▪ Il n’y a plus beaucoup d’économistes pour soutenir la théorie du découplage de l’Asie par rapport à l’Occident. Chacun fait aujourd’hui le lien entre le ralentissement économique en Europe (et dans une moindre mesure aux Etats-Unis) et la dégradation des indices d’activité industrielle en Chine. Pékin vient même de produire une des toutes premières statistiques trahissant un ralentissement de la production manufacturière ces 10 dernières années.
Cela pourrait constituer un motif de satisfaction puisque la Chine a tout fait pour calmer la surchauffe — et en premier lieu décourager le surinvestissement puis la spéculation immobilière. Mais vu de l’extérieur, la formidable expansion qui enchantait les investisseurs occidentaux n’est plus d’actualité. La presse anglo-saxonne relate même l’apparition de mouvements de grève dans la région de Shenzhen à cause de délocalisations de certaines productions à faible valeur ajoutée vers le Vietnam !
Tout va décidément très vite ! Il a fallu 50 ans aux pays développés pour transférer massivement leur industrie vers la Chine ; il n’aura fallu que cinq ans, depuis le pic de croissance de 2007 (boostée par les préparatifs des Jeux olympiques de Pékin) pour que l’inflation et les revendications salariales rendent l’empire du Milieu non-concurrentiel !
Pour ne rien arranger, les relations commerciales se tendent avec les Etats-Unis. Non seulement le dossier de la sous-évaluation du yuan n’avance pas, mais la Chine vient de mettre en place des barrières douanières dissuasives qui visent exclusivement les véhicules de grosses cylindrée américains — de type 4×4 notamment — et épargnent les berlines de luxe allemandes. Tous les spécialistes soulignent que la multiplication des mesures protectionnistes constitue toujours un mauvais signal envoyé aux marchés. Pékin sort cette fois-ci l’artillerie lourde : cela doit forcément véhiculer un message plus politique qu’économique.
Mais on ne compte plus les procès intentés aux entreprises chinoises pour viol de brevets, contrefaçons, non-respect des accords de partenariat… sans parler des cas d’espionnage et d’actes de piraterie informatique avérés. Ils ont donné lieu à des protestations officielles du Pentagone cet été, des accusations d’actes de guerre ont fusé depuis la Maison Blanche (ce qui en langage diplomatique signifie que les Etats Unis se considèrent comme agressés et fondés à mettre en oeuvre tous types de représailles). Oui, la Chine a mauvaise presse à Wall Street… Les éditorialistes ne se gênent plus pour s’en prendre ouvertement à elle… et pas seulement pour cause de manipulation du yuan. La Chine est très critiquée en ce moment même pour son opposition aux sanctions à l’encontre de l’Iran.
Le climat est donc nettement refroidi entre les deux géants. Et si la Chine reste encore le premier créancier de l’Amérique, elle se montre beaucoup moins présente lors des émissions de bons du Trésor depuis plus de deux ans. Il ne faut pas chercher beaucoup plus loin la cause d’une monétisation massive de la dette américaine sous forme de quantitative easing depuis mars 2009.
▪ Tout ce qui précède s’apparente à une accumulation de contentieux qui gâche le conte de fées qui a longtemps fait rêver les multinationales occidentales. Elles découvrent qu’il est plein de chausse-trapes et que le « partenaire » chinois ne joue pas franc-jeu — pour ne pas dire « de façon déloyale ».
Wall Street est en train de réviser son point de vue et les investisseurs rapatrient leurs capitaux : les effets se font clairement sentir sur les Bourses chinoises, car ce ne sont pas les investisseurs locaux qui retirent massivement leurs billes.
L’indice SSE de la Bourse de Shanghai a enchaîné la semaine dernière une quatrième séance de baisse consécutive depuis l’enfoncement du plancher annuel des 2 315 points (ex-plancher de juillet 2010), cumulant un repli de 6,5%, avec l’inscription d’un nouveau nadir à 2 180 points.
Il s’agissait également de la cinquième semaine de baisse consécutive (pour un repli cumulé de 12%), ce qui confirme le scénario d’une rechute en direction du palier des 2 000 puis d’un objectif de 1 700 points. En cas de rebond, le SSE devra prouver qu’il est capable de renouer avec les 2 420 points (MM50) puis de refermer dans la foulée le gap des 2 460 points du 17 novembre dernier.