Les économistes et les autorités appuient leurs actions sur des anticipations et une conception du monde erronées : la suite risque d’être explosive.
Les universitaires et autre apprentis sorciers ont une conception du monde fausse.
Ils croient que tout est dérivable, que tout est linéaire – que le long terme n’est qu’une suite, une succession de courts termes.
C’est en ce sens que ce sont des apprentis sorciers et qu’ils jouent avec le feu ; ils jouent sur des représentations du monde imaginées et imaginaires. Leur pouvoir n’est pas sur le réel, il est sur les signes qu’ils manipulent. Cela marche tant que les perceptions du public sont, elles aussi, imaginaires, tant que le public est trompé.
Dans les mondes imaginaires, les croyances remplacent les savoirs.
Les universitaires croient s’en sortir en suivant, en étudiant ce qu’ils appellent les « anticipations inflationnistes ». Cela signifie qu’ils croient que le public aura une mystérieuse connaissance anticipée de l’inflation future.
Il y aura des signaux de fumée sur les montagnes !
Les zozos des banques centrales n’ont pas encore compris que les marchés complètement faussés par les communications bidon n’avaient aucun pouvoir d’anticipation ; les marchés sont des dispositifs tautologiques.
Comment peut-on croire pareille chose ? Comment des gens qui ont fait de longues études peuvent-ils croire de telles sornettes ? C’est peut-être parce qu’ils n’ont jamais étudié le réel et qu’ils n’ont fait que gloser les uns sur les autres : group think, pensée de groupe !
L’histoire prouve qu’ils ont tort ; on est vivant jusqu’au moment où on est mort. Il y a des ruptures.
Quand la séduction se dissipe
Le long terme n’est pas une suite de courts termes. Le long terme, c’est un autre temps – celui des mutations, des glissements fondamentaux, bref, c’est le temps qui échappe aux illusionnistes.
Les ruptures des invariants, on appelle cela des crises parce que c’est douloureux.
L’inflation peut sommeiller pendant des années, rester localisée, piégée – tant que l’argent qui est créé reste mort, zombie. En clair, tant qu’il est neutralisé dans ses avatars et dans ses formes spéculatives comme les produits financiers, tant que la séduction du jeu rend les actifs financiers plus désirables que les biens réels.
La magie du jeu bloque, neutralise l’argent. Et puis un jour le charme boursier disparaît, l’argent cesse de jouer, de s’auto-engrosser de façon masturbatoire et il part à la recherche de sa contre-valeur, de ses objets : les biens et services. C’est alors que l’inflation cantonnée dans les indices boursiers gagne les indices de prix des choses du monde réel.
C’est la rupture dès lors que les agents économiques s’en aperçoivent. C’est un phénomène de foule, de masse, brutal car lié à une prise de conscience psychologique qui fait traînée de poudre et se réalise parce qu’elle est crue et vue.
L’explosion inflationniste de Weimar a des origines qui remontent à la fin de la guerre de 14-18. Ce fut le financement non-orthodoxe de la guerre et de l’après-guerre qui sema les graines qui allaient germer en 1920 et jaillir en feu d’artifice quelques mois plus tard. Le feu inflationniste se propage, détruisant, ravageant tout sur son passage.
A Weimar, en Allemagne, il n’y a pas eu d’inflation en surface et les prix sont restés stables entre 1920 et 1921, bien que le gouvernement ait doublé la masse monétaire. L’Allemagne avait alors un marché boursier en plein essor et pendant une courte période, le mark a même été la monnaie la plus forte du monde.
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]