La Chronique Agora

Scandale en Malaisie : l’étrange affaire 1MDB (1ère partie)

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[Note de Jim Rickards : lors de la rédaction de cet article, certains noms ont été modifiés afin de protéger la vie et la liberté de personnes menacées d’arrestation ou de sanctions par le régime corrompu de Najib en Malaisie.]

▪ Le 1er décembre 2015, un ami malaisien m’a fait parvenir le message urgent suivant :

"Cher James,

Il faut que je vous adresse un e-mail sécurisé de la part de X. Je ne vais pas utiliser mon e-mail habituel. A quelle adresse e-mail dois-je envoyer ce message ? Peut-être savez-vous que le gouvernement m’a emprisonné pendant six semaines… Je vous en dirai plus dans mon message.

Bien à vous, Y."

Cette nouvelle m’a infligé un choc. Mon ami Jong Lee (ce n’est pas son vrai nom) avait été jeté en prison par le régime répressif de Najib en Malaisie. J’ai rapidement mis sur pied un système de communication cryptée afin de que nous puissions poursuivre notre dialogue.

Avec la multitude de moyens de communication, de nos jours, et des systèmes de cryptage de type militaire à la portée des citoyens, il est possible de préserver une certaine confidentialité

Bien sûr, tous les messages qui circulent sont interceptés par les renseignements américains et malaisiens. Mais avec la multitude de moyens de communication, de nos jours, et des systèmes de cryptage de type militaire à la portée des citoyens, il est possible de préserver une certaine confidentialité. Le truc, c’est de changer de réseau fréquemment afin de conserver "une longueur d’avance" par rapport aux interceptions.

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Heureusement, Jong Lee est en sécurité pour l’instant, mais ses mouvements sont continuellement observés par les sbires de Najib. Il peut être à nouveau arrêté et soumis à interrogatoire à tout moment.

Je me suis rendu à Kuala Lumpur, la capitale de la Malaisie, à deux reprises : en juillet et en août 2015. Au cours de mes séjours, j’ai rencontré d’éminents citoyens de ce pays. Il s’agissait notamment d’anciens ministres, d’universitaires, de fonctionnaires de la banque centrale et de milliardaires à la tête de grandes entreprises leaders dans les secteurs de l’étain, du caoutchouc et de l’huile de palme : les principales ressources exportées par la Malaisie.

C’est à l’occasion de ces déplacements que j’ai rencontré Jong Lee pour la première fois. Le temps fort de mon premier séjour, ce fut la célébration du 90e anniversaire de Tun Mahathir Mohamed, Premier ministre de la Malaisie de 1981 à 2003.

Mahathir est la personnalité politique la plus importante de toute l’histoire de la Malaisie depuis la proclamation de son indépendance du Royaume-Uni en 1957. Mahathir était en très bonne santé et il a soufflé avec plaisir les bougies de son gâteau d’anniversaire.

Jong Lee faisait partie des convives, à cette fête d’anniversaire de Mahathir. Il a été jeté en prison quelques semaines après que je l’aie rencontré. Quel crime a-t-il commis ? Il a protesté de façon pacifiste contre l’un des régimes les plus corrompus de la planète, dirigé par le Premier ministre actuel, Najib Razak.

▪ De la démocratie à une quasi-dictature
Pas plus tard que fin 2013, la Malaisie était considérée comme un modèle de réussite démocratique affichant une solide croissance, une monnaie stable, d’importantes réserves de devises fortes et un flux régulier d’investissements étrangers.

Désormais, en 2016, la Malaisie fait figure de paria. Au moins 2,4 milliards de dollars de fonds appartenant au peuple malaisien ont été pillés. Ces fonds ont été pillés dans les caisses de 1Malaysia Development Bhd (un fonds souverain malaisien également appelée 1MDB). Ce pillage a été en partie facilité par Goldman Sachs qui a levé une partie des liquidités détournées par la suite…

Le gouvernement du Premier ministre Najib fait l’objet de quatre enquêtes criminelles distinctes. Ces enquêtes se concentrent sur les transactions de 1MDB et sont menées par les autorités à Singapour, en Suisse, à Abu Dhabi et aux Etats-Unis. Au moins 700 millions de dollars des fonds pillés ont été déposés directement sur des comptes personnels de Najib.

La perte de confiance provoquée par le scandale du pillage de 1MDB a contribué à la dévaluation catastrophique de la monnaie malaisienne

La perte de confiance provoquée par le scandale du pillage de 1MDB a contribué à la dévaluation catastrophique de la monnaie malaisienne, le ringgit (MYR). Le 1er septembre 2014, le taux de change du MYR par rapport au dollar américain était de 3,15 pour 1 dollar. Au 1er octobre 2015, le taux de change USDMYR était passé à 4,43 ; soit un effondrement de 30% en équivalent dollar en tout juste treize mois.

Au cours de la même période, à peu près du 1er juillet 2014 au 1er septembre 2015, soit 14 mois, le principal indice boursier de la Malaisie, le FTSE Kuala Lumpur Composite Index, a chuté de 1 885,91 à 1 589,16 points, soit une baisse de 15,7%.

La Malaisie possède une main-d’oeuvre éduquée, largement anglophone, d’importantes ressources naturelles et une situation géographique stratégique. La Chine et les Etats-Unis représentent de solides alliés, de même que les royaumes pétroliers arabes. Dernièrement, le pays a été acclamé par le président Obama en tant que membre fondateur de l’accord de partenariat trans-Pacifique instaurant une zone de libre-échange.

Pourtant, toute personne ayant investi en dollar américain sur les actions malaisiennes mi-2014 aurait perdu quasiment la moitié de sa mise fin 2015. Les pertes encourues seraient de 15% sur les actions et de 30% supplémentaires sur la dévaluation du taux de change. Cela s’est produit au sein d’une économie qui, par ailleurs, était fondamentalement en bonne santé.

Cette histoire de corruption au sein du régime de Najib, en Malaisie, a valeur d’avertissement pour ceux qui investissent dans les marchés émergents en général et en Malaisie en particulier.

Même si, globalement, l’historique de croissance des marchés émergents peut paraître attrayant, l’avidité, la corruption et la vénalité ne sont jamais très loin. Les scandales peuvent surgir à tout moment et se propager rapidement aux sphères plus importantes de la politique, de l’économie et de l’international, en s’accompagnant de conséquences inattendues.

Le risque de corruption est difficile à quantifier : il s’apparente à un flocon passé inaperçu et qui déclenche une avalanche. Pourtant, une avalanche financière n’aurait rien de surprenant. Toute avalanche potentielle n’attend qu’un flocon pour que tout un pan de montagne dégringole.

Nous verrons la suite lundi.

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