▪ Après notre week-end à Rio, nous avons été ravi de retrouver Sao Paulo. La ville est propre, calme et digne. Rio n’est rien de tout ça — surtout pendant un week-end de Carnaval.
Et il y fait chaud. A finir en sueur. Ou évanoui. Si chaud qu’on rechigne à quitter le lobby de l’hôtel Fasano. Nous ne logions pas au Fasano — nous avions une chambre bon marché avec vue — c’est-à-dire avec vue sur un tuyau d’aération. Notre hôtel était sur la plage de Copacabana — non qu’on ait pu le deviner depuis l’intérieur de l’établissement. On se serait cru dans les quartiers louches de Chicago.
Si bien que lorsque nous avons découvert le Fasano à Ipanema, tout proche, nous avons levé le camp… du moins pour quelques heures.
Les plages de Copacabana et d’Ipanema étaient bondées, jonchées de corps à divers stades d’indécence et de déclin. Jeunes, vieux, gros, maigres… beaux et laids. C’était trop pour nous. Nous étions noyé.
Il faisait donc bon revenir à Sao Paulo. D’autant qu’il y fait plus frais qu’à Rio.
Ceci étant dit, nous avons désormais quitté Sao Paulo pour venir à Buenos Aires.
A Sao Paulo, on voit de nouveaux bâtiments, de nouvelles voitures et de nouveaux restaurants quasiment partout où l’on regarde. Buenos Aires ne change pas autant |
Nous connaissons Buenos Aires mieux que Sao Paulo. C’est une ville plus jolie… mais moins dynamique. A Sao Paulo, on voit de nouveaux bâtiments, de nouvelles voitures et de nouveaux restaurants quasiment partout où l’on regarde. Buenos Aires ne change pas autant. C’est une ville plus vieille, plus élégante et plus usée par le temps.
C’est également la capitale d’un pays qui est bien plus petit géographiquement, avec une économie en déclin, en termes relatifs, depuis plus d’un demi-siècle. Ce que les Argentins n’ont pas en taille et en richesse, toutefois, ils le compensent bien en vanité. En deux mots, le prolétariat italien a découvert Buenos Aires au début du 20ème siècle. A l’époque, la ville était si ouverte… si libre… si belle… et si grouillante d’activité qu’un immigrant venant de Venise ou de Naples pouvait descendre du bateau le matin et se retrouver avec un emploi et un appartement le soir venu.
La ville avait plus d’arbres que Paris… un opéra plus grand… l’avenue la plus large au monde. Pourtant, les Italiens pensaient pouvoir améliorer les choses en appliquant les derniers crédos européens — le syndicalisme, le communisme et l’anarchisme.
▪ La crise est en retard…
Puis, dans les années 30, Juan Peron, jeune officier dans l’armée, fut envoyé en Italie comme attaché militaire. Il admirait les idées fascistes/socialistes de Mussolini à tel point qu’il les a ramenées avec lui en Argentine. Ensuite, il a eu de la chance. Il a épousé Eva, qui est devenue la Toute Première Dame du pays. Elle distribuait des cadeaux aux pauvres à Noël. Son frère distribuait des passeports aux nazis, lorsque la guerre tourna à leur désavantage. Les nazis furent ravis d’immigrer, et montrèrent aux Argentins une chose ou deux au sujet du fonctionnement d’un Etat-policier. Les péronistes sont au pouvoir depuis — dépendant des travailleurs urbains pour obtenir les votes nécessaires.
Ils font des promesses pour se faire élire. Ces promesses coûtent plus d’argent qu’ils en ont. Ils empruntent. Et ils font faillite |
"L’histoire est toujours la même", explique notre analyste local. "Ils font des promesses pour se faire élire. Ces promesses coûtent plus d’argent qu’ils en ont. Ils empruntent. Et ils font faillite environ une fois tous les 10 ans. La dernière crise était en 2002. Nous sommes en retard".
Soyons franc : nous-même, nous ne rechignons pas à exploiter les gens qui commettent des stupidités. Après tout, lorsqu’un arroseur se fait arroser, autant s’en moquer. Sinon, comment retiendrait-il la leçon ?
C’est ainsi que nous sommes arrivé en Argentine en 2005 avec le sentiment qu’il y avait là des choses valant la peine d’être vues. En l’occurrence, nous avons vu un ranch dans les montagnes que nous avons pu acheter pour une bouchée de pain.
Il y avait trois raisons pour lesquelles la propriété était si bon marché :
– Premièrement, le pays ne s’était pas encore remis de sa crise la plus récente.
– Deuxièmement, il n’y avait pas d’autres acheteurs dans la région du nord-ouest de l’Argentine.
– Troisièmement, même à des prix atteignant tout juste un dixième de ceux des Etats-Unis, l’endroit ne valait quand même pas ce que nous l’avons payé.
L’arroseur a eu le dernier mot, en fin de compte. Depuis, les autochtones rient tandis que nous tentons de résoudre cette énigme : comment diable quiconque a pu imaginer qu’il était possible de faire fonctionner un ranch dans un pays aussi stérile, inaccessible et oublié de tous.