Par Adrian Ash (*)
"La stabilité monétaire est liée à la stabilité sociale d’une manière générale — et à la stabilité politique", comme le disait Otman Emminger dans son discours inaugural lorsqu’il est devenu président de la Bundesbank en 1977. Qui pouvait demander à un tas de billets et de pièces d’en faire plus ?
"Le public allemand", notait l’économiste Rudolf Richter dans un essai en 1999, "après avoir perdu toute son épargne par deux fois en 25 ans (1923 et 1948) voulait absolument une devise stable. A Bonn, aucun gouvernement sain d’esprit n’aurait mis la Bundesbank sous pression".
D’où le mandat de la banque centrale ouest-allemande de freiner les prix à la consommation en freinant la masse monétaire elle-même. Les souvenirs de l’inflation de Weimar qui a suivi la Première guerre mondiale — ajoutés aux reichsnotes nazies sans valeur accumulées durant la Deuxième guerre mondiale — constituent encore aujourd’hui un contraste frappant avec l’obsession des médias américains pour la Grande dépression.
Là où Ben Bernanke voit soupes populaires et déflation, les banquiers centraux oeuvrant pour défendre la devise allemande à Bonn durant cinq décennies ne pouvaient voir qu’inflation galopante de la masse monétaire. A deux reprises.
"En 1923, lorsque l’Allemagne ne pouvait plus payer les sommes dues en réparation de la Première guerre mondiale", écrit Mike Hewitt sur son blog DollarDaze, "les troupes françaises et belges ont occupé la Ruhr, principale région industrielle allemande. Sans cette source majeure de revenus, le gouvernement s’est mis à imprimer de l’argent, qui a provoqué une hyperinflation".
"Au plus fort de la crise, le taux d’inflation mensuel atteignait 3,25 milliards pour cent — ce qui équivalait à un doublement des prix toutes les 49 heures. Le taux de conversion dollar US/deutschmark a atteint un sommet à 80 milliards".
Pas encore lassé de l’inflation ? Durant la Seconde guerre mondiale, aussi incroyable que cela puisse paraître, les Allemands durent réapprendre leur leçon. L’Etat nazi a transformé ses dettes en billets de banque, poussant le volume de la devise en circulation de 11 milliards de reichsmarks en 1939 à plus de 70 milliards au moment où Hitler tua sa maîtresse et son chien avant de se suicider. Les survivants furent contraints d’utiliser des cigarettes, du chocolat, du boeuf en conserve et du savon comme monnaie d’échange une fois encore — parce que les pièces et les billets approuvés par le gouvernement n’avaient plus cours, étant donné leur immense quantité.
Avec une inflation mondiale en hausse, trois décennies plus tard, la Bundesbank décréta son tout premier objectif de masse monétaire en 1973. En décembre 1974, elle a commencé à rendre cette cible publique chaque année, et l’inflation a été domptée. Fin 1978, alors que l’inflation aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne était en passe d’atteindre un taux à deux chiffres, les prix à la consommation en Allemagne de l’Ouest grimpaient de 2% à peine chaque année.
Mais le soulagement initial permit de recommencer discrètement à flirter avec l’assouplissement monétaire. En 1981, l’inflation avait atteint les 6,3%, et la Bundesbank dut réagir en ajustant ses objectifs.
En 1985, elle avait fait passer sa cible d’un maximum de 9% à 5% de croissance annuelle de la masse monétaire. "Sur cette période, seule une année, 1983, a vu la croissance monétaire dépasser légèrement le canal ciblé", déclare Robert L. Hetzel, écrivant dans le Economic Quarterly de mars 2002.
"La croissance de la masse monétaire large (M3) passa de 10% dans les années 70 à 6% dans les années 80. En gardant la stabilité des prix comme objectif principal en dépit des taux de chômage élevé dans les années 80, la Bundesbank gagna en crédibilité pour sa politique de stabilité des prix".
Mais qu’est-ce que tout cela signifie pour l’or dans le contexte actuel ? C’est ce que nous verrons dès demain…
Meilleures salutations,
Adrian Ash
Pour la Chronique Agora
(*) Adrian Ash dirige le bureau de recherches de BullionVault, un des moyens les plus simples et les plus économiques au monde d’acheter et d’investir dans l’or. Après avoir été responsable éditorial pour Fleet Street Publications — l’homologue britannique des Publications Agora — il a été correspondant du Daily Reckoning à la City de Londres pendant quatre ans. Il intervient désormais régulièrement dans les publications de 321gold.com, FinancialSense, GoldSeek, Prudent Bear, SafeHaven et Whiskey & Gunpowder ainsi que sur plusieurs sites internet d’investissement. Les points de vue d’Adrian sur le marché de l’or sont régulièrement repris par le Financial Times et AFX Thomson.