La Chronique Agora

Secteur bancaire : il n’y a pas de hasard !

▪ Parmi les secteurs qui avaient les faveurs des gérants fin 2015, il y a la distribution (dont je vous ai touché un mot samedi) et les banques.

Oui, les banques, à l’avant-garde de la reprise, choyées par la BCE… mais tellement en retard, et tellement décotées ! Il était même question de niveaux de valorisation aberrants sur Crédit Agricole (avec un rendement voisin de 7%), ou BNP Paribas avec un PER pour 2016 inférieur à sept fois les bénéfices anticipés.

Les valeurs bancaires offraient déjà fin 2015 les rendements les plus élevés au sein du CAC 40 (6% en moyenne) et cela ne leur a valu aucun traitement de faveur, bien au contraire. Parmi les trois plus fortes baisses du CAC 40 sur un mois ou trois mois, on retrouve deux banques.

Sur les cinq plus mauvaises performances — toujours sur un et trois mois –, il y a les trois banques inscrites au sein du CAC 40

Sur les cinq plus mauvaises performances — toujours sur un et trois mois –, il y a les trois banques inscrites au sein du CAC 40… et toutes perdent entre 22% et 24% quand le benchmark du marché parisien affiche -7,5% : elles font donc « trois fois pire ».

A l’heure où nous écrivons ces lignes, la Société Générale a inscrit un nouveau plus bas annuel à 33,2 euros ; BNP Paribas est dans le même cas, à 40,4 euros… le Crédit Agricole s’enfonce jusque vers 8,58 euros… et Natixis figure dans le Top 10 des baisses annuelles (hors valeurs bancaires déjà citées) au sein du SBF 120 — le titre a franchi le cap des -7% en séance mardi.

Ces scores apparaissent encore bénins à côté de ceux des banques italiennes : elles ont perdu entre 25% et 52% (pour BMPS) au cours des cinq dernières semaines… et 6% en moyenne le mardi 2 février.

Voilà qui nous renvoie au scénario de début 2008 de sinistre mémoire… Mais à l’époque, la question cruciale des CDO et CDS associés aux subprime avait été occultée par la cristallisation de l’attention du grand public sur le trader-fusible Kerviel, incarnation de l’avidité, de l’entêtement dans l’erreur et champion de la malfaisance sournoise.

Un homme seul — et vite lâché sur ordre — a en quelque sorte fait office de paratonnerre. La foudre de la curiosité des journalistes a ainsi été canalisée loin de sujets beaucoup plus cruciaux comme l’emballement et l’explosion du réacteur nucléaire financier américain, disséminant ses retombées radioactives vers l’ensemble des établissements bancaires européens.

Subprime, le retour
Cette fois-ci, les subprime ne sont plus immobiliers mais reliés au crédit automobile, au crédit étudiant, au crédit high yield consenti à l’industrie du pétrole de schiste et aux producteurs d’énergie en général (l’éolien, le photovoltaïque, la géothermie sont devenus non rentables avec un pétrole sous 50 $… qui veut d’une électricité chère quand le baril ne coûte plus rien ?).

Combien de CDS ont-ils été créés pour protéger les détenteurs de dettes à risque ?

Combien de CDS ont-ils été créés pour protéger les détenteurs de dettes à risque ?

Surtout, il est possible de prendre 10 polices d’assurance pour couvrir le même risque. En d’autres termes, dans le monde merveilleux de la finance, vous pouvez acheter autant de contrats de type « catastrophes naturelles » que vous le souhaitez, sur des maisons en bois situées dans le couloir des tornades… et il n’y plus qu’à attendre que les vents déchaînés fassent leur oeuvre pour toucher des paquets de primes.

Malgré une exposition des banques européennes aux dettes des groupes pétroliers américains et européens estimée à 180 milliards d’euros, le discours des professionnels reste le plus souvent favorables concernant les banques françaises (en revanche, sur les banques italiennes et espagnoles, là, il ne faut pas y toucher, forcément !).

Alors si ce ne sont pas les gérants français qui vendent et laminent les cours de nos fleurons bancaires… qui accomplit cette sinistre besogne, et sur la base de quelles anticipations ?

C’est bien cette dernière interrogation qui devrait vous conduire à vous méfier du secteur. Les encours de dérivés de taux spéculatifs sont supérieurs à ceux du sommet de la bulle hypothécaire de fin 2006, et les créances devenues pourries en 2007/2008 n’ont pas disparu comme par enchantement.

Elles continuaient simplement de pourrir à l’abris des regards pendant que les banques centrales plongeaient les marchés dans un état second avec leurs QE. Bien consciente que la tempête financière qui s’annonce sera de proportions dantesques, la BCE a promis par avance la mise en oeuvre des soins palliatifs avec injection de morphine monétaire illimitée.

Quand des quantités folles d’argent sont en jeu, il n’y a jamais de hasard !

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