La Chronique Agora

Shanghai n’est plus une bulle boursière…

** Le quatrième trimestre 2007 s’inaugurait en quelque sorte ce lundi par un roulement des positions, closes dans l’allégresse vendredi dernier (+3% de progression hebdomadaire pour l’ensemble des places occidentales), et en l’absence des opérateurs japonais, en congé ce lundi pour cause de célébration de l’équinoxe d’automne. Ce sont leurs homologues chinois qui se sont chargés de donner  le coup d’envoi du dernier quart de l’année 2007 pour la zone asiatique avec un enthousiasme réjouissant.

Puisque les Chinois sont plus sensibles aux présages que nos populations pétries de cartésianisme, il y a donc matière à envisager le proche avenir sous un jour radieux !

Nous ne savons pas trop si les médias européens ou anglo-saxons font preuve de nombrilisme, mais nous sommes surpris du peu (voire de l’absence totale) de considération pour les records historiques battus simultanément par Hong-Kong (+2,5% à 26 500 points) et Shanghai (+0,6% à 5 500 points) ce lundi matin. Les investisseurs ne semblent pas envisager une seule seconde qu’un ralentissement économique en Amérique du Nord puis en Europe pourrait affecter la croissance chinoise et la flambée des actions dans un avenir prévisible.

Se sont-ils seulement aperçus que la crise du subprime avait fortement ébranlé le système bancaire américain et précipité la faillite de nombreux établissements de crédit (comme New Century Financial ou American Home Mortgage) ?

Font-ils le moindre lien entre la baisse des taux par la Fed et la nécessité de prévenir une évolution indésirable de la crise de liquidité qui frappe les émissions obligataires du secteur privé (et plus précisément des banques commerciales) ? D’autant qu’elles sont destinées en grande partie à financer les achats de produits "Made in China" des consommateurs américains, au bord de la faillite personnelle…

Ont-ils compris, mieux que quiconque, qu’une "bulle chasse l’autre" et que les angoisses estivales de Wall Street n’ont pas lieu d’être ? Ben Bernanke se tient constamment prêt à faire décoller des escadrilles d’hélicoptères bourrés de liasses de grosses coupures, fraîchement sorties des presses de l’imprimerie fédérale. Nous avons fait un rapide calcul : 10 milliards de dollars injectés en moyenne par jour depuis la mi-août !

** Nous ne savons pas ce qui motive l’euphorie des investisseurs asiatiques. Mais nous constatons que l’indice Hang-Seng (baromètre de la Bourse de Hong-Kong) prend +7,75% en cinq séances. C’est plus de deux fois le gain du Nasdaq Composite sur cette même période ! Il gagne +15% depuis le 20 juillet (en deux mois donc), +33% depuis le 1er janvier (3 fois la performance du Dow Jones), et +50% depuis le 24 septembre 2006.

Et l’indice SSE de Shanghai ? Ah oui… eh bien, c’est simple : il a doublé de valeur depuis le début de l’année et pris plus de 1 200 points (+25%) depuis que l’Euro-Stoxx a inscrit son sommet annuel, début juillet, sous les 4 565 points. Comparaison sans appel : le CAC 40 se trouve désormais éloigné de son sommet des 6 170 points de -6,5% tandis que l’Eurotop-100 accuse un handicap à peine plus modeste de -5%.

Cette longue marche vers la stratosphère des places chinoises — et qui ne se limite pas qu’aux 850 valeurs domestiques, heureuses victimes d’un phénomène technique de "corner" –, nous apparaît le symptôme d’une bulle boursière (voire d’un bain moussant prêt à déborder) entrée dans sa phase critique. Bien plus encore que le retour de Wall Street à proximité de ses sommets historiques alors que la conjoncture se retourne !

Nous voulons signifier par là que la hausse des actions asiatiques se nourrit d’elle-même ; qu’elle semble de plus en plus déconnectée de l’environnement économique (comme la flambée des dot.com dont les cours évoluaient de façon inversement proportionnelle aux pertes) ; qu’il existe un sentiment irrationnel d’invincibilité de la Bourse de Shanghai (ou de Shenzen pour les valeurs ayant un profil plus industriel) qui donne le vertige alors même que l’inflation atteignait officiellement +6,5% en Chine au mois d’août.

Pékin ne va pas pouvoir s’accrocher très longtemps à sa politique de prix des carburants administrés, alors que le baril de pétrole a passé le cap des 80 dollars et n’en est plus redescendu depuis le 12 septembre (après une hausse verticale de +18% entre 69$ et 82$ en un mois).

** L’Europe, elle, se pense bien à l’abri de l’inflation, "protégée" par un euro qui franchit la barre des 1,4100$ dès son premier essai (sans même la faire trembler !). Mais combien cette "force" va-t-elle lui coûter d’ici la fin de l’année, alors que les entrées de commandes au mois de juillet ressortent en baisse de -4% dans l’Euroland — et que et le mois d’août sera pire à n’en pas douter.

Mais cette séance boursière de lundi s’est déroulée comme en apesanteur et les valeurs françaises, en dépit d’une consolidation de -0,15%, inscrivent tout de même leur troisième clôture d’affilée à proximité immédiate du seuil des 5 700 points. Après +6% gagnés les 18 et 19 septembre, le marché parisien ne lâche rien et l’Eurotop-100 a terminé hier soir sur un score de parfait équilibre (-0,00% à 3 244,25 points contre 3 244,29 vendredi soir et 3 245,27 points à l’ouverture).

Le CAC 40 aurait même pu tester avec plus de conviction la résistance des 5 710 points compte tenu de la hausse de 0,3% du Dow Jones et de +0,6% du Nasdaq vers 17h30. Mais les opérateurs ont été échaudés par le profit warning lancé par la Deutsche Bank : des pertes, pour cause de dépréciation de son portefeuille de prêts d’un montant de 27,5 milliards d’euros, pourraient lui coûter entre 1,2 et 1,7 milliards d’euros… soit l’équivalent de son profit trimestriel du troisième trimestre 2006.

Dans le même temps, ING révèle être exposé à hauteur de 29 milliards d’euros sur des créances immobilières titrisées considérées comme potentiellement "à risque". Une façon soft de préparer les analystes à une révision à la baisse de ses objectifs de résultats annuels. Le Crédit Agricole s’est vu contraint de faire une annonce de pertes plus brutale, mais un heureux hasard a voulu que le communiqué tombe le 19 septembre, en pleine euphorie boursière.

** Je participais sur BFM, vendredi matin, à une émission en compagnie de Patrice le Guil, Président de la Société Française des Analystes Financiers, et de Colette Neuville (présidente de l’ADAM) dont le thème était : "Bulle technologique en 2000, crise de subprime en 2007 :  7 ans d’intervalle, même cécité des analystes ?&
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Je ne vais pas vous imposer un best of de ce débat (d’où il ressort que personne ne s’empresse jamais d’annoncer de mauvaises nouvelles ou de mettre en garde les épargnants… sauf quand un collègue, sortant de sa réserve, vient enfin d’oser s’écrier "le roi est nu"), mais il me paraît intéressant de vous faire part d’un commentaire laconique "hors micro", lancé comme à l’unisson par deux des participants au sujet des retombées de la crise immobilière américaine — et bientôt britannique ou espagnole : "Les auditeurs n’ont encore rien vu". Alors souhaitons simplement qu’ils aient au moins "bien entendu" !

Philippe Béchade
Paris

   PS : Oui, souhaitons que vous ayez aussi bien entendu les conseils de Philippe Béchade au 0 899 781 961*. Avant le grand retournement, Philippe vous mettait à nouveau en garde hier, sur son dernier message : vous pouvez encore écouter toute sa stratégie au 0 899 781 961*, la gestion des positions du portefeuille, les actions à prendre pour se prémunir de la baisse. Dépêchez-vous d’écouter ses conseils avant de boire le grand bouillon (ou plutôt… le bain moussant) !

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