La Chronique Agora

Comment transformer des revenus en plus-value non-imposable

William Parry

▪ L’immobilier ? Entravé par une fiscalité écrasante et une règlementation prohibitive, le placement peinard de grand-papa a fait place, au fil des ans, à un champ de mines pour investisseurs chevronnés.

Douchés par les mauvais payeurs, pressés par le fisc, refroidis par les charges et travaux divers, de nombreux particuliers ont tout simplement renoncé à l’idée d’investir dans la pierre. Pourtant, l’immobilier demeure un placement rentable pour qui sait sortir des sentiers battus, et explorer, certaines voies juridiques. Une forme d’investissement méconnue et pourtant redoutablement efficace est la nue-propriété temporaire.

Le principe de la nue-propriété temporaire découle du démembrement de propriété, quotidiennement appliquée dans le cadre des donations familiales et du viager. Suivant les dispositions de l’article 544 du Code Civil, il est en effet possible de démembrer la propriété d’un bien immobilier en deux droits distincts et complémentaires : la nue-propriété d’une part, c’est-à-dire la détention des murs, et l’usufruit d’autre part, c’est-à-dire le droit d’occuper et de louer ces mêmes murs.

Comme son nom l’indique, investir en nue-propriété temporaire consiste à acquérir la nue-propriété d’un bien immobilier pour une durée contractuelle, à l’issue de laquelle vous récupérez la propriété pleine et entière. Pendant la période du démembrement, en tant que nu-propriétaire vous renoncez à votre faculté de louer le bien et d’en tirer un revenu ; en compensation de quoi, vous allez acheter moins cher. De combien ? Simple : la décote est égale à la valeur actualisée des loyers futurs non-perçus. Avec cette formule, vous transformez un rendement locatif en une plus-value latente et vous contournez ainsi les deux désagréments majeurs de l’investissement immobilier que sont le risque locatif d’une part, et la fiscalité des revenus fonciers d’autre part.

Certes, me direz-vous, mais quel intérêt si vous devenez redevable d’un impôt sur la plus-value, en lieu et place d’un impôt sur le revenu ? Ne s’agit-il pas en définitive d’un simple tour de passe-passe sans réelle efficacité fiscale? Non, car si le gain réalisé par le nu-propriétaire à l’issue du démembrement ressemble effectivement à s’y méprendre à une plus-value foncière, ce gain relève du point de vue juridique et fiscal d’une extinction d’usufruit, et à ce titre n’est pas imposable.

▪ Prenons un exemple
En 2014, vous achetez pour une durée de 15 ans la nue-propriété d’un appartement d’une valeur de 300 000 euros. Au regard du loyer moyen pour un bien comparable sur le secteur, la décote sur votre prix d’achat est de 40%, et l’acquisition de la nue-propriété se fait donc pour un montant de 180 000 euros. En 2029, à l’issu du démembrement, vous récupérez la pleine propriété de votre bien, alors valorisé 400 000 euros. Vous pouvez à votre guise décider de l’habiter, de le louer et d’en percevoir les loyers, ou bien de le revendre. Si vous décidez de revendre, votre plus-value sera alors de 220 000 euros (soit 122%).

Mais sur ces 220 000 euros, seuls 100 000 euros correspondent à de la plus-value foncière réelle et donc taxable. Le reste procède de l’extinction de l’usufruit et se retrouve ainsi exonéré d’impôt. Sur la base du barème de taxation des plus-values immobilières actuellement en vigueur en France, vous serez alors redevable d’un impôt de 22 000 euros, prélèvement sociaux compris. Ainsi au terme des 15 ans, votre gain net serait de 198 000 euros (400 000 – 180 000 – 22 000). Cela vous fait soit un taux de rendement interne de 5% par an net d’impôts, et ce sans avoir supporté le moindre risque locatif.

▪ Intéressant, dites-vous ? Ce n’est pas tout !
Non contente de dédouaner son détenteur de toute contrainte locative et de protéger sa plus-value de toute prédation fiscale, la nue-propriété bénéfice également d’un régime spécifique vis-à-vis de l’ISF. En effet, suivant les dispositions de l’article 885 du Code général des impôts, il revient à l’usufruitier, et à lui seul, de déclarer dans son patrimoine la valeur pleine et entière du bien démembré. Le nu-propriétaire en est de fait totalement exonéré.

Une nue-propriété peut être achetée à crédit et, comme pour n’importe quel investissement locatif, les intérêts de votre emprunt sont alors intégralement déductibles pour peu que le logement sur lequel porte le démembrement soit loué. Par définition, une nue-propriété ne produisant aucun revenu propre, les intérêts de cet emprunt sont donc intégralement reportables sur vos revenus de même nature. Ainsi, si vous percevez déjà des revenus locatifs, en recourant à l’emprunt vous pourrez diminuer l’assiette de vos revenus imposables.
[NDLR : Comment évaluer correctement votre bien immobilier — et éviter ainsi de payer trop d’impôts ? Toutes les réponses sont par ici…]

▪ Nue-propriété temporaire contre viager : quelle différence ?
A première vue, cet investissement en nue-propriété temporaire ressemble à s’y méprendre au viager, me direz-vous. Si ce n’est la durée de démembrement, connue et contractuelle dans un cas, inconnue et contingente dans l’autre, le principe semble, dans les faits, rigoureusement similaire.

En réalité, il existe trois différences majeures entre le viager et la nue-propriété temporaire. La première et la plus évidente concerne, en effet, la durée du démembrement. La seconde, elle, est relative au marché et au type d’intervenants. La troisième, enfin, relève d’une fiscalité spéciale.

Le temps est une variable cruciale pour la rentabilité d’un investissement. Plus vous mettez de temps à réaliser une plus-value, plus la rentabilité de votre investissement est faible. Il est impossible d’anticiper la rentabilité d’un viager, puisqu’elle dépend de la durée de vie de l’usufruitier. L’avantage du démembrement temporaire est donc d’éliminer cette incertitude, en précisant dès l’origine le montant de la décote et la durée du démembrement. Vous pourrez anticiper la rentabilité de votre placement et prendre votre décision sur des critères bien plus rationnels que dans le cadre du viager.

Le mode de calcul de la décote consentie au nu-propriétaire est également transparent. Dans le cadre d’un viager, la décote est calculée d’après l’âge de l’usufruitier, selon une grille officielle fixée par le fisc français, qui ne prend en compte aucun aspect du bien immobilier.

Dans le cadre d’un démembrement temporaire en revanche, la décote appliquée est calculée comme la somme des revenus locatifs estimés que le nu-propriétaire abandonne à l’usufruitier sur la durée du démembrement, corrigés d’un facteur d’actualisation. En d’autres termes, la nue-propriété temporaire est valorisée dans les mêmes conditions que n’importe quel actif financier, suivant la méthode dite des discounted cash flows, et reconnait ainsi l’immobilier pour ce qu’il est — à savoir un actif de rente et non un support spéculatif.

▪ Le marché de la nue-propriété temporaire
A l’instar du viager, le marché de la nue-propriété temporaire se fait en fonction de la nature et des besoins des usufruitiers. Dans le cas du viager, les usufruitiers sont généralement des personnes âgées recherchant des revenus complémentaires de retraite tout en préservant l’usage de leur résidence principale jusqu’à leur mort. La valeur de la nue-propriété est définie d’après l’espérance de vie des usufruitiers et le paiement s’effectue en deux temps : par le versement d’une somme initiale, appelée "bouquet", puis par le paiement d’une rente complémentaire durant toute la durée de vie des usufruitiers.

A contrario, le marché de la nue-propriété temporaire s’est historiquement développé autour des besoins de bailleurs institutionnels (Etat, collectivités, bailleurs sociaux) qui, désireux de trouver des solutions moins onéreuses pour répondre à leurs engagements locatifs vis-à-vis de certaines catégories de la population, privilégient de plus en plus l’achat d’usufruits temporaires, c’est-à-dire de droit d’occupation temporaire, en lieu et place des projets immobiliers coûteux et contraignants. Ces usufruits sont généralement achetés pour une durée de 15 à 20 ans, au-delà desquels le bail prend fin et les logements rendus à leurs propriétaires (d’où un besoin récurrent d’opérations de ce type).

Projetant à l’avance leurs besoins dans différentes villes, ces bailleurs institutionnels achètent des usufruits au sein de programmes neufs ou en cours de construction. Des sociétés spécialisées s’occupent de revendre en parallèle la nue-propriété de ces logements à des particuliers intéressés par un investissement leur offrant une décote de 40% à 60% sur le prix d’achat du logement, en contrepartie d’un usage différé dans le temps.

Au-delà de l’avantage de la suppression de l’aléa du viager, les avantages de ce marché portent également sur les garanties qu’offrent des usufruitiers institutionnels comparées à des particuliers, notamment concernant l’entretien des biens. Ainsi, dans le cadre des démembrements temporaires, l’usufruitier a la charge de "conserver la substance" du bien objet du démembrement (Code civil, art. 578). Dans l’acte authentique (ou ses annexes) signé chez le notaire, les bailleurs s’engagent donc à respecter un cahier des charges très précis, visant à remettre en état les parties communes et les parties privatives au cours de la dernière année du démembrement.

Par ailleurs, la majorité des programmes renforcent cette obligation en y ajoutant celle de procéder aux grosses réparations. Il s’agit là d’un point particulièrement important, car la loi prévoit d’ordinaire que les gros travaux restent à la charge du nu-propriétaire (Article 606 du Code civil).

En achetant en nue-propriété temporaire vous avez donc une garantie de récupérer à terme un logement remis à neuf, tant au niveau de ses parties communes que de ses parties privatives. En outre, par la délégation des travaux d’entretien et de réparation, votre optimisation fiscale se double d’une absence totale de charges pendant toute la durée du démembrement.

Sur le plan fiscal enfin, notez qu’à l’inverse d’un viager, dont l’usufruitier occupe le plus souvent les murs, un bailleur loue par définition le bien. Comme vu précédemment, en cas de financement à crédit, l’investisseur nu-propriétaire est autorisé à reporter les intérêts d’emprunt sur ses revenus locatifs annexes, ce qui n’est pas le cas pour un viager.

▪ Décote + optimisation fiscale + emplacements de choix = cocktail gagnant
L’attrait essentiel de l’investissement en nue nue-propriété temporaire réside dans la décote offerte pour l’achat d’un bien immobilier, moyennant une récupération de la pleine propriété à terme. Cette opération transforme des revenus en plus-value dont une grande partie sera non imposable ; vous êtres délesté de toute contrainte locative, vous vous porterez acquéreur d’immobilier dans des zones recherchées, dont l’acquisition en valeur pleine serait difficile en raison d’un foncier parfois élevé.

Cette particularité est un gage de pérennité de l’investissement car souvenez-vous que dans l’immobilier, les fondamentaux intangibles demeurent la qualité de l’emplacement et du bien. Vous investirez ainsi dans des secteurs à forte demande sans nécessairement sacrifier la rentabilité de votre investissement. Par ailleurs, si vous visez une reprise à titre personnel à terme, l’achat en démembrement temporaire est un moyen idéal de vous offrir le luxe de grandes surfaces au sein de villes où le foncier est particulièrement cher.

William Parry
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