▪ Votre correspondante fait le pont — et des excuses à Jean-Jacques Rousseau, qui doit se retourner dans sa tombe de se voir aussi frivolement invoqué.
Mais le fait est que je suis allée marcher un peu sur les sentiers vosgiens jeudi, profitant de ma journée de liberté.
L’automne va bien aux montagnes : les vignes jaunies enluminent le piémont, tandis que les sapins sombres font un contraste sévère avec l’or et le sang des feuillus ; ajoutez à cela un ciel mi-gris mi-bleu laissant filtrer une lumière mouvante… et vous avez de quoi vous distraire des marchés qui vont mal, de l’économie qui boite et de l’euro qui bat de l’aile.
De temps en temps, il fait bon lever le nez de ses écrans et regarder un peu ce qui se passe autour… dans la « vraie vie ». Tout comme il fait bon oublier quelques instants les statistiques négatives et les incertitudes économiques — juste une heure ou deux, le temps de respirer l’odeur minérale de la brume qui monte.
Serait-ce là la principale leçon de la crise ?
Sans vouloir vous infliger les platitudes habituelles sur « le retour aux vraies valeurs » et le fait que « les meilleures choses de la vie sont gratuites »… il me semble qu’on constate une évolution — presque imperceptible, mais là quand même — de nos habitudes.
Je n’entends plus personne se vanter d’avoir acheté un smartphone dernier cri ultra-moderne avec appareil photo, caméra, Bluetooth, internet 4G et four micro-ondes — alors que le précédent achat de ce genre datait de seulement deux mois.
Désormais, on passe par eBay, le Bon Coin et autres sites de seconde main pour pas mal de choses. Economiser est à la mode ; payer moins cher, négocier, revendre… une véritable économie parallèle est en train de se développer — à l’abri des contrôles et des contraintes gouvernementales.
On « consomme local », on réduit le chauffage, on trie et on réutilise. L’écologie, pour une fois, pourrait sortir un peu gagnante de cette nouvelle tendance.
Et je vais sans doute vous paraître naïve, cher lecteur, mais il me semble qu’on se remet à accorder de l’attention aux choses qui font toute la saveur de l’existence, et qui avaient peut-être été un peu oubliées durant les années de bulle et de consommation aveugle : relire un bon livre qui vous tient éveillé jusqu’aux petites heures de la nuit… passer une soirée à bavarder entre amis… laisser ses pensées vagabonder en dégustant un bon thé (ou un café, comme vous préférez)…
… et descendre à petits pas vers les lumières de la vallée, en écoutant les murmures que fait naître le soir qui tombe sur la forêt.
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora