La Chronique Agora

Si simple que c'en est presque idiot

** Les marchés vous font peur ? Achetez des yens.

– Si la relation entre la chute des marchés boursiers et la hausse du yen vous laisse perplexe, ne vous en faites pas : vous êtes en bonne compagnie. Mais le lien n’est pas aussi incompréhensible ou sophistiqué qu’on pourrait le penser. Le carry trade du yen, comme on l’appelle a seulement l’air compliqué. En réalité, c’est si simple que c’en est presque idiot.

– "Les spéculateurs empruntent des yens à des taux d’intérêt ridiculement bas", explique Bill Bonner. "Ils échangent cet argent contre d’autres devises — plus particulièrement celles de pays anglophones — afin de les placer dans des investissements ayant des rendements plus élevés. Ils empochent ensuite la différence, en se félicitant de leur génie. Le jeu fonctionne merveilleusement bien. Rien ne tourne mal — du moins jusqu’à ce que quelque chose tourne mal. A ce moment-là, les spéculateurs prennent peur et commencent à chercher la petite porte menant hors des salles de marché".

– Il y a deux semaines, alors que les actions et les obligations mondiales dégringolaient, la porte de sortie s’est soudain trouvée très encombrée… et le prix du yen a grimpé en flèche. Si les prix des actifs dans le monde continuent de chuter, le carry trade continuera à se défaire. Et si ça continue, le yen continuera de grimper. Acheter des yens offre donc une couverture contre la chute des cours des actions et des obligations.

** Depuis plusieurs années, le carry trade a nourri et facilité la prise de risque sur les marchés mondiaux. Il a fourni une source séduisante de liquidités à bas prix qui a enhardi les spéculateurs, si bien qu’ils ont emprunté des yens à des taux d’intérêt ultra-bon marché et investi l’argent dans des investissements qui rapportent plus. Tant que ces investissements "rapportant plus" ont eu l’amabilité de rapporter plus, justement, le processus a parfaitement fonctionné. Et ça a continué… jusqu’à il y a quatre semaines environ.

– Mais maintenant que les actions et les obligations sont devenues très volatiles — ou chutent tout simplement — bon nombre de carry traders subissent des pertes. A mesure que ces pertes grimpent, la douleur augmente. Et à mesure que la douleur augmente, les spéculateurs commencent à vendre leurs actifs "à haut rendement" pour rembourser leurs yens empruntés.

– De toute évidence, pour rembourser des yens, il faut d’abord acheter des yens, puis les donner au prêteur. Voilà pourquoi le yen grimpe lorsque le marché est mis à mal — et inversement.

– A la mi-juillet, par exemple, le yen a atteint un plancher record par rapport au dollar le jour même où le Dow atteignait son sommet historique au-dessus des 14 000 points.

– "Le yen atteint un plancher record tandis que les gains boursiers alimentent la prise de risque", déclarait un titre de Bloomberg le 12 juillet dernier, marquant l’événement d’une pierre blanche.

– Mais une fois que les actions ont commencé à chuter de leurs sommets, la valeur du yen, elle, a monté. Plus les actions glissaient, plus le yen augmentait ; et plus le yen grimpait, plus les actions chutaient. Au bout d’un moment, il est devenu impossible de distinguer les causes des effets.

– Le récent pic du yen pourrait signaler que la prise de risque galopante est elle aussi en déclin.

– "Les gens cessent de prendre des risques", déclarait un trader en devises sur Bloomberg News. "Dans un tel environnement le carry trade souffre, et il continuera à souffrir".

– La "souffrance" du carry trade ne nous arrache pas vraiment de larmes. Par contre, nous nous inquiétons de la douleur potentielle des innocents spectateurs… comme nos lecteurs, par exemple.

– "La grosse bête du carry trade a commencé à rugir", déclare Albert Edwards, stratégiste en investissements chez Dresdner Kleinwort. "L’effondrement complet du carry trade guette désormais".

– "Jusqu’à présent", continue Edwards, "le ‘Grand Renversement’ n’a pas vu un retournement majeur des positions financées par le yen. Il s’est passé beaucoup d’autres choses, mais on peut dire que c’est l’éléphant qui attend de piétiner le village financier global — aplatissant des villageois qui meurent déjà de soif suite à l’assèchement des liquidités".

– Evitez la bousculade — achetez du yen.

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