La Chronique Agora

Et vous, quel est votre salaire ?

richesse

▪ Hier, c’était Labor Day aux Etats-Unis — la fête du travail.

Et si l’on en croit les titres des journaux du jour, les Américains s’intéressent beaucoup à ce que gagnent les autres. De tous les intervenants dans les pages éditoriales, personne — ou quasiment personne — ne travaille chez McDonald’s ou ne gagne le salaire minimum. Pourtant, tous — ou quasiment tous — semblent avoir une opinion sur ce que devraient gagner les gens se situant dans l’échelle basse des salaires. Un salaire « au minimum vital », disent-ils. 30 000 $, tel est le montant mentionné.

Bien entendu, un « minimum vital » national est absurde. Il coûte bien plus cher de vivre à Manhattan que dans les Montagnes Rocheuses. Et il est bien moins cher de vivre chez ses parents que d’avoir son propre appartement. Mais nous ne sommes pas tant intéressé par les détails pratiques que par la théorie. On nous dit que les gens qui travaillent chez McDonald’s doivent gagner plus.

Les employés bien éduqués, bien payés et bien abreuvés peuvent décider des salaires des travailleurs du McDo

Or qu’en est-il de ceux qui ne travaillent pas chez McDonald’s ? Peut-être devraient-ils décider mutuellement de leurs salaires. Les employés bien éduqués, bien payés et bien abreuvés peuvent décider des salaires des travailleurs du McDo. Et les jongleurs de burgers peuvent décider des salaires des classes bavardes et des empêcheurs de tourner en rond. Si une telle chose devait se produire, nous sommes d’avis que les je-sais-tout bien payés subiraient une baisse de salaire. Ce qui nous semble juste et correct. Lorsque nous entrons dans un McDonald’s, un salarié payé au SMIC nous sert notre commande. Nous recevons ce que nous avons payé et sommes satisfait de la transaction. En revanche, lorsque nous lisons les journaux, nous n’en retirons que des sottises et des inepties.

Généralement, nous obtenons un service honnête et un bon rapport qualité-prix de la part des travailleurs en col bleu. Mais que recevons-nous des clowns en col blanc ? Des problèmes.

Logiquement, il n’y a que deux possibilités. Soit les salaires sont déterminés par un échange libre entre ceux qui offrent leur travail et ceux qui veulent l’acheter. Ou bien une personne (ou plusieurs) fixe les salaires selon ses propres critères. Les bonnes âmes veulent utiliser l’argent des autres pour augmenter les salaires de ceux qui sont moins bien payés, mais ne mentionnent pas leurs propres salaires. Elles n’offrent même pas de payer leurs hamburgers plus cher pour que McDonald’s puisse payer plus ses travailleurs. Et qu’en est-il de ceux qui cherchent un emploi ? Si le salaire minimum était augmenté, ils seraient sans doute plus nombreux — soit parce que McDo ne peut pas se permettre d’embaucher tant de gens à des salaires plus élevés soit parce qu’il a remplacé ses employés au salaire minimum par des machines !

Mais si les bonnes âmes se donnaient la peine de réfléchir un peu plus loin que le bout de leur nez, elles constateraient que trafiquer les prix rend toujours — toujours ! — les gens plus pauvres, non plus riches.

▪ Jouons un peu
Nous allons toutefois leur accorder le bénéfice du doute, s’il y en avait, et tenter d’imaginer en quoi le monde pourrait être amélioré en décidant des salaires des autres. Commençons par tenir brièvement compte de l’équité : s’il est raisonnable de fixer les salaires des plus pauvres d’entre nous… pourquoi pas ceux des plus riches ? En d’autres termes, si ceux qui ne sont pas impliqués eux-mêmes dans une transaction salariale prétendent savoir mieux que les participants quels devraient en être les termes, pourquoi pas les salaires des éditorialistes ? Des éditeurs ? Des PDG ? Des stars du sport ? Des acteurs ? Il y a peut-être avarice d’un côté, mais ils y a une générosité extravagante de l’autre. Si un côté devrait être corrigé, pourquoi pas l’autre ?

Au lieu de permettre au marché de fixer les prix, nous les fixerons nous-même

Vous voyez quelle tâche réjouissante ce serait pour un bureaucrate ayant le sens de l’humour. Au lieu de permettre au marché de fixer les prix, nous les fixerons nous-même. Oui, nous ne nous arrêterons pas au truquage des marchés boursiers… nous allons aussi truquer le marché du travail — en mettant les salaires au niveau qui nous semble correct.

Alors allons-y. Nous avons fait le premier pas en proposant des salaires annuels pour les métiers suivants, en fonction des bénéfices qu’ils apportent à la société selon nous :

– Entrepreneurs (votre correspondant compris), poètes, inventeurs et savants fous — 100 000 $

– Prêtres, enseignants, mathématiciens, scientifiques, pilotes, infirmières et réalisateurs de cinéma — 85 000 $

– PDG, prostituées, écrivains, barmen, gestionnaires de hedge funds — 75 000 $

– Conducteurs, ouvriers, vendeurs, agriculteurs, pompiers, policiers — 50 000 $

– Psychologues, médecins (charlatans compris), planificateurs financiers — 40 000 $

– Fonctionnaires (ceux n’étant pas inclus dans les groupes ci-dessus), politiciens, dealers de drogue, bonnes âmes, économistes, faussaires, psychiatres, sociologues, chercheurs en politique, instituts de sondage et artistes de pacotille — 30 000 $.

Cette liste n’est en aucun cas exhaustive ou définitive. Ce n’est qu’une suggestion, un point de départ pour une distribution « plus juste » du revenu national. Vos propres idées sont les bienvenues, cher lecteur.

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