Les voyages permettent de mettre en perspectives les idées reçues, de se débarrasser des idées idiotes et de découvrir l’économie en taxi.
Venez avec nous, cher lecteur : nous partons en excursion.
Nous balancerons gaiement nos bras… et nous lèverons les yeux vers les cieux, espérant un bon vent et un temps clair.
En errant de la sorte, nous ne savons pas où nous atterrirons… mais nous nous attendons à ce que ce soit distrayant.
Plus on se déplace, plus on veut voyager léger. Cela signifie que nous devons nous débarrasser des lourdes sottises contenues dans nos bagages. Plus nous couvrons de terrain… plus nous réalisons que nous n’avons pas besoin de tout cela : nous en trouvons d’abondance partout où nous allons.
Pour toutes les idioties que l’on constate dans son propre pays… on en voit bien plus à l’étranger. Pour chaque politicien idiot de Washington, on en trouve des dizaines d’autres à Paris, Buenos Aires et Rome. Et pour chaque idée idiote que l’on entend…
… Vous voyez le principe.
Attention, cependant. Parce que les voyages peuvent être perturbants. On trouve également des gens plus intelligents, plus riches et plus cultivés que soi.
On trouve des villes plus vivables et plus agréables que sa ville de résidence. Les restaurants y sont moins cher, il est plus facile de se garer et les fonctionnaires sont moins irritants. Plus important encore, le voyage soulève des questions — et notamment celle-ci : qui sommes-nous ?
Un article intéressant sur ce fameux « nous » est paru dans le New York Times l’été dernier, où Colin Woodard décrivait ses recherches. Il en ressorte que les Etats-Unis ne sont pas « une seule nation » — on est plus proche des 11 :
« En retraçant notre histoire, j’ai identifié 11 nations, correspondant pour la plupart à chacun des projets coloniaux européens rivaux et leurs zones d’installation respectives. Je les appelle Yankeedom ; Nouvelle Hollande ; Midlands ; Tidewater ; Grandes Appalaches ; Deep South ; El Norte ; Left Coast ; Far West ; Nouvelle France ; Première Nation.
Il s’agit là des cultures dominantes auxquelles se sont retrouvés confrontés les Amérindiens, les Afro-américains, les immigrants et autres acteurs vitaux de l’histoire nationale [américaine] ; chacune avait ses propres idéaux, présupposés et intentions ».
Onze nations américaines
Source : Colin Woodard et Tufts
Comme on peut le constater, il y a bien des manières de répartir les Américains « de souche ». En d’autres termes, il y a beaucoup de « nous » différents.
Culturellement, les habitants de Richmond ont plus en commun avec les habitants de Raleigh qu’avec ceux d’El Paso ou de Portland.
Quant à l’ouvrier de Milwaukee, qui est-il ? Que pense-t-il ? A quoi rêve-t-il ? Que veut-il ? Se sent-il plus à l’aise avec d’autres métallurgistes d’Hambourg, en Allemagne, qu’avec les chômeurs et les dealers de drogue de Baltimore ?
Et vous, cher lecteur ? Qui êtes-vous ? Où vous situez-vous ?
Si la réponse vous semble évidente, enfilez vos chaussures de marche : vous devriez sortir plus.
Leçon d’économie dans un taxi
Nous avons quitté Paris la semaine dernière et pris un long vol vers Buenos Aires. Le temps était magnifique dans la ville du Rio de la Plata… Nous avons donc pris un taxi pour aller à Puerto Madero, un quartier moderne et animé, où de jolies boutiques et des immeubles d’habitation sont construits autour d’un vieux port.
Le temps d’arriver au restaurant — 30 minutes de trajet environ –, nous avions une meilleure idée de ce qui se passait dans le pays.
« C’est facile de se faire élire, ici », a dit notre chauffeur. « Il suffit de promettre plein de choses gratuites. Mais le gouvernement n’a pas assez d’argent, alors ils empruntent… et quand ils ne peuvent plus emprunter, ils impriment de l’argent. Ensuite les prix grimpent… les gens se fâchent… et ils votent pour le mec d’en face, l’autre parti.
« Le taux d’inflation était de 40% l’an dernier. Il est censé être à 35% cette année. Qui sait ?
« Mais le nouveau président, ce pauvre Macri, doit maintenant réduire les dépenses. Les gens lui en veulent de supprimer toutes ces choses gratuites. Alors on a des grèves et des manifestations… et ils font revenir les dépensiers au pouvoir.
« J’ai peur que la prochaine élection ne voie revenir les Kirchneristas [partisans de l’ex-présidente Cristina Fernández de Kirchner] ; ensuite ce sera la dégringolade, comme au Venezuela ».
Le trajet en taxi n’a coûté que 5 $. L’analyse économique était gratuite.