La Chronique Agora

Que penserait le Dr. Richebächer de la reprise aux Etats-Unis ?

▪ Voici un échantillon des gros titres ces derniers jours…

Le Wall Street Journal : "les premières décisions de Yellen cadencées par les décisions sur les taux"…

PourReuters : "le Trésor US prévient : le défaut de paiement pourrait arriver plus vite qu’on ne le pense"…

Le Financial Times : "les actions américaines à leur plus bas depuis trois mois"… 

Et enfin selon Bloomberg : "affaiblissement du dollar sur les signes d’un ralentissement de l’économie américaine"…

A la lecture de ces titres, nous nous demandons comment aurait réagi notre regretté ami Kurt Richebächer : aurait-il ri ou pleuré de la situation actuelle du monde ?

"Toutes les périodes de ralentissement provoquées par un resserrement de la monnaie", écrivait-il en 2006, "ont été suivies par de fortes reprises. Un ralentissement qui arrive malgré des taux d’intérêt faibles et une politique monétaire souple nous semble être du plus inquiétant".

Il semble qu’aujourd’hui plus que jamais les investisseurs inquiets aient besoin de la vision claire et simple de Richebächer.

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Il nous a quitté le 24 août 2007, à 88 ans — exactement une semaine après l’annonce par la Fed qu’elle réduisait radicalement son taux d’escompte "pour encourager le rétablissement de conditions favorables sur les marchés financiers"… et alors que les crises du crédit et de l’immobilier qu’il prévoyait se mettaient sérieusement en place.

En 2005, lorsque Alan Greenspan déclarait au Congrès que les perspectives long terme des Etats-Unis s’avéraient radieuses, Kurt affirmait : "inepties ! [Les Etats-Unis sont] l’économie la plus malade de l’histoire économique".

"Elle souffre d’un manque d’investissement, d’un manque d’épargne, d’une expansion sans fin du crédit, d’un effondrement de son secteur industriel, d’un problème de chômage massif, d’un énorme déficit commercial et d’un boom considérable du carry trade".

▪ L’hommage de Paul Volcker
Nous ne pouvons qu’imaginer ce que Richebächer dirait de la soit-disant "reprise" actuelle. Beaucoup de ce qu’il avait prédit fait froid dans le dos lorsqu’on le lit aujourd’hui. Il avait tellement raison à propos de ce qui allait arriver avec les prêts hypothécaires à taux variable, avec les titres adossés à des créances hypothécaires et avec ce qu’il appelait une récession de bilan parmi les banques, qui avait déjà démarré en 2006.

Heureusement, Richebächer nous a laissé un riche héritage et ses mémoires. En tant que chef économiste de l’influente Dresdner Bank allemande pendant près de vingt ans, il avait l’habitude de dire des choses qui contrariaient ceux qui occupaient un poste élevé — et lui faisaient gagner, à contrecoeur, le respect des autres. Lors de son pot de départ en retraite en 1982, le président de la Réserve fédérale Paul Volcker lui rendit hommage en déclarant : "je pense que c’est le travail de chaque président de la Fed d’essayer de prouver que Richebächer se trompe".

Avant même qu’il ne quitte la banque, Kurt commença à publier une lettre lue par les plus grands investisseurs du monde — The Richebächer Letter. Nous avons eu le privilège d’être son éditeur au cours des 10 dernières années de sa vie. Ses lecteurs s’en souviennent bien.

"Kurt Richebächer !" se souvient un lecteur. "Je ne ratais jamais sa lettre d’investissement et j’étais impressionné par ses vastes connaissances économiques. J’ai souvent pensé à lui ces derniers temps et je me demande ce qu’il aurait dit de la pagaille dans laquelle nous nous trouvons. Il fut le dernier des grands penseurs de ce siècle ayant vécu dans l’Allemagne d’avant Hitler. J’aurais aimé qu’il soit encore parmi nous"…

C’était un homme solide, mesuré… et un gentilhomme à l’ancienne — cultivé, ayant beaucoup voyagé, intelligent et critique. Malgré toutes les difficultés qu’il avait eues dans sa vie — guerre, dépression, maladie et de longues années passées après la disparition de sa femme — il appréciait encore un bon vin, un bon repas et une bonne discussion.

Parfois, je me souviens qu’il ponctuait ces discussions en tapant sa canne à bout argenté contre le sol.

"Ils ne regardent pas les données !" disait-il sévèrement de ses collègues économistes qui ne voyaient pas ce qui paraissait évident pour lui. C’était au cours d’une visite mémorable dans son appartement en bord de mer à Cannes, en France.

En essayant de rester dans son état d’esprit… nous prenons le pouls de l’économie américaine dans nos chroniques. Cinq ans après qu’on nous a annoncé que la "reprise" était là. Pour ce faire, nous nous basons sur les données que Richebächer trouvait les plus utiles pour construire ses prévisions.

Nos efforts pour reprendre le flambeau à sa suite sont sérieux… mais les conclusions que nous tirons sont totalement les nôtres. A suivre…

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