Je l’avoue, j’envie Thomas Piketty. Non seulement il a vendu 500 000 exemplaires d’un livre illisible (les gens s’arrêtent à la page 26 si l’on en croit les marqueurs d’Amazon) et chargé d’erreurs (disséquées par des critiques du monde universitaire) mais en plus, il a refusé la Légion d’honneur.
La jalousie étant stérile, je me dis que la copie peut être plus profitable et je vais vous parler non pas du capital mais du travail au 21ème siècle.
Depuis la nuit des temps, le bipède paresseux et intelligent a cherché à différer sa consommation, à épargner et à tirer profit de cette privation temporaire de jouissance |
Pour commencer, la distinction entre capital et travail est une distinction marxiste. Le capitalisme est en réalité une construction intellectuelle. Depuis la nuit des temps, le bipède paresseux et intelligent a cherché à différer sa consommation, à épargner et à tirer profit de cette privation temporaire de jouissance. Le premier silex taillé, la première charrue bricolée furent des biens de capital. Le but est évidemment de produire plus, mieux, avec moins d’effort.
L’extraordinaire faculté des biens de capitaux est de se cumuler. Ils sont avec le temps devenus de plus en plus sophistiqués et donc coûteux. Au début, il suffisait que Cromagnon prenne le temps de tailler son silex et d’endurer les hurlements de faim de ses petits cromagnons privés de viande pour façonner son bien de capital et chasser plus efficacement.
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Depuis nous avons parcouru du chemin ; la révolution industrielle est passée par là. Pour financer la construction de grosses machines à vapeur et de chemins de fer, il fallait que beaucoup de gens acceptent d’assigner leur épargne à un but commun. Le rôle de la finance fut de transformer de l’épargne dispersée et de court terme en investissement. Cette masse d’épargne mise au travail fut nommée capital par Marx. Elle permit de franchir une étape.
Marx opposa le capital au travail et essaya de formuler une théorie de la répartition entre les revenus du capital et ceux du travail. La lutte des classes est la lutte autour de ce partage : le travailleur veut une augmentation de salaire et le détenteur de capital une augmentation du rendement de son argent. Travailleur et capitaliste ont des intérêts antagonistes selon Marx. C’est vrai si le travailleur ne peut être épargnant.
En entravant le marché, on rentre dans des systèmes arbitraires, absurdes qui ont besoin de violence et d’exactions pour se maintenir. |
▪ Un système bien malade
Prix, salaires et profits sont des notions complexes et toute tentative pour substituer quelque chose à l’arbitrage du marché — même si cet arbitrage n’est jamais parfait — s’est toujours soldée par un échec. Le plus cuisant de ces échecs fut évidemment celui du communisme qui a multiplié les pénuries et le gâchis du travail. Si on laisse faire le marché, des surinvestissements en capital conduisent occasionnellement à un effondrement de la rentabilité car trop de produits ou services rentrent en concurrence. Les corrections sont alors douloureuses mais elles finissent par être surmontées. En entravant le marché, on rentre dans des systèmes arbitraires, absurdes qui ont besoin de violence et d’exactions pour se maintenir.
Le capital au 21ème siècle n’est plus vraiment de l’épargne : il a été remplacé par l’accès au crédit. Des banques commerciales ont le privilège de créer de l’argent à partir de rien au ratio de 1 pour 30 et de le prêter. Cet argent ne correspond pas à de l’épargne existante mais à une anticipation de gains futurs. Ce développement du crédit a conduit à des surinvestissements et des empilages de dettes. Il enrichit une faible part de la population car il est d’usage de ne prêter qu’aux riches qui sont au plus près de la création monétaire et l’utilise désormais pour camoufler leurs mauvais investissements.
Parallèlement, le travail au 21ème siècle est de plus en plus rare comme en témoigne la montée du chômage de masse. Des pays comme la France empruntent pour verser leurs allocations de chômage ou les retraites. Le chômage de masse est traité par le déficit public et l’appauvrissement collectif. Du 17ème siècle au 19ème siècle la force mécanique avait remplacé la force musculaire. Les gueules noires des mineurs ont disparu au 20ème siècle. Au 21ème siècle les robots dits intelligents font les tâches intelligentes mais répétitives dévolues à la classe moyenne. Les phénomènes de relocalisation se produisent car le coût de la main-d’oeuvre faiblement qualifiée n’est même plus un critère de profit. Le crédit est presque gratuit, donc les biens de capitaux ne coûtent pas cher ce qui accélère ce processus de robotisation et de disparition d’emplois de plus en plus qualifiés.
Le travail au 21ème siècle rémunérera-t-il correctement les humains ou seulement quelques êtres exceptionnels et irremplaçables capables de produire ce que les robots ne produiraient pas ? Idée pas plus absurde que des taux d’intérêt négatifs pour le capital — ce qui montre bien que le système est malade, très malade…
[NDLR : Plus d’analyses à contre-courant, de conseils affûtés et de recommandations concrètes de la part de Simone Wapler en cliquant ici]