La Chronique Agora

La solution à la crise économique ? Encore plus de relances inutiles

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▪ Il ne se passe pas grand’chose sur les marchés. Nous nous tournons donc vers les pages « économie » des journaux pour nous distraire. Le Financial Times a toujours le don de nous faire rire — généralement dans ses pages « Opinion ». L’économiste Martin Wolf est un comique qui s’ignore, toujours prêt à accorder de l’espace éditorial noté AAA aux idées les plus BBB- qu’on ait jamais trouvées dans une dissertation universitaire.

Du haut de sa tribune au Financial Times, il est censé être l’une des « 100 personnes les plus influentes au monde ». Nous espérons que c’est une exagération… tout en craignant que ça ne le soit pas. Les politiques absurdes et désastreuses suivies par les banques centrales et les gouvernements sont souvent avancées dans des éditoriaux insensés écrits par Wolf. Nous le suivons donc avec attention, en partie pour nous distraire… et en partie pour voir ce qui nous attend.

Dans l’édition d’hier, M. Wolf était encore à l’œuvre. Plein d’espoir. Plein de conseils. Plein de… bref. Passons.

« Déficit de la demande », signale la couverture, avec le portrait de M. Wolf au centre. « Pourquoi les décideurs politiques doivent provoquer un boom d’investissement mondial ».

Et voilà, on y est. Il ne peut pas se contenter de mettre la pagaille dans une seule économie… ni même dans l’économie d’un continent, comme l’Europe ; il faut qu’il s’attaque au monde entier.

La Chine ralentit, note-t-il, et le monde « a perdu son dernier grand moteur de demande nourri au crédit ». Cela mène à un ralentissement… et, il faut supposer, à des choses trop abominables pour être mentionnées dans la ville la plus financiarisée de la planète. (Psssst… C’est une chute des prix des actifs !)

La Chine n’achète plus autant de cuivre, de pétrole, d’aluminium et autres matières premières qu’avant

Snif, snif. La Chine n’achète plus autant de cuivre, de pétrole, d’aluminium et autres matières premières qu’avant. C’est un gros problème. Parce que ça exacerbera sûrement le problème de « l’excès d’épargne ». Ou, comme le dit son rival en matière de simplisme arrogant Larry Summers, ça empirera la « stagnation séculière ».

En d’autres termes, l’industrie financière est dans le pétrin. Pourquoi ? Parce que les gens ne sont plus prêts à continuer de dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas en choses dont ils n’ont pas besoin.

▪ Et là, tout bascule
Si l’on ignore l’idiotie du terme « excès d’épargne », ça a en réalité un sens. Et nous nous demandons : comment se fait-il que les gens empruntaient et dépensaient autant à l’origine ? Comment se fait-il qu’ils n’aient pas plus de pouvoir d’achat réel ? Nous notons au passage que le ménage américain moyen gagne à présent 53 000 $ par an. Ce n’est pas un sou de plus (en tenant compte de l’inflation) qu’en 1989 — il y a un quart de siècle. Comment peut-on s’attendre à ce qu’ils dépensent plus ? Si nous demandions pourquoi les Américains n’achètent pas plus de biens en provenance de Chine, ne serait-ce pas un bon point de départ ?

Mais non. M. Wolf n’est pas homme à se poser des questions. Sans prendre le temps de réfléchir au fossé entre cause et effet, il se précipite sur une solution.

« Comme faut-il gérer un monde une telle situation ? » demande-t-il.

La tête nous tourne. Nous genoux flageolent. Nous nous servons un verre de whiskey n°9 d’Henry Downes pour y voir plus clair. Nous avons du mal à gérer notre compte e-mail. Gérer la ferme familiale est un défi permanent. Gérer la famille elle-même est sans espoir. Mais M. Wolf propose, tout à fait sérieusement, de gérer la planète entière — avec ses six milliards d’habitants, ses 7 000 langages, ses milliers… non, ses millions d’économies locales et régionales…

Quel pain mange cet homme ? Quel air aspire-t-il dans ses poumons ? Quel asile d’aliénés le recherche actuellement ?

Une fois nos esprits — et notre équilibre — retrouvés, nous avons continué notre lecture.

Tout ralentit tôt ou tard. Le trafic. Les gens. Les marchés aussi

« Il est désormais essentiel d’éviter un ralentissement significatif », dit-il. Quoi ? Tout ralentit tôt ou tard. Le trafic. Les gens. Les marchés aussi. Comment peut-il être essentiel d’empêcher une chose inévitable ? M. Wolf ne le dit pas.

Il faut plus de « politiques non-conventionnelles », continue-t-il, sans spécifier ce qu’elles pourraient être. Ensuite, il révèle ce qu’il a en tête.

« [Un] monde avec des taux d’intérêt réels aussi bas offre d’immenses opportunités d’investissement », dit-il.

Mais si c’était bien le cas, les points d’interrogation ne pousseraient-ils pas comme des champignons ? Ne voudriez-vous pas savoir pourquoi des millions d’hommes d’affaires sérieux… et des millions d’entrepreneurs imaginatifs… ne tirent pas parti de ces opportunités ? Si cet « excès d’épargne » était vraiment disponible à des « taux d’intérêt réels aussi bas », attendant que quelqu’un l’emprunte, pourquoi le marché ne peut-il pas découvrir le prix auquel les acheteurs et les vendeurs de crédit peuvent se mettre d’accord ? Les marchés ne résolvent-ils pas facilement les problèmes d' »excès » ?

Si vous êtes Martin Wolf, vous ne vous donnez pas le mal d’y penser. Au lieu de ça, il se lamente : « le monde se trouve à court de grandes économies prêtes à laisser courir les dépenses et l’emprunt ».

Comment ? C’est tout ? C’est ça, la solution ? Encore plus de la même chose ? Ces deux dernières décennies, la dette mondiale a augmenté environ deux fois plus rapidement que le PIB. Elle est passée de 40 000 milliards de dollars en 1994 à environ 225 000 milliards aujourd’hui. C’est précisément le fait de « laisser courir » qui nous a mis dans la situation actuelle. Les décideurs devraient-ils vraiment continuer à « laisser courir » ? Devraient-ils emprunter plus ? Dépenser plus ? Appeler ça de l' »investissement » ? Dirent qu’ils « gèrent » la planète ?

Financial Times, merci pour le fou rire.

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