L’immobilier locatif facile… Tel est l’argument des professionnels des résidences de tourisme pour inciter les particuliers à leur confier leur argent. Hélas, la crise a eu vite fait de montrer que ce placement apportait, au contraire, son lot de soucis.
Les résidences de tourisme appartiennent à la catégorie des résidences services. Ces dernières s’adressent à une clientèle spécifique (étudiants, seniors, touristes, personnes âgées dépendantes, etc.) qui loue un logement doté de services para-hôteliers (accueil, ménage, conciergerie, restauration, etc.).
Quelle que soit leur cible, toutes les résidences services fonctionnent sur le même principe. A l’origine du projet, il y a un promoteur immobilier qui a conçu et construit (ou rénové) l’immeuble, puis a vendu les appartements aux premiers investisseurs. Ces derniers deviennent alors les propriétaires des appartements.
On trouve ensuite un gestionnaire qui loue les biens aux propriétaires pour ensuite les relouer aux clients auxquels il délivre les services promis. Dernier acteur : le client qui loue donc l’appartement au gestionnaire.
La résidence services est donc un ménage à trois : propriétaire, gestionnaire, locataire – le promoteur disparaissant une fois l’immeuble construit (sauf s’il est aussi le gestionnaire).
On voit bien alors que le pivot du dispositif est le gestionnaire de la résidence services. Ses démarches commerciales pour attirer les locataires et la qualité des services qu’il leur rendra feront, en grande partie, le succès de l’opération.
Penchons-nous maintenant sur le cas particulier des résidences de tourisme.
Plus de 3,5 Mds€ de chiffre d’affaires
Selon le syndicat de la profession (SNRT), le secteur réalise un chiffre d’affaires de 3,6 Mds€ et génère 38 000 emplois directs et indirects.
Aujourd’hui, il existe 2 200 résidences de tourisme en France, soit 178 000 appartements ou encore 713 000 lits, ce qui représente 26% de l’offre d’hébergement touristique professionnel « en dur ».
Les résidences de tourisme attirent 19 millions de clients par an (dont 23% d’étrangers). Ceux-ci, en effet, apprécient tout particulièrement ce type d’hébergement puisque, outre les services mentionnés plus haut, les résidences de tourisme offrent parfois des équipements – aires de jeux pour enfants, piscines, bars, salles de sport, espaces bien-être (spa, jacuzzi…), etc. – et des prestations – animations culturelles, clubs enfants, location de matériel (skis, vélos…), baby-sitting, stages sportifs, etc. – qui rendent le séjour particulièrement agréable.
Si 35% des résidences de tourisme se trouvent à la mer et 30% à la montagne, n’oublions pas que 25% d’entre elles se trouvent en ville (les appart’hôtels) et attirent aussi une clientèle de touristes d’affaires.
Des avantages multiples pour les investisseurs
Aujourd’hui le dispositif Censi-Bouvard n’est plus applicable aux résidences de tourisme (mais le reste pour d’autres types de résidences services), néanmoins ces dernières bénéficient encore d’avantages fiscaux qui ont, en grande partie, fait leur succès auprès des investisseurs.
En effet, les propriétaires bénéficient du régime LMNP (loueur en meublé non professionnel) qui permet de déduire les charges des revenus locatifs, y compris l’amortissement. Ils peuvent récupérer la TVA (20%) sur les biens achetés neufs s’ils sont conservés 20 ans minimum. Enfin, les revenus tirés de la location sont peu fiscalisés puisqu’ils bénéficient d’un abattement forfaire de 50%.
D’autres avantages rendent les résidences de tourisme attractives pour l’investisseur. Tout d’abord, l’absence de gestion locative au quotidien, qui est prise en charge par l’exploitant de la résidence. Le propriétaire peut profiter de semaines d’occupation du bien qui lui sont réservées (si cela a été prévu au moment de l’achat).
Enfin, et ce n’est le moindre, l’investisseur d’une résidence de tourisme bénéficie de revenus garantis par le gestionnaire, même si le bien n’est pas occupé. La rentabilité annoncée est souvent autour de 4% et 4,5% net par an.
En résumé, les résidences de tourisme n’offriraient que des avantages, tant pour les propriétaires que pour les locataires. Si la crise actuelle a bien évidemment tari la source des touristes, il est fort probable, une fois la liberté de voyager rétablie, que les clients retrouveront le chemin de ces locations dans lesquelles les services font toute la différence.
En sera-t-il de même des investisseurs ? On peut en douter.
La fragilité structurelle d’un système
Avec la pandémie, en effet, les résidences de tourisme ont montré leurs limites. Notamment, plusieurs gestionnaires ont cessé de verser aux propriétaires les revenus locatifs qui leur étaient pourtant assurés.
C’est le cas de Pierre & Vacances, de Belambra, d’Odalys ou encore du Groupe Lagrange. Certaines sociétés sont même au bord du gouffre, à l’instar d’Appart-City, leader des appart’hôtels, qui s’est placé en procédure de sauvegarde.
Cette situation place également les propriétaires en situation difficile. Pour certains, ces loyers sont indispensables au maintien de leur niveau de vie. Pour d’autres, les loyers sont censés permettre le remboursement de l’emprunt contracté pour acheter l’appartement. La revente du bien à un prix cassé pourrait être alors la seule solution pour les propriétaires en situation délicate.
Certes, on peut toujours tenter une action en justice pour faire valoir ses droits, mais la marge de manœuvre est étroite. Depuis la loi d’urgence sanitaire du 14 novembre 2020, les exploitants sont protégés, puisque la saisie du tribunal pour recouvrer les loyers impayés est presque impossible (à quelques exceptions près). Reste alors la conciliation : plusieurs sont en cours, notamment avec Pierre & Vacances et Appart’City.
Finalement, le propriétaire-bailleur se trouve être la variable d’ajustement dans cette histoire. Les représentants des propriétaires pensent que la pandémie est un prétexte utilisé par les gestionnaires pour imposer des conditions plus contraignantes aux propriétaires… qui se retrouvent pris au piège.
Du côté des gestionnaires, on souhaite ardemment une baisse des loyers et la mise en place de loyers variables en fonction du taux d’occupation des appartements. Bref, il s’agirait, ni plus ni moins, de remettre en cause le modèle qui a prévalu jusqu’à présent, et surtout de s’asseoir sur les contrats signés.
Si les difficultés actuelles sont dues à la pandémie et à ses restrictions de déplacement, il n’en reste pas moins que le modèle des résidences de tourisme présente aussi des difficultés structurelles.
En effet, les appartements sont très souvent vendus à un prix supérieur au marché, les promoteurs mettant en avant, pour cela, les avantages fiscaux et une rentabilité élevée. Cette dernière est cependant difficile à tenir, notamment parce qu’elle ne prend pas en compte le taux de remplissage réel de la résidence, ni le marché locatif touristique local.
Résultats ? A la fin de la première période de bail, le gestionnaire renégocie le loyer à la baisse (parfois jusqu’à 40%, et on a même vu plus de 80% !). Le propriétaire n’a généralement pas d’autre choix que d’accepter cette baisse, au risque de perdre l’avantage fiscal attaché à l’acquisition du bien. Deuxième effet : quand l’investisseur veut revendre son bien, il est surpris de constater que celui-ci est parfois inférieur au prix d’achat.
Avec la crise, les défauts structurels des résidences de tourisme ont été mis en exergue. Le modèle va-t-il se réinventer dans les mois et les années qui viennent ? Espérons-le.
En attendant, de nombreux propriétaires auront été grugés. Nous ne pouvons donc que conseiller une extrême prudence avant d’investir dans un tel bien.