La Chronique Agora

Le retour de la constante de l’or

En temps qu’actif refuge pour faire face à l’inflation, l’or a été mésestimé tant que l’inflation était faible. Mais avec le retour de celle-ci, le métal précieux devient l’une des rares monnaies qui ne perd pas constamment de sa valeur.

Il fut un temps où c’était une doctrine : quand l’inflation augmente, le cours de l’or augmente également.

Des générations l’ont compris, et l’or ne s’est jamais départi de son statut d’actif refuge.

Au bout de 40 ans d’inflation relativement faible, il est peut-être devenu démodé, mais les fondamentaux qui en font une valeur refuge depuis des milliers d’années n’ont pas disparu.

Autrefois, on suivait les chiffres de l’inflation pour ajuster son portefeuille de placements en fonction des nouvelles perspectives en achetant de l’or et des actions minières.

Aujourd’hui, il est peut-être prudent d’inverser les choses : suivez les cours de l’or et vous en apprendrez énormément sur l’avenir de l’inflation.

L’or s’est réveillé : il a atteint 1 800 $. Les achats des banques centrales, la demande des consommateurs, la réorientation des portefeuilles chez les détenteurs de comptes individuels, sont autant d’éléments qui jouent un rôle. La conviction que l’inflation est néfaste et qu’elle s’aggrave joue également un rôle.

La réputation de la monnaie fiduciaire, et son pronostic, n’ont jamais eu aussi mauvais, de notre vivant.

Dans le même temps, la meilleure façon de comprendre l’essor d’une couverture contre l’inflation consiste à l’observer en termes réels, c’est-à-dire corrigée de la façon dont le dollar s’est déprécié, lui-même. Là, on obtient un tableau différent.

En termes réels, selon le dollar actuel, le cours de l’or était de 489 $ en octobre 1979, et dès la fin de l’année, en dollars actuels corrigés, l’or avait atteint 1 800 $.

Cela correspond à son cours actuel. Autrement dit, en termes réels et en fonction de la façon dont on calcule l’inflation aujourd’hui, nous nous approchons d’un plus haut, ou bien nous y sommes.

Pour certaines personnes, c’est quelque chose d’inévitable. Si l’or a été qualifié de « constante », c’est qu’il y a une raison.

Une couverture contre le chaos

L’or est une couverture. Ce n’est pas un moyen de réaliser des profits en soi, mais plutôt de se protéger contre le chaos du monde. Cela signifie quelque chose d’important. C’est une démarche avisée, mais pas forcément un moyen d’accumuler des richesses, sauf si – et dans la mesure où – on est réellement exposé à une hyperinflation incontrôlable.

Pour d’autres personnes, l’activité actuelle de l’or pourrait être un peu étonnante. A notre époque, l’or n’a été sérieusement concurrencé que par l’avènement des cryptomonnaies. Certaines ont toutes les caractéristiques de l’or. Elles peuvent être rares, indestructibles, fongibles, et toute leurs unités possibles sont de même qualité.

Le Bitcoin, ainsi que d’autres, ont deux caractéristiques de plus qui rendent ces cryptomonnaies encore plus attractives : elles ne pèsent rien et sont transférables instantanément pour un coût minime (par rapport au coût de transport d’un lingot d’or de 1 kg, par exemple, qui a cette année plusieurs fois affiché le même prix qu’un bitcoin) d’un endroit à un autre.

Les cryptomonnaies présentent toutefois un inconvénient.

Pour les utiliser, il faut accéder à internet dans des conditions générales. Si votre ordinateur s’éteint parce qu’il n’y a pas d’électricité, pas de chance. Si le gouvernement coupe l’accès à internet ou aux réseaux mobiles, pas de chance, là encore. Tout cela est vrai, mais les gens font plusieurs confusions, à cet égard.

Le mythe et les faits

Premièrement, il est possible d’avoir des Bitcoin physiques. Vous pouvez imprimer votre portefeuille de cryptomonnaies sur une feuille de papier. Vous la conservez et vous pouvez vous en servir, même s’il s’écoule des années sans accès à internet. Beaucoup de ceux qui en détiennent une grande quantité le font et conservent le document dans un coffre-fort. Ainsi, il n’est pas possible d’y accéder en se connectant simplement au portefeuille en ligne dans lequel est stockée votre clé cryptée.

Deuxièmement, même si vous n’y avez pas accès pendant très longtemps (disons que vous êtes naufragé sur une île déserte), cela ne change rien à votre statut de propriétaire. Si vos achats sont stockés quelque part (ou, de manière plus plausible, mémorisés) vous pouvez recréer votre accès en entrant simplement ce code à un certain moment : demain, l’an prochain ou dans cent ans. Votre monnaie sera toujours là.

Troisièmement, si vous mourez, votre statut de propriétaire n’est même pas remis en question puisque rien de tout cela n’est lié à votre identité personnelle en tant que telle. Votre accès est contrôlé par celui ou celle, quels qu’ils soient, qui a accès à votre clé privée.

Par conséquent, vous pouvez stocker vos codes sur un e-mail ou un programme, quelque part, ou sur papier, et indiquer dans un testament, ou autrement, les instructions permettant d’y accéder. Et celui qui y accèdera sera ensuite le propriétaire des cryptomonnaies que vous déteniez.

Voilà pourquoi il n’est pas vraiment possible d’intenter un procès contre quelqu’un qui « vole » vos Bitcoin. Dans un certain sens, ils sont en libre-service. Toute personne qui pirate votre portefeuille, ou à qui vous envoyez des jetons volontairement ou par erreur, en devient le propriétaire.

C’est la « loi » des cryptomonnaies.

Voilà pourquoi il est extrêmement crucial d’appliquer des protocoles de sécurité très stricts. Ce problème n’est pas réservé qu’aux cryptomonnaies. Il se pose également pour l’or.

La sécurité

Lorsque Franklin D. Roosevelt a exigé que tous les citoyens américains restituent leur or, en 1933, seule une partie de la population s’est pliée à cette exigence.

Les autres – je pense notamment à des familles très fortunées résidant à l’époque dans le Nord-Est, ou dans l’Ouest du pays – ont dû trouver un moyen de dissimuler leur or dans le jardin, ou trouver des tiers de confiance capables de le dissimuler pendant des dizaines d’années, jusqu’à ce qu’il redevienne légal.

C’était possible, mais il fallait que cela reste ultra secret. Certains domaines situés dans des endroits reculés, dans tout le pays, se sont transformés en chambres fortes permettant de stocker de l’or.

Le secret a été conservé tout au long de la Grande Dépression, de la Seconde Guerre mondiale et jusqu’en 1974, année où la détention d’or est redevenue légale. Ensuite, les descendants ont récupéré ce que les ancêtres avaient laissé derrière eux.

Le Bitcoin et l’or posent donc tous les deux un problème de sécurité, et il revient aux gens de le résoudre.

La grande question

Ces 13 dernières années, les gens se sont posé la question de savoir si – et dans quelle mesure – des cryptomonnaie remplaçaient l’or, en tant que valeur refuge privilégiée. J’ai assisté à des débats animés, à ce propos. J’ai toujours pensé qu’ils étaient idiots. Dans beaucoup de cas, ces deux actifs ont le même but.

D’un point de vue du marché, l’or sera plus stable, alors que les cryptomonnaies d’investissement n’en sont qu’aux premiers stades de la découverte des prix/de la valeur. Elles ont encore une forte marge de progression. Elles finiront par s’installer dans une sorte de range (fourchette), et par réagir aux tendances inflationnistes de manière assez semblable à l’or. Voilà pourquoi elles attirent la spéculation, ce qui n’est pas le cas de l’or.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il n’est pas nécessaire de choisir entre les deux.

Ces deux actifs sont meilleurs que le dollar, en ce moment. Ou, du moins, ils se comportent assez bien pour suggérer qu’un ajustement de portefeuille s’impose, vu les tendances existantes. Ils vont bien ensemble. Il n’y a aucune raison qu’une guerre se livre entre l’or et le Bitcoin, ou entre le Bitcoin et toute autre cryptomonnaie.

Ce qui semble de plus en plus certain, c’est que le dollar, et d’autres monnaies fiduciaires, s’exposent à des temps extrêmement difficiles. Reste à savoir si l’alternative est l’immobilier, les devises dures ou les crypto-actifs, ou même le pétrole et d’autres matières premières.

On ne peut plus douter du fait que la valeur du dollar est gravement menacée.

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