▪ Quelle semaine ! Même écourtée par le pont de l’Independance Day, les indices américains engrangent +5% en moyenne. Ils enregistrent ainsi leur meilleure performance hebdomadaire de l’année 2010 — et même depuis un an puisqu’il faut remonter jusqu’à la mi-juillet 2009 pour trouver trace d’une telle ruée à la hausse.
La dernière séance de la semaine a été longtemps soporifique, la volatilité semblant inexistante durant plus de cinq heures… Mais le Nasdaq s’est réveillé à une heure de la clôture dans le sillage du titre Google. Ce dernier s’est apprécié de 2,4% à 467,5 $, la Chine ayant validé in extremis le renouvellement de sa licence.
Rien que de bonnes nouvelles à la veille du week-end… à condition d’oublier toutes les mauvaises qui ont précédé fin juin puis début juillet.
Mais tout va bien se passer au second semestre, martèle J.C. Trichet… La consommation américaine va demeurer suffisamment vigoureuse selon M. Fisher, de la Fed… La croissance mondiale va dépasser les attentes en 2011 selon le FMI… La Chine ne connaîtra pas de coup de frein conjoncturel majeur dans un avenir prévisible — et l’introduction de la Banque agricole de Chine (l’Agricultural Bank of China a été fondée par Mao dans les années 50) a été sur-souscrite 20 fois.
▪ Ce phénoménal succès résulte d’abord d’une participation record des banques occidentales ; les épargnants chinois, quant à eux, boudent l’opération. Jugeraient-ils que cette méga-banque, avec ses 320 millions de clients (plus que de citoyens américains sur le sol des Etats-Unis), n’est pas particulièrement sexy ?
Ce qui frappe d’abord l’imagination, et dépasse selon nous l’entendement, c’est que cette IPO de plus de 22 milliards de dollars entraîne la mobilisation de 400 milliards de dollars. Rappelons que le Trésor grec serait incapable d’en lever quatre (le centième de cette somme) cette semaine, à moins d’offrir un rendement de plus de 10%.
Mais d’où sort donc tout cet argent (de quoi refinancer la dette espagnole) ? Rappelons que les Etats-Unis ne savent pas comment placer la première centaine de milliards de Municipal Bonds du programme 2010/2011 auprès des investisseurs.
Etrange époque ! Les marchés admettent durant une quinzaine de jours la fatalité d’un crochet par la case récession, sur fond de banques contraintes de se recapitaliser, avec des actions se payant trop cher sur la base d’extrapolations de profits excessivement optimistes début 2010… Puis ils découvrent la semaine suivante que la croissance reste sur de bons rails dans un contexte de liquidités surabondantes, grâce à la sollicitude des banques centrales qui se plient en quatre pour plaire à leurs partenaires du secteur privé.
▪ Mais les belles déclarations et les bonnes intentions sont une chose, la réalité du terrain en est une autre. Les marchés ont une fois de plus retourné leur veste pour adopter une orientation 100% haussière — jusqu’à l’excès : +6,66% à Paris, voilà un score diablement impressionnant… Mais plus les cours montent, moins il y a de volume !
C’est juste l’inverse de ce que prévoit la théorie chartiste. Et pour une fois, cette dernière ne fait que reprendre à son compte une tradition boursière rarement démentie par les faits, sauf quand le système financier déraille et succombe aux tentatives de manipulations qui précèdent le plus souvent un mouvement de correction majeur.
En filigrane, nous discernons depuis le 6 juillet le message subliminal suivant : les indices boursiers viennent de rechuter fin juin/début juillet tout comme l’an passé à peu près aux mêmes dates… L’histoire a de bonnes chances de se répéter cette année si les trimestriels s’avèrent une fois encore supérieurs aux prévisions.
La bonne surprise de l’été 2009 restera très longtemps une des plus brillantes escroqueries intellectuelles des 20 dernières années, avec la promesse de non contagion des subprime et de moralisation de la finance. Jamais les analystes n’avaient produit au même moment une quantité aussi considérable d’études complètement déconnectées des performances réelles du monde des entreprises.
Le but de la manoeuvre était d’occasionner un "choc d’émerveillement" face à une spectaculaire embellie des résultats que personne n’avait vu venir… sauf ceux qui se demandaient bien dans quel but cinq millions de salariés avaient pu être licenciés depuis le début de la crise. En tout cas, ce n’était certainement pas pour réaliser des économies ni accroître la productivité, si l’on en croyait les notes de conjoncture de l’époque.
Allons-nous pouvoir nous réjouir à nouveau de la faculté des entreprises à dégager toujours plus de profits avec toujours moins de salariés pour acheter ce qu’elles produisent ?