La Chronique Agora

Rogoff ou le mépris de classe de la Parasitocratie

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Rogoff pense qu’il est bon d’imposer la société sans cash mais il conseille aux investisseurs institutionnels de détenir de l’or.

Figurez-vous que dans son dernier ouvrage l’universitaire américain Kenneth Rogoff fait l’apologie de l’or.

La traduction française du titre de son dernier livre (il n‘est pas disponible en français) est « La malédiction des espèces  » ou « La malédiction du cash » (The Curse of Cash).

Jusque-là, je n’avais pas encore collé l’étiquette de parasitocrate sur le front de Rogoff. Certes, il est économiste interventionniste mais je luis accordais le bénéfice du doute pour avoir écrit « Cette fois c’est différent – Huit siècles de folie financière ». Ce livre se penchait sur les faillite d’Etat et essayait de tracer la ligne délicate de la dette publique limite acceptable.

Mais avec ce livre toute ambiguïté était levée.

Pour Rogoff, le cash est mauvais car il permet le terrorisme, l’évasion fiscale, blablabla…

Le terrorisme n’utilise pas que le cash pour se financer, il utilise aussi l’or, le pétrole, l’esclavage, la prostitution. Oui, le cash est aussi le paradis fiscal des pauvres, ceux qui n’ont pas les moyens de se payer des sociétés écrans, des trusts, une armée de conseillers juridiques et fiscaux transfrontalier. Si l’on parle d’évasion c’est parce qu’il existe des prisons ; si l’on parle de paradis c’est parce qu’il existe des enfers.

Toutefois, dans l’esprit de Rogoff, ce n’est pas cela le plus important. L’inconvénient du cash est qu’il limite l’efficacité des politiques monétaires qu’il pérconise. C’est d’ailleurs exactement pour cette raison que je soutiens le cash.

J’estime que les « politiques monétaires », que ce soit l’inflation sournoise, les dévaluations compétitives ou  la « répression financière » sont en réalité des vols en bandes organisées.

Les taux négatifs, tout comme l’inflation ou les dévaluations, volent les épargnants du rendement de leur épargne et rogne sur leur pouvoir d’achat. Des impôts non débattus, non votés par des représentants légitimes ne sont pas consentis. Il s’agit donc bien de vol.

Rogoff préconise ces vols légaux mais illégitimes ; faute d’inflation, pour pouvoir généraliser les taux négatifs, il faut faire disparaître le cash. Sinon, les gens sortiraient leur argent de la banque pour ne pas se voir appliquer un intérêt négatif.

Evidemment, en donnant de tels conseils, Rogoff ne « joue pas sa peau » au sens de Taleb. Il ne souffrira pas lui-même du vol collectif qu’il conseille. Son salaire d’universitaire, son statut d’auteur et de conseiller le mettent à l’abri de telles vicissitudes.

Un article paru dans Gold Investor, la revue du World Gold Council, syndicat des producteurs d’or, présente cependant un autre aspect de son livre encore plus déplaisant.

Rogoff parle aussi de l’attractivité de l’or.

D’abord, il donne des conseils aux banques centrales des pays émergents :

Les banque centrales des pays émergents devrait détenir moins de dollars et plus d’or afin de diversifier leurs avoirs de réserve. C’est une simple question de diversification. A l’heure actuelle, la plupart des banques centrales des pays émergents détiennent 1% à 2% de leurs réserves en or, 70% à 80% en dollars et le reste en euros et autres devises. Je pense qu’une allocation de 5% est une position convenant à une politique de diversification efficace – quoique cela pourrait être plus. Après tout la part des Etats-Unis dans l’économie mondiale se réduit, le pouvoir est centralisé et nous ne savons pas ce que nous réserve l’avenir .

L’économie américaine pèse moins lourd, la gestion du dollar est centralisée et n’y accède pas qui veut, les déficits en dollars vont aller en grandissant. Pour contrer le risque dollar, les banquiers centraux doivent détenir de l’or.

Ensuite, si le dollar domine cela ne signifie pas que cette monnaie soit stable.

Le dollar est plus largement utilisé que jamais. De plus en plus de dette d’entreprises européennes est émise en dollars, pas en euros. Les pays asiatiques émettent leur dette à l’étranger en dollars. Les réserves des banques centrales sont en dollar et de nombreux biens se négocient en dollars. Donc le dollar est plus dominant aujourd’hui qu’au moment de Bretton Woods – mais cela ne signifie pas qu’il est stable. 

(…) 

Nous avons déjà des milliers de milliards de dollars de déficit et ils sont gérables. Mais si on laisse grandir la dette d’entreprise, la dette des collectivités locales et la dette fédérale, il viendra un moment où les Etats-Unis seront en difficulté. Et si les déficits ont doublé ou triplé d’ici là, l’inflation arrivera nécessairement. Notre système n’est pas conçu pour une inflation élevée donc cela causerait des ravages financiers incroyables. Cela peut prendre des décennies mais les choses explosent toujours à un certain point.  

(…)

Le fait est que les bons du Trésor ne sont pas un actif sans risque. Ils peuvent l’être à deux ou trois ans mais pas nécessairement pour le long terme, donc si vous voulez construire un programme à 40 ans, vous devriez être diversifié. Regardons les choses en face : si vous êtes un gérant de fonds spéculatif et que vous avez 3% à 4% de vous faire essorer et 96% de chance de vous enrichir, c’est un pari qui vaut le coup. Si vous êtes un pays ce n’est pas un pari si intelligent . 

Je soupçonne que la valeur de l’or va monter en terme réel. La tendance aux monnaies numériques renforcera la valeur de l’or. A mesure que les pays émergents se développeront et feront moins confiance aux Etats-Unis, la valeur de l’or se renforcera. Donc dans un gros portefeuille, l’or me semble très raisonnable. 

En tant que couverture, l’or a une énorme valeur. Donc il est sensé pour les particuliers fortunés et même certains fonds de retraite de détenir un petit pourcentage de leurs avoirs en or .

Si vous avez bien suivi le fil conducteur de notre éminent universitaire :

Gros risque d’inflation à terme et c’est pour cela qu’il faut enfermer les gens dans une monnaie 100% numérique afin qu’ils ne puissent pas sortir des banques, fuir devant la monnaie et se réfugier dans une autre devise.

L’or c’est bon pour les banques centrales.

L’or c’est bon pour les grosses fortunes.

L’or c’est à la rigueur bon pour ceux qui capitalisent pour leur retraite.

Si vous n’entrez pas dans ces cases, il vous faut subir les folies monétaires de Rogoff et consorts, vous laisser piller les fruits de votre travail et courber l’échine.

Pour ces cerveaux, l’individu n’est qu’un pion sans intérêt qui n’a même pas le droit de réfléchir à 40 ans pour lui-même et ses enfants. Pour Rogoff & Co, on n’existe que collectivement.

Je vous le radote : l’or c’est aussi bon pour vous !

Je m’en voudrai, cher lecteur de vous quitter sans vous faire absorber une antidote à Rogoff.

Je relisais ce matin Philippe Nemo, La philosophie de l’impôt. Voilà ce qu’il écrit :

« On est ce qu’on fait et on fait ce qu’on peut faire avec ce qu’on a. Donc si, comme c’est le cas dans les sociétés où existe un droit civil solide, l’avoir de chacun est et demeure protégé des captations par autrui au long du temps et des générations, sans être jamais confondu avec l’avoir des autres, l’être de chacun, lui aussi, demeurera distinct de celui des autres. (…)

Si en revanche s’établit ou perdure une société où l’État transgresse à peu près comme il l’entend les frontières des propriétés, c’est l’être même des citoyens qui est détruit ».

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