La Chronique Agora

Les Sept Magnifiques : une illusion de richesse ?

Treasure trove of golden coins stored in wooden chest

Alors que les géants de la tech affichent des valorisations astronomiques, l’impact réel de leurs innovations sur notre quotidien soulève des questions.

L’une des caractéristiques les plus surprenantes du XXIe siècle est l’échec presque total de ses nouvelles technologies, ainsi que les prix étonnants des actions entreprises qui les produisent. L’année dernière, le Visual Capitalist a rapporté que les Sept Magnifiques valaient près de 16 000 milliards de dollars :

« Depuis 2012, année où les sept entreprises ont été cotées en bourse, la valeur des Sept Magnifiques a été multipliée par 13,5. Nvidia a connu la plus forte croissance relative, sa capitalisation boursière ayant été multipliée par 360 au cours de la même période. La taille de Nvidia est particulièrement impressionnante si l’on compare sa capitalisation boursière à celle d’autres fabricants de puces. »

La « valeur » ou la richesse réelle disponible dans le monde est limitée : voitures, oeuvres d’art, chaussettes en laine, raviolis au boeuf. Un homme possédant des actions d’une valeur de 100 dollars peut prétendre à une valeur de 100 dollars. Si ses actions atteignent 1 000 dollars, il peut prétendre à dix fois plus.

La valeur de la société Ford Motor a été reconnue dès ses débuts ; des milliers de camions et d’automobiles Ford le prouvent. La valeur de l’entreprise a augmenté au fur et à mesure que sa production augmentait la richesse réelle de la nation.

Mais qu’en est-il des sept magnifiques valeurs technologiques ? Elles valent aujourd’hui 13 000 milliards de dollars de plus qu’en 2012. Comment est-ce possible ?

L’ère industrielle a amélioré notre situation à tous. Cela ne fait aucun doute.

La tronçonneuse constitue la démonstration la plus simple. Il s’agit d’une machine simple, qui a peu évolué au cours des cinquante dernières années. Nous en avions une dans les années 1960, qui avait déjà au moins dix ans. Elle était grosse, lourde et bruyante, mais elle faisait le travail. Aujourd’hui, elles sont plus légères et plus fiables.

Un petit moteur à combustion interne, fonctionnant généralement avec un mélange d’essence et d’huile, entraîne un pignon qui met en mouvement une chaîne dentée. Celle-ci, guidée par le guide-chaîne, permet de couper en une journée autant de bois de chauffage qu’il aurait fallu plusieurs semaines, voire des mois, pour couper à la main auparavant.

La quantité de combustible utilisée est insignifiante. La pile de bois est impressionnante.

Le bois de chauffage est une chose réelle, avec une valeur réelle. Il réchauffe nos maisons, améliorant considérablement la qualité de vie. La valeur de la tronçonneuse peut être mesurée par les cordes de bois qu’elle coupe. Plus de bois de chauffage = plus de valeur.

Presque tout ce qui nous permet aujourd’hui d’élever notre qualité de vie (automobiles, maisons, nourriture, vêtements) repose sur des innovations de l’ère industrielle.

Chacune d’entre elles a nécessité une combinaison de travail (l’invention, la conception, le développement, ainsi que la fabrication) et de capital.

Il a fallu beaucoup d’argent pour construire les usines et le réseau électrique, les systèmes de livraison, les chemins de fer et les autoroutes qui ont amené les tronçonneuses dans les quincailleries locales. Même les films que nous regardons sur nos écrans d’ordinateur nécessitent d’énormes quantités de choses réelles (carburant, temps, accessoires, transport, hébergement) pour être réalisés.

Et pour chacune de ces choses, il y a une production qui justifie la valeur du capital. Plus de voitures. Plus de pantalons. Plus de films.

Puis vint Internet et la révolution des communications, qui s’est largement développée dans les années 1990. La promesse que l’information omniprésente réduirait le besoin de capital a été largement évoquée. Plutôt que de procéder par essais et erreurs, au petit bonheur la chance, les entrepreneurs ont pensé qu’ils auraient une connaissance parfaite du monde et pourraient éviter toutes les impasses et les erreurs.

Les capitalistes n’auraient plus besoin de prendre le risque de financer de nouveaux projets, puisque le risque serait largement éliminé par la connaissance. Les taux de croissance augmenteraient, et les vendeurs de connaissances seraient la nouvelle réserve de valeur.

Cela ne s’est pas produit. Les taux de croissance ont ralenti. La plupart des dot.com ont disparu. Il s’est avéré qu’ils n’offraient pas vraiment de connaissances, mais simplement des informations, dont la plupart étaient fausses, trompeuses ou inutiles. En d’autres termes, il s’agissait d’une perte de temps, d’un gaspillage de notre bien le plus précieux.

Les dot.com ont explosé il y a 25 ans. Quel pourcentage des nouvelles technologies développées depuis lors constitue une véritable amélioration pour le monde ? Quelle est leur part de nuisance ?

En nous connectant à notre portail santé à l’hôpital Johns Hopkins, par exemple, nous avons été informé que notre mot de passe était incorrect. Après avoir donné notre nom et notre date de naissance, la machine nous a dit que nos informations n’étaient pas valides, comme si elle savait mieux que nous quand nous étions nés… Mais essayez d’obtenir une réponse claire de la part d’un système de communication amélioré par l’IA !

Notre système de chauffage a cessé de fonctionner. La partie industrielle fonctionnait encore – beaucoup de combustible, beaucoup d’étincelles. Mais l’électronique était en panne. La même chose s’est produite avec l’un de nos camions. Au niveau du moteur, pas de problème. Mais une commande électronique s’était déclenchée, immobilisant le camion jusqu’à ce qu’un technicien trouve enfin la solution au problème.

Aujourd’hui, si vous avez un pneu crevé, l’IA peut-elle le réparer ? Pas à notre connaissance.

Les nouveautés les plus évidentes et les plus utiles de l’ère de l’information sont les nombreuses vidéos de tutoriels qui vous montrent comment faire des choses non liées à l’électronique, comme changer un pneu. Elles facilitent également la recherche d’un garage près de chez vous et la réservation d’un restaurant pour le soir.

Ainsi, en cette journée froide et hivernale, réchauffés par le bois qui brûle dans notre propre cheminée, nous nous appuyons sur notre chaise de bureau en plastique, nous tapotons des doigts sur le bureau en acajou, nous buvons une gorgée de thé chaud dans une tasse en céramique, nous regardons les moulures en plâtre autour du plafond…

Et nous nous demandons si les génies de la tech valent vraiment autant qu’ils le pensent.

Où se trouvent donc ces 13 000 milliards de dollars de bois ?

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