▪ Un courrier confidentiel et très alarmiste de Wolfgang Schaüble adressé à Jean-Claude Trichet au sujet de la dette grecque aurait « fuité ».
Le ministre des Finances allemand estime qu’un échec du plan de sauvetage en faveur d’Athènes (actuellement en discussion) équivaudrait à entériner un défaut de paiement d’ici le milieu de l’été. Cela sonnerait l’éclatement de la Zone euro, chacun en est bien conscient.
Si vous êtes totalement naïf, vous imaginerez qu’il s’agit d’une erreur de programmation de l’imprimante en réseau. Le précieux document est tombé entre les mains d’un journaliste qui passait par hasard à côté de l’appareil, juste au moment où il s’en trouvait malencontreusement éjecté (alors qu’il aurait dû s’agir de la copie d’un bon de commande de gobelets pour la machine à café).
Si vous ne croyez pas à cette version pour élèves de maternelle, bienvenue dans le joyeux petit monde des prétendues « fuites » organisées. Ces dernières sont destinées à se répandre comme une traînée de poudre à travers les salles de marché, histoire de mettre un peu la pression sur les partenaires européens et inciter la BCE à intensifier son soutien aux banques grecques.
Ce n’est certainement pas un hasard si cette péripétie survient au lendemain même d’une déclaration de Barack Obama qui presse les Européens d’éviter par tous les moyens d’acculer la Grèce à la faillite.
Rien ne sera réglé d’ici le prochain sommet des chefs d’Etat et de gouvernement des 23 et 24 juin à Bruxelles. Il se murmure cependant qu’un accord recueillant également l’assentiment du FMI pourrait intervenir d’ici fin juillet.
Les négociations achoppent principalement sur la participation des créanciers privés à hauteur de 30 milliards d’euros au second plan de sauvetage de 100 milliards d’euros mis en oeuvre en un an. Les Allemands proposent d’allonger la maturité de la dette grecque de sept ans (le Crédit Agricole y serait favorable). Mais si ce scénario était adopté, les agences de notation assimileraient immédiatement cela à une restructuration déguisée et donc à un défaut de paiement.
▪ Pendant que les marchés se focalisent sur ce feuilleton à rebondissements, la menace d’abaissement de la note de la dette souveraine britannique (qui perdrait son triple A) passe complètement inaperçue !
L’Angleterre est non seulement en récession (cure d’austérité oblige) mais elle connaît également une vague d’inflation parmi les plus sévères des économies développées.
C’est le revers de la médaille de son indépendance monétaire (c’est-à-dire de sa capacité à dévaluer) : il se traduit par l’effondrement de la livre vers des planchers historiques — contre le franc suisse ou la couronne norvégienne notamment.
Si le Royaume-Uni n’apparaît guère mieux loti que l’Irlande question croissance, sa situation budgétaire n’est certainement pas pire que celle des Etats-Unis.
Les derniers communiqués de la Maison Blanche tendent pourtant à faire accroire que le plus grave problème du moment en matière d’endettement concerne la Grèce. C’est une classique opération de diversion, mais qui ne trompe personne !
▪ Les tripatouillages indiciels — plus ou moins discrets, voire complètement assumés comme le 31 mai dernier — ne trompent plus grand monde non plus.
La preuve nous est administrée par un sondage (largement commenté sur BFM-Business mercredi) qui met en évidence une désertion des investisseurs particuliers. Investisseurs qui sont soit détenteurs de titres en direct, soit par le biais des OPCVM ou des contrats d’assurance-vie.
La France aurait perdu deux millions d’actionnaires en trois ans. Ils ne seraient plus 4,5 millions (soit 11% de la population active) contre 6,5 en 2007 et plus de huit millions en l’an 2000. Ce dernier chiffre représentait 17% de la population active de l’époque, mais beaucoup avaient reçu des stock-options en complément de salaire ; à la base, ils n’avaient rien demandé.
Nous ne sommes plus très loin d’une division par deux en 10 ans. Beaucoup d’observateurs pointent du doigt des évolutions de cours de plus en plus incompréhensibles pour les particuliers — lesquels tentent en vain de rapprocher les mouvements boursiers de l’actualité économique ou géopolitique.
Toutes les enquêtes réalisées au cours des dernières décennies démontrent que les Français n’aiment guère le risque en général mais qu’ils détestent par-dessus tout avoir le sentiment de se faire plumer. Un des commentaires qui revient le plus fréquemment c’est : « on ne m’y reprendra plus ».
▪ Les petits porteurs ont la réputation de vendre au plus bas et d’acheter au plus haut. Ils ne sont en fait pas revenus à l’achat, ni sur le point bas (inscrit fin juin 2010 vers 3 400 points), ni dans l’euphorie du quantitative easing de la Fed avec un CAC 40 repassant au-dessus des 4 000 points.
La contradiction entre l’évolution de l’indice et l’actualité macro-économique est trop flagrante. La crise reste palpable avec des salaires bloqués, la précarité, un taux de chômage réel qui continue de tutoyer des sommets malgré les bidouilles visant à élaguer les listes de sans-emploi.
Les cours peuvent bien mentir sur la situation présente et préfigurer un avenir radieux qui n’existe qu’à l’état de fantasme dans le cerveau des permabulls. Les particuliers ne se fient plus à l’apparente euphorie des professionnels qui viennent débiter leur catéchisme haussier devant des micros trop complaisants.
C’est donc en vain que les traders de Londres et Wall Street ont attendu début 2011 que les habituels pigeons reviennent payer le marché au plus haut.
Ils se retrouvent à jouer entre eux, à grands coups de programmes experts exécutés par des supers-ordinateurs qui fonctionnent à la nanoseconde — la milliseconde appartient déjà au Moyen Age de l’informatique boursière.
▪ En cinq semaines et trois jours, le repli cumulé du CAC 40 s’élève à 7%. En général, une phase de consolidation aussi prolongée se solde par des pertes supérieures à 10% (disons plutôt 15% en moyenne).
Il semblerait que rien ne se passe comme d’habitude… enfin, pas comme les marchés en font la démonstration depuis mars 2009. Voilà qui pourrait devenir enfin très intéressant, une fois orchestré un ultime rebond pour lessiver les vendeurs ?