La Chronique Agora

Sans croissance du PIB, comment se sortir des déficits ?

▪ Voici un prix Nobel, Joseph Stiglitz, appelant les autorités à dépenser plus :

« Pour l’Europe comme pour les Etats-Unis, le danger est désormais que les politiciens et les marchés croient que la politique monétaire peut ressusciter l’économie. Malheureusement, son principal effet pour l’instant est de détourner l’attention de mesures qui stimuleraient vraiment la croissance, notamment une politique budgétaire expansionniste et des réformes du secteur financier afin de relancer l’activité de prêt ».

Oui, faites en sorte que les autorités dépensent plus… et mobilisent plus de ressources pour leurs plans insensés. Donnez plus d’argent aux zombies.

Pourquoi pas ? L’idée de base, c’est de stimuler les dépenses. Ou, comme le dirait Stiglitz, d' »augmenter la demande ». Eh bien, personne n’est plus demandeur qu’un zombie… surtout quand il a une arme à la main et l’argent d’un autre en poche.

Nous nous posons des questions, parfois. Peut-être que tout ça n’est qu’une vaste plaisanterie.

Tout le monde sait qu’on ne peut pas s’enrichir en dépensant. Et tout le monde sait que les dépenses des zombies sont les dépenses les moins efficaces de toutes. Au moins quand les gens dépensent leur propre argent obtiennent-ils ce qu’ils veulent… ou au moins ce qu’ils méritent.

Mais laissez les autorités dépenser, et vous obtenez ce que les autorités veulent — des guerres inutiles, des distributions d’argent pour acheter des votes, des récompenses pour les incompétents et les superflus. Montrez-nous un gouvernement qui dépense deux dollars… nous vous montrerons un dollar qui aggrave la situation. L’autre est simplement gaspillé.

Tout de même, les grands économistes de notre époque insistent sur le fait que les autorités devraient distribuer plus de cash… et que ça finira par améliorer les choses.

▪ La croissance n’est pas éternelle
Martin Wolf, rédacteur du Financial Times, revend sa drogue depuis des années. Mais le pauvre M. Wolf semble s’être mis lui-même dans une impasse. La semaine dernière, il a enfin compris ce que nous disons depuis des années. La croissance ralentit. Et il n’y aucune garantie qu’elle reprenne de notre vivant. M. Wolf n’est pas certain du pourquoi. Personne ne l’est. Mais il cite les travaux de Robert Gordon, de la Northwestern University, qui remet en question l’idée que la croissance économique est éternelle.

Peut-être ne l’est-elle pas.

Ce que nous avons remarqué, c’est qu’en dépit du terreau le plus fertile pour la croissance jamais vu depuis les débuts de l’histoire de la race humaine, le taux de croissance du PIB a décliné ces 50 dernières années. Nous parions que c’est dû au fait que le taux d’utilité marginale de l’énergie diminue. Mais c’est là un vaste débat — trop vaste pour aujourd’hui.

M. Wolf déclare être convaincu que M. Gordon a raison… que les économies développées ne se développeront plus comme autrefois. « Il faut s’y habituer », dit-il.

Mais M. Wolf a lui-même une difficile adaptation à réaliser. Il ne semble pas se rendre compte que son analyse sape quasiment tout ce qu’il a écrit au cours des cinq dernières années. Il a conseillé aux gouvernements de stimuler leurs économies de manière à ce que leurs taux de croissance grimpent. D’après lui, ils avaient besoin d’une augmentation du PIB plus rapide pour se développer jusqu’à se dépêtrer de niveaux de dette élevés. Mais les preuves présentées par M. Gordon, cité par M. Wolf lui-même, suggère que le déclin de la croissance réelle ne peut être renversé par les politiques économiques ou monétaires.

Si c’est le cas… et nous pensons que oui… alors inciter les gouvernements à accumuler des dettes dans une vaine tentative de stimuler les taux de croissance revient à augmenter la dose d’un poison connu en pensant — à tort — qu’il guérira des ronflements.

Mais si la croissance est condamnée à décliner, que peuvent faire les empêcheurs de tourner en rond ?

▪ Si on ne peut pas s’en sortir par la croissance… que peut-on faire ?
Pas grand-chose. Telle est la conclusion de l’article de M. Wolf dans le Financial Times d’hier. Selon une étude du FMI portant sur des gouvernements lardés de dettes, lorsque le secteur privé d’une économie réduit sa propre dette, il est très difficile pour le gouvernement d’en faire autant. Parce que les ventes et les revenus du secteur public sont aussi les revenus fiscaux du secteur public. Durant une période de contraction, dans le secteur privé, les recettes fiscales baissent… ce qui met le budget des autorités en sérieux déficit. C’est à peu près la situation dans laquelle se retrouvent tous les grands pays développés de la planète.

C’est également la situation connue par l’Angleterre durant l’entre-deux-guerres — 1919-1939 — et dans laquelle le Japon est coincé depuis 22 ans. Le Royaume-Uni a abordé le problème en accumulant un surplus budgétaire… et en réduisant drastiquement les dépenses. Mais cette approche par l’austérité n’a pas fonctionné. Le PIB a tout juste grimpé. Le chômage restait élevé. Finalement, le Royaume-Uni est sorti de l’étalon-or — la chose même qu’il tentait d’éviter. Cela lui a permis de dévaluer ses dettes… et de réduire ses niveaux de salaire… ce qui a fini par aider à régler la situation. Dans les faits, la Grande-Bretagne a fait défaut. Elle a fait faillite.

Le Japon s’en tient à l’approche par la relance. Le gouvernement vend des obligations pour financer ses profonds déficits. La banque centrale achète les obligations. Les taux d’intérêt sont à zéro. L’argent coule. Les affaires continuent. Et une portion croissante de la richesse réelle du pays est consommée par les autorités japonaises — en majeure partie en allocations pour les retraités.

La charge de dette du Japon s’alourdit, au lieu de diminuer… et le règlement final et explosif de la dette reste à venir.

La leçon de tout ça, nous la connaissons depuis le début. On ne peut pas vraiment s’enrichir en empruntant et en dépensant. Et on ne peut pas attendre de bidouillages politiques qu’ils vous délestent miraculeusement d’un fardeau de dette démesuré.

Les dettes doivent être subies… pas effacées. La seule question, c’est qui subit ? L’emprunteur ? Le prêteur ? Ou tous les autres ?

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