▪ Il faut bien l’avouer, la hausse de 0,75% du CAC 40 jusque vers 4 050 points lundi aux alentours de 15h45 nous a laissé totalement incrédule.
Nous avons émis l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’une nouvelle tentative de manipulation des cours… A moins qu’il ne s’agisse d’un délit d’initié, ce qui ne vaut guère mieux pour nos lecteurs ou nos auditeurs — le degré d’agacement étant assez comparable.
Vu la rechute de 60 points du CAC 40 au cours des 90 dernières minutes, l’hypothèse de la manipulation semblait tenir la corde… et les haussiers se sont fait laminer, ce qui n’est pas arrivé souvent au cours des six derniers mois.
Nous n’avons pas réussi à identifier vers 15h30 celui qui a joué le rôle de la « main invisible » qui caresse Wall Street dans le sens du poil. Nous pouvons en revanche faire le pari que Richard Fisher (un des membres votants de la Fed) n’est pas exempt de responsabilité dans l’inversion de tendance qui s’est matérialisée à partir de 16h00.
▪ M. Fisher a déclaré qu’il serait favorable à une suspension anticipée du « QE2 » — il n’ira tout de même pas jusqu’à voter contre sa poursuite le 15 mars prochain. Il serait toutefois franchement opposé à la mise en place d’un « QE3 » sur lequel semblait encore plancher Ben Bernanke peu avant que J.-C. Trichet ne vienne sonner la fin de la récréation monétaire « non orthodoxe ».
Et si la Fed se voyait imposer un changement de politique qui tranche avec la fuite en avant des six derniers mois ? Une telle hypothèse apparaissait formellement exclue mi-février, lorsque le pétrole plafonnait encore sous les 85 $. Maintenant qu’il a pris 25 $ et que les prix à la pompe explosent, les charmes vénéneux du « QE2 » se transforment en vilain sortilège… et même en malédiction pour la Chine qui règle ses approvisionnements en dollars.
Wall Street affectait encore de se réjouir de la faiblesse du billet vert vendredi. Lundi, l’enthousiasme semblait un peu retombé puisque le S&P reculait de 1,1% dans le sillage des valeurs technologiques, avec un Nasdaq qui chutait de 2% à la mi-séance.
Anticipant peut-être une fin de journée difficile à Wall Street, le CAC 40 avait terminé au plus bas du jour, sous la barre des 4 000. Il affichait ainsi un repli de 0,74% à 3 990 points — alors que l’indice caracolait deux heures auparavant vers 4 049 points, feignant de s’accommoder d’un baril de WTI culminant aux alentours des 107 $ (soit +10% en une semaine).
▪ Assez paradoxalement, c’est le pullback du pétrole sous ses sommets du jour (le Brent revenant de 118 $ vers 115,5 $) qui semble avoir déclenché une consolidation des indices.
L’actualité du jour n’a apporté aucun élément de réconfort ; les nouvelles sont toujours aussi préoccupantes au sujet de la Libye où de violents affrontements opposent pro et anti-Kadhafi.
Le marché a semblé tour à tour s’inquiéter puis se désintéresser des incertitudes géopolitiques au Moyen-Orient ou du problème de l’endettement souverain de nombreux pays en Europe… Et n’oublions pas les avertissements de J.-C. Trichet concernant les pressions inflationnistes dans les pays émergents : il ne « lâche pas l’affaire » au sujet de la hausse des taux.
▪ Parallèlement, les braises de la crise des dettes souveraines viennent d’être rallumées par Moody’s. L’agence vient de dégrader de trois crans la note souveraine de la Grèce, passant de « Ba1 » à « B1 », assortie d’une perspective négative.
L’agence de notation craint notamment que l’aide apportée à la Grèce après 2013 ne soit conditionnée par des critères de solvabilité impossibles à remplir pour Athènes. Cela faute de recettes fiscales suffisantes, conduisant au mieux à un allongement de la maturité de dette, au pire à un défaut de paiement.
Les marchés ont également de sérieuses raisons de douter que les dirigeants européens réussiront à s’entendre pour apporter des solutions définitives aux problèmes des dettes souveraines européennes d’ici la date butoir de cette fin de mois de mars.
▪ Autre motif d’incrédulité, de dernière minute celui-là : une rumeur de proposition de « démission » de Mouammar Kadhafi adressée aux insurgés qui tiennent l’est du pays. Les spécialistes des marchés pétroliers ont à peine réagi en début de soirée, pour au moins deux bonnes raisons : d’abord, le dictateur libyen n’incarne aucune fonction dont il puisse démissionner — il porte simplement le titre de Guide de la Révolution. Ensuite, les finances de l’Etat libyen se confondent avec sa cassette personnelle et celle de sa famille ; son montant fait l’objet d’estimations qui tournent autour de 100 milliards de dollars.
Son retrait des affaires pourrait être assimilé à un départ avec la caisse… Sans négliger le fait qu’il s’effacerait probablement au profit de l’un de ses fils, comme il l’envisageait avant le début du soulèvement.
Sa proposition, si elle était formulée officiellement, serait fermement rejetée par l’ensemble des représentants des forces qui le combattent.
Voilà qui ajoute encore un peu à la confusion qui règne dans ce pays… Et pendant que Tripoli tente un nouveau coup de bluff médiatique via la chaîne Al-Jazira, les bombardements continuent et le prix des carburants bat déjà un nouveau record en Europe.