** Nous évoquions hier la chute du "rideau de plomb" de la dette des pays émergents d’Europe de l’Est. Cependant, nous n’étions pas particulièrement inquiet à ce sujet puisque les 27 grands argentiers de l’Europe étaient réunis ce dimanche à Bruxelles pour traiter ce problème potentiellement explosif s’il était abordé avec le même déni de la réalité qui a rendu si cataclysmique la crise des subprimes.
Cette réunion aurait dû déboucher sur la création d’un fonds spécial d’aide aux banques des pays d’Europe de l’Est de 180 à 200 milliards de dollars. A notre grande surprise — et alors que chacun sait que chaque semaine compte — nos "sherpas" ont décidé de… ne rien décider. Ils se sont toutefois déclarés ouverts à une telle solution, mais ils préfèrent privilégier le cas par cas dans la mesure où les situations sont trop hétérogènes et les degrés d’urgence assez inégaux.
Le FMI estime l’amortissement de la dette externe des pays d’Europe centrale et orientale à 400 milliards de dollars pour l’année 2009 — soit 10% à 12% du PIB de la zone puisque l’encours global est de 1 700 milliards de dollars.
Le risque — et cela se sait assez peu — est assumé à 75% par les banques de l’Europe de l’Ouest avec en première ligne l’Autriche, l’Italie, la Suède, l’Allemagne et la Belgique.
Si les difficultés de remboursement restent assez raisonnables en Pologne, en République Tchèque et en Slovaquie, la menace de défaut de signature est très élevée en Bulgarie, Roumanie, Russie et Serbie et elle apparaît maximale en Lettonie et Ukraine.
Si le total des défauts dépassaient les 10% — pour l’heure, aucun sinistre n’est à déplorer mais tout peut aller très vite –, alors le système bancaire européen pourrait exploser !
Une nouvelle fois, faute de pouvoir mettre en oeuvre des mesures de sauvegarde rapides comme la Fed et le Trésor US, l’Europe laisse une chance aux braises qui rougeoient des Balkans à l’Oural de déclencher un incendie aussi dévastateur que les CDS et autres CDO qui ont mené Citigroup, AIG ou Lehman à la ruine.
** Voilà une erreur psychologique et stratégique qui coûte cher. Les indices européens l’ont payé cash hier avec un repli global de plus de 5% — en prenant pour référence l’Eurofirst 300.
Le mois de mars démarre de la pire des façons, sur un repli de 4,5% à Paris, avec l’ouverture d’un gap sous les 2 644 points et une clôture quelques heures plus tard au plus bas du jour (et de l’année).
Le CAC 40 affiche désormais -58% par rapport à ses sommets de l’été 2007, -50% par rapport à son zénith de la mi-mai 2008 et -19,8% depuis le 1er janvier.
L’indice se retrouve déjà en situation d’aligner un neuvième mois de repli sur une série de 10 et un septième consécutif : la dégringolade s’apparente à un puits sans fond.
** La situation n’était guère plus encourageante à Wall Street hier soir avec des écarts à la baisse dépassant les 4,5%, qui s’ajoutent aux 20% perdus depuis le début de l’année. Il faut remonter plus de 75 ans en arrière pour découvrir un indice américain en repli de plus de 55% sur des sommets moyen terme ou historiques sur une période de 18 à 24 mois.
La barre des 50% de baisse n’avait pas été franchie — juste tutoyée — en 2002 par le Dow Jones, alors qu’elle est allègrement franchie par le S&P 500, l’indice le plus large et le plus représentatif du marché américain.
Il s’est effondré lundi soir de plus de 4,7% à 700,8 points, inscrivant sa plus basse clôture depuis le 30 octobre 1996. En 48 heures, le Dow Jones se retrouve quant à lui à plus de 5% par rapport à l’ex-plancher des 7 115 points du 24 février dernier.
Mais l’indice boursier qui nous a le plus stupéfait, c’est le Dow Transportation — un précurseur de l’activité économique — qui a enregistré l’une des plus fortes chutes de la décennie (-7%).
** Une des victimes collatérales fut l’or noir : il a dégringolé de 10% sur le NYMEX en quelques heures, à 40,15 $ le baril. Le compartiment des valeurs pétrolières et parapétrolières a dévissé malgré la vague d’intempéries qui déferle sur le nord-est des Etats-Unis et de nouvelles réductions prévisibles de production de la part de l’OPEP.
Toujours dans cette thématique énergie, mais sans lien direct avec le pétrole, le titre EDF dévissait de 9,5% et subissait une des plus lourdes pertes de son histoire. GDF-Suez poursuivait son inexorable débâcle avec une perte supplémentaire de 8,15%. La Bourse de Paris a connu sa quinzième séance de baisse sur une série sans précédent de 17. Cette spirale baissière est sans commune mesure avec le risque de contraction des volumes consommés, et encore moins avec le risque de réduction du dividende.
L’une des explications serait que les gérants vendent ce qui reste vendable, peu importe le prix, pourvu que la contrepartie soit conséquente.
** Les statistiques économiques du jour n’expliquaient pas d’avantage l’effondrement du secteur des utilities et des matériaux de base puisque l’activité manufacturière s’est contractée au mois de février, mais de manière moins importante que prévu. L’indice des directeurs d’achats ISM manufacturier est ressorti à 35,8 pour le mois de février contre 35,6 en janvier : là encore, c’est moins pire que prévu mais les marchés n’en tiennent aucun compte.
Le revenu des ménages américains a augmenté de 0,4% en janvier, tandis que leurs dépenses ont progressé de 0,6%. Les analystes attendaient un revenu inchangé pour des dépenses en hausse de seulement 0,3% le mois dernier. En décembre, les revenus des ménages avaient baissé de 0,2% et leurs dépenses avaient reculé de 1% tout rond.
La mauvaise surprise du jour concernait les dépenses de construction aux Etats-Unis : elles se sont contractées de 3,3% en janvier, soit une contraction plus forte que celle anticipée par les économistes. Le chiffre du mois de décembre a en outre été révisé à la baisse, à -2,4% contre -1,4% seulement en première estimation.
Le secteur immobilier américain reste sur une dynamique fortement négative qui compromet les chances de redressement des deux plus gros détenteurs de dérivés de crédit que la planète ait jamais porté. Trois jours après s’être porté au secours de Citigroup, le Trésor américain a annoncé lundi avoir décidé d’accorder à l’assureur en difficulté AIG une nouvelle ligne de capital de 30 milliards de dollars, en l’échange d’actions préférentielles spéciales, montant qui vient s’ajouter aux 130 milliards de dollars déjà injectés par l’Etat. Parallèlement, AIG a publié une perte gigantesque de 61,7 milliards de dollars pour son quatrième trimestre 2008. L’exposition des contribuables américains s’élève désormais à 162 milliards de dollars sur ce seul dossier.
** Alors que le vent de panique actuel est causé par les anticipations d’une dépression économique mondiale, aussi bien pour les pays développés que pour la plupart des pays émergents, notre ministre de l’Economie, Christine Lagarde, va annoncer mercredi que les nouvelles prévisions de croissance en France sur 2009 sont revues à -1,5%.
Se souvient-elle que c’était le même genre de prévision qui avait encore cours au début de l’automne dernier pour les Etats-Unis et le Japon qui sont maintenant à -6,2% et -12% respectivement ? "Après cette baisse en 2009, on devrait assister à un retour à la hausse du PIB en 2010, avec une croissance comprise entre 0,5% et 1%", a-t-elle indiqué dans un grand quotidien national.
S’il y a bien un domaine dans lequel même Ben Bernanke, Barack Obama, Wen Jiabao, son président Hu Jintao ou Angela Merkel n’osent pas faire de prévisions, c’est bien celui du score réalisé l’an prochain par le PIB des Etats-Unis, de la Chine ou de l’Allemagne. Notre principal partenaire économique est d’ailleurs déjà en récession de 2,1% depuis octobre dernier.
Mais promis juré, une nouvelle fois — et tout comme pour le nuage de Tchernobyl vingt ans auparavant –, si les murs des banques centrales ukrainiennes ou biélorusses se lézardent, nos institutions financières et notre croissance en ressortiront intactes.
Le vent de dépression ne franchira ni les cimes des Alpes, ni la ligne de crête de la Forêt Noire, ni les Ardennes (ce sont les banques italiennes, allemandes ou belges qui vont déguster), tout comme la contagion des subprimes nous a été épargnée — tout du moins feint-on encore de le croire du côté de Bercy — par l’océan Atlantique et la Manche.
Wall Street, en revanche, ne feint plus de croire que l’effet Obama puisse éviter un désastre économique. Les indices américains ont perdu 20% depuis son investiture : la pire performance boursière de l’histoire des Etats-Unis au cours des six semaines postérieures à changement de président !
P.S. : ce n’est que nous tenions à noircir le tableau plus que de nécessaire mais Warren Buffett, le vieux sage d’Omaha, semble avoir été pris au dépourvu par l’effondrement des marchés. Il confesse du haut de ses 78 ans — et de ses 60 ans d’expérience des placements boursiers — qu’il a pris des décisions d’investissement malencontreuses qui lui ont coûté plusieurs milliards de dollars en 2008, à l’image de l’entrée massive au capital de Conoco Philips, General Electric, Wells Fargo ou Goldman Sachs ainsi que des prises de participation perdantes à 80% dans deux banques irlandaises désormais à la dérive.
Difficile de déterminer à ce stade si Warren Buffett a partiellement perdu la main ou les marchés complètement perdu les pédales !
*** A ne pas manquer ! ***
Peut-on profiter de la crise actuelle ? Sans doute que oui — la question, c’est de savoir comment ! Pour vous y aider, Romain Delacretaz, trader de talent, et Emilio Tomasini, analyste réputé, vous invitent à une conférence exceptionnelle… et gratuite le 30 mars 2009.
Ils vous révéleront quels secteurs précisément ont des perspectives spectaculaires en 2009 et après… comment vous positionner au mieux pour en profiter… et ils vous dévoileront des stratégies et des secrets de pros pour exploiter ces tendances. Vous voulez faire fructifier votre portefeuille malgré la crise ? Toutes les réponses sont là — mais attention, les places sont limitées… et partent rapidement : n’attendez pas pour vous inscrire — et n’oubliez pas que cette conférence est entièrement gratuite ! Tous les détails sont ici.
Philippe Béchade,
Paris