La Chronique Agora

Le sommet de la montagne

Rappelons-nous que la descente est la partie la plus dangereuse d’une ascension…

Notre pari est que la prochaine grande perte n’est pas très loin. Tenez-vous prêts ! 2000… 2008… nous y revoilà ! A la seule différence que cette fois-ci, la Fed devra mettre sa bouée de sauvetage de côté. Parce que l’inflation n’a pas été vaincue. Le New York Post rapporte :

« Les prix de gros aux Etats-Unis ont de nouveau augmenté en février, dernier signe en date que les pressions inflationnistes dans l’économie restent élevées et pourraient ne pas ralentir dans les mois à venir aussi rapidement que le souhaiteraient la Réserve fédérale ou l’administration Biden. 

Le département du travail a déclaré jeudi que l’indice des prix à la production – qui suit l’inflation avant qu’elle ne touche les consommateurs – a augmenté de 0,6% de janvier à février, contre une hausse de 0,3% le mois précédent. »

Ce qui signifie que cela ne se résume probablement pas à une grande perte temporaire pour la plupart d’entre nous, mais à une perte permanente.

Lorsque l’on achète des actions, on est supposés bénéficier de « la prime de risque sur les actions ». En d’autres termes, on gagne un petit peu plus grâce aux actions qu’aux obligations. Mais tout a un prix. Et le prix à payer pour de plus grands profits est un plus grand risque. On doit abandonner la certitude que notre argent sera là quand on en aura besoin. A vrai dire, il se peut qu’on ne le revoie jamais.

Impression sur demande

La Fed ne peut pas se contenter « d’imprimer » de l’argent comme elle en avait l’habitude, non sans donner la chair de poule aux investisseurs obligataires.

Au cours des trois dernières années, ils ont subi certaines des pires pertes jamais enregistrées sur ce marché. Ils ne veulent pas revivre la même chose. Par conséquent, s’ils voient la Fed reprendre ses vieilles habitudes imprudentes – prêter à zéro, « imprimer » de l’argent frais à volonté – ils se révolteront. Ils vendront des bons du Trésor, obligeant le gouvernement fédéral à payer plus cher pour emprunter.

Les fédéraux paient déjà plus de mille milliards de dollars par an en frais d’intérêt. Et cela ne cesse d’augmenter. Voici ce que nous dit le Comité pour un budget fédéral responsable :

« Sur la période 2025-2034, les dépenses prévues par le budget du président s’élèveraient à 86,6 billions de dollars (24,4% du PIB) et les recettes à 70,3 billions de dollars (19,7% du PIB). »

Cela représente 16 000 milliards de dollars de déficit total qui viendront s’ajouter à la dette nationale, portant le total à plus de 50 000 milliards de dollars d’ici 2034. Et comme la dette nationale augmente et que les anciennes dettes sont refinancées à des taux plus élevés, les charges d’intérêt augmentent considérablement. Soutenir le marché boursier avec davantage de « stimulants » devient impossible.

Sans le soutien de la Fed, les actions devront être évaluées sur la base de leurs bénéfices. Cela signifiera que les ratios cours/bénéfice seront plus normaux. Jeremy Grantham pense que les prix à Wall Street pourraient baisser de 60% pour s’aligner sur les bénéfices des entreprises. Ensuite, il faudra peut-être plus de 20 ans de croissance des bénéfices pour que les survivants – s’il y en a – retrouvent leur niveau d’aujourd’hui.

Jeremy Grantham, l’un des gourous de Wall Street, a révélé ceci à Business Insider :

« Les actions sont dangereusement surévaluées et sur le point de décevoir ; la bulle de l’intelligence artificielle est vouée à éclater et une récession semble probable, a averti Jeremy Grantham.

M. Grantham a noté que le ratio P/E de Shiller du S&P 500 – qui divise le prix du S&P 500 par les bénéfices annuels moyens de ses composants au cours des dix dernières années pour tenir compte du cycle économique – s’élevait à 34 le 1er mars, un niveau situé dans le premier 1% de la fourchette historique de la métrique. »

Sept ans de démangeaisons

La bulle d’aujourd’hui ressemble plus à la bulle des dot.com de 1998-1999. Les prix étaient aussi devenus exorbitants à ce moment-là et les investisseurs ont pensé qu’une nouvelle technologie donnerait plus de valeur à leurs actions. La valeur d’Amazon, par exemple, a été multipliée par 21 au cours des deux années 1998-1999. Les gens pensaient qu’elle continuerait à croître jusqu’à la lune.

Au lieu de cela, elle s’est effondrée de 92% et n’a retrouvé son niveau record de 1999 que sept ans plus tard. Ensuite, elle est allée sur Mars.

Bien sûr, sept ans, ce n’est pas si long. Mais la plupart des grandes actions de l’époque n’ont pas eu cette chance. A l’époque, comme aujourd’hui, les grosses fortunes étaient concentrées sur un petit nombre de titres. Elles se sont toutes effondrées et la plupart d’entre elles ne se sont pas encore rétablies.

Et nous ne parlons pas des dot.com à la noix – comme Pets.com – ni même des merveilles technologiques à un seul titre, comme Global Crossing. Nous parlons de la crème de la crème… les plus grandes et les meilleures entreprises des Etats-Unis au tournant du millénaire. En ajustant les prix d’aujourd’hui à l’inflation, nous constatons que seules deux des dix premières entreprises de la période 2000-2023 sont dans le positif : Microsoft et Walmart. Les autres ont subi une perte combinée de plus de 1 000 milliards de dollars de capitalisation boursière, en monnaie d’aujourd’hui.

Le sentier de la descente

Pour le présenter d’une autre manière, un investisseur, en 1999 – qui aurait acheté des actions auprès des meilleures entreprises considérées comme « valeurs sûres », sur lesquelles on ne pouvait pas se tromper – avait 80% de chance de se tromper. Cisco, GE, Intel, Exxon, Oracle, IBM, Citigroup et Lucent. Toutes ont fait perdre de l’argent à des investisseurs sur près d’un quart de siècle, allant d’une perte de 12% pour Exxon à une perte de 100% pour Lucent.

A l’heure actuelle, les investisseurs parient sur les Sept fantastiques – Apple, Alphabet, Amazon, Meta, Netflix, Nvidia et Tesla. Laquelle va survivre ? Laquelle va prospérer ?

Nous n’en savons rien. Mais c’est bien là le problème de se tenir au sommet d’une montagne. Qu’on parle de marché boursier, d’une entreprise unique comme Nvidia… ou de tout un empire, le constat est le même : tous les chemins mènent à la descente.

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