La Chronique Agora

Richard Bernstein, la relève de Jim Glassman

Depuis 48 heures, nous ne savons plus vraiment si ce sont les chroniqueurs de La Chronique Agora qui ont totalement perdu le sens des réalités… ou si ce sont les médias anglo-saxons et les sherpas de Wall Street qui ont fondu un plomb.

Le débordement des 14 165 points sur le Dow Jones semble avoir déclenché un flash dans le cerveau de nombreux opérateurs, comparable à celui que connaissent les héroïnomanes peu après un shoot bien dosé.

Le dealer s’appelle Ben Bernanke — il doit être particulièrement satisfait de l’efficacité de sa drogue monétaire et de la puissance de ses effets : Jim Glassman, l’homme qui avait prédit un Dow Jones à 36 000 points fin 1999 redevient un « grand inspirateur » pour nombre d’investisseurs.

Le Dow Jones (14 350 points jeudi soir) vient en effet de reprendre 120% depuis son plancher des 6 550 points du 9 mars 2009 — c’était il y quatre ans presque jour pour jour… Pourquoi n’en prendrait-il pas 120 de plus ? Cela le propulserait un peu au-dessus des 31 000 points !

Au rythme où grimpait Wall Street lorsque Glassman avait pronostiqué cet objectif de 36 000 (à quelques jours de l’an 2000), il ne faudrait que quelques semaines au Dow Jones pour avaler les 5 000 points manquants. +15%… une paille, une simple formalité — le Dow Transport vient de les engranger en moins de neuf semaines et demie.

▪ Richard Bernstein, la relève
Aujourd’hui, Jim Glassman est devenu une sorte de légende des temps modernes. Il suscite soudain des émules qui se mettent à revendiquer haut et fort le statut d' »hyperbull » (un permabull sous stéroïdes). Nous ne les connaissons pas tous, mais les médias anglo-saxons se sont chargés de les repérer pour nous… et ils nous livrent un nom qui se détache du lot : Richard Bernstein.

Ce n’est pas un inconnu, c’est un vieux briscard des marchés financiers qui a fait carrière comme chef stratégiste chez le défunt courtier Merrill Lynch.

Il établit toute une série de parallèles avec la situation chaotique que connaissaient les marchés financiers au lendemain du second choc pétrolier, qui avait envoyé la croissance et Wall Street au tapis pour le compte.

Tout comme nous avions établi hier une liste en 12 points des disparités majeures entre le tableau conjoncturel en octobre 2007 et mars 2013, Richard Bernstein a établi 10 concordances entre la fin de l’année 80 (juste après l’élection de Ronald Reagan) et le début de l’année 2013.

Si nous suivons ses mises en parallèle (nous allons vous en épargner le détail), c’est « presque tout pareil » aujourd’hui d’un point de vue boursier.

▪ A quelques détails près…
Nous nous permettons juste de mentionner quelques infimes différences qu’il a omis de préciser : l’inflation dépassait les 14% à l’époque aux Etats-Unis… et les taux longs flirtaient avec les 17% (un simple détail).

Le dollar commença à s’envoler en 1980 pour culminer en 1985 contre le franc suisse — il doublera de valeur, passant de 1,47 à 2,93 francs suisses. Actuellement, le billet vert ne vaut guère plus de 0,94 avec une dette américaine qui représente 100% du PIB contre 25% à l’époque.

Nous osons aussi rappeler que l’envol de Wall Street a coïncidé à l’époque avec un cycle de spectaculaire décrue des taux d’intérêts (de 17% vers 7%). A quoi il faut également rajouter un afflux massif de capitaux vers les Etats-Unis, drainés par les reaganomics.

Nous émettons le souhait que la Fed instaure un taux négatif (mettons -10% par exemple) mais nous ignorons si cela est possible.

En ce qui concerne l’inflation, nous ne savons pas non plus si une décrue des prix de 2% en moyenne par an durant cinq ans aurait un effet stimulant sur l’économie américaine… Les Japonais en tous cas semble tenir ce scénario pour une malédiction — mais bon, ils sont probablement superstitieux.

En ce qui concerne l’afflux de capitaux en 2013, nous partageons l’avis de M. Bernstein : aucun souci à se faire puisque les Etats-Unis sont de nouveau inondés de liquidités.

Comment cela, « ce n’est pas du vrai argent » ?

Mais on s’en fiche ! Vrai ou faux, il se dirige massivement vers Wall Street, qu’est-ce qu’il vous faut de plus ?… Quoi ? Une hausse des salaires plutôt que des actions ? Non mais vous rêvez pour de bon, là !

▪ Scepticisme et rebonds boursiers
M. Berstein n’hésite donc pas à postuler que les marchés actions sont à la veille du plus grand mouvement haussier depuis les années 80… Il ajoute même cet argument imparable : « les grands rebonds boursiers » naissent dans le scepticisme des investisseurs et l’incrédulité des épargnants.

Et nous y sommes en plein !

Les volumes d’échanges ridicules que nous observons chaque jour à Paris prouvent que les investisseurs sont en effet plus que sceptiques. Quant aux épargnants, ils n’y croient tellement pas qu’ils dénoncent de la « manipulation » pour les plus polis et de « sombres magouilles de casino truqué » pour les plus revêches.

Tiens, pendant que nous y sommes, un autre petit détail nous revient à l’esprit : la hausse des années 80 fut portée par l’afflux d’une multitude d’acheteurs provenant de tous les horizons (pays producteurs de pétrole, japonais, dictatures sud-américaines, etc.). Il y avait aussi la ruée des baby-boomers des années 60 (entrant sur le marché du travail) vers les actions, au travers de nouveaux plans d’épargne longue défiscalisés, généreusement abondés par les entreprises.

Avec Reagan, ce fut vraiment le grand retour en bourse de l’actionnariat populaire et des « non-résidents ».

Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un seul et unique acheteur : la Fed.

Cela facilite les choses, nous ne sommes plus à la merci de la « psychologie du marché » et de ses sautes d’humeur aussi irrationnelles qu’imprévisibles. Oui, désormais, la seule psychologie dont nous ayons à nous soucier, c’est celle de Ben Bernanke.

Et les marchés peuvent faire entièrement confiance à quelqu’un qui leur ressemble… puisque cet homme est fou ! Tout comme M. Bernstein et nombre de ses semblables — les hyperbulls –, les marchés semblent maintenant prêts à prendre des risques tout aussi… fous.

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