuse. En attendant, quelques familles auront pu mettre un joli pactole à l’abri.

Nous vous expliquerons la semaine prochaine comment « frauder » pour tirer parti de cette mesure sans que les impôts ne voient rien passer. Si vous n’en avez pas la faculté… pensez dès maintenant à une autre solution patrimoniale.

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