▪ "Les rebelles ont attaqué notre camp. Nous avons dû nous enfuir. Les troupes gouvernementales censées nous protéger se sont enfuies elles aussi. ‘Musungu’, je les ai entendus crier. Un ‘musungu’ est une personne blanche. Ils voulaient nous capturer"…
Ces phrases ne viennent pas de l’imagination d’un romancier du début du 20ème siècle. Elles sont extraites d’un e-mail reçu hier de la part de notre plus jeune fils, qui a — ou plutôt avait — un job d’été dans un projet minier en Afrique.
Le monde est un endroit sûr et stable. Il doit l’être. Janet Yellen le dit. Le marché obligataire le dit. Le marché boursier le dit. Qui sommes-nous pour objecter ? De plus, si le monde n’était pas un endroit sûr, pourquoi quiconque irait prêter de l’argent au Sénégal pour un rendement inférieur à 6% ?
Pourtant, les anciens risques sont toujours là… accompagnés de quelques nouveaux.
La nature — et la vie en général — sont accompagnées de risques. Le mauvais temps. Les accidents. Les mauvaises décisions. Le risque politique. Le risque de marché. Le risque de crédit.
A ces risques naturels, les banques centrales ont ajouté des risques artificiels. Au nom de la stabilité, les planificateurs centraux ont ralenti la croissance jusqu’à ce qu’elle cale… et mis le système entier en danger.
Dans son ensemble, le système économique et financier de la planète Terre est généralement assez robuste |
Dans son ensemble, le système économique et financier de la planète Terre est généralement assez robuste. Oui, il y a quelques perdants. Des explosions. Des erreurs et des accidents. Mais ils se produisent un à la fois… et le système les absorbe… s’adapte… et avance. En revanche, lorsqu’on contrôle le prix de l’argent pendant trop longtemps… lorsqu’on prête trop d’argent et qu’on fait preuve de trop d’insouciance à ce sujet… la marge d’erreur rétrécit à mesure que la dette augmente.
Le danger n’est plus isolé et particulier. Il devient généralisé… et systémique. Tous les nantissements de la planète finissent par être survalorisés. Or sur ces nantissements — l’inflation des prix des actifs de toute sorte — repose toute la structure du capital. Jusqu’à ce qu’elle s’effondre.
▪ Pendant ce temps, en Afrique…
Le poisson a remplacé l’arachide en tête des exportations du Sénégal. Apparemment, cependant, les mers d’Afrique de l’ouest ne sont pas assez riches en poisson pour éviter que le pays ait recours à l’aide internationale. En tant que risque financier, le Sénégal est subprime.
Quelle preuve supplémentaire faudrait-il ? Le Sénégal compte sur la bonté des étrangers pour payer ses dépenses courantes. Les prêteurs doivent penser que la générosité desdits étrangers ne faiblira jamais. Et que l’économie mondiale — dont les mêmes étrangers tirent leurs propres revenus — ne vacillera jamais.
Dans la République Démocratique du Congo, toute proche, les risques sont plus physiques que capitalistiques |
Dans la République Démocratique du Congo, toute proche, les risques sont plus physiques que capitalistiques. Edward nous parle d’un projet minier au coeur de la jungle :
"Généralement, les rebelles ne nous causent pas de problèmes. Nous extrayons de l’étain. Ils ne s’en soucient pas vraiment. C’est du moins ce qu’on me dit. Partout où l’on va, on a un garde armé. Mais on ne s’attendait pas à des ennuis".
"De toute façon, nous avions l’hélicoptère. Si les choses tournaient mal, nous étions censés simplement nous envoler".
"Sauf qu’ils ont attaqué le camp hier. Tout le monde a commencé à courir. Je ne pouvais pas atteindre mon passeport ou mes bagages ou quoi que ce soit. J’ai juste pris mon ordinateur portable parce qu’il se trouvait à portée de main".
"Impossible de prendre l’hélicoptère, parce qu’ils tiraient dessus. Nous avons donc couru jusqu’au village. Ils nous connaissent, là-bas. Certains de nos ouvriers viennent de là. Et j’y étais il y a peu de temps, pour une fête".
"J’étais avec [le contremaître de la mine]. Nous pensions être en sécurité dans le village — tout le monde avait été si gentil il n’y a même pas une semaine. Puis les rebelles ont attaqué le village et tout le monde s’est remis à courir".
"Nous nous sommes enfuis dans le bush et nous nous y sommes cachés jusqu’à trois heures du matin. Ensuite nous sommes allés jusqu’au prochain village, et de là nous avons pu rejoindre Bukavu".
"Je n’ai plus de travail. Ni de passeport. Ni d’argent".
Edward est en chemin pour Kinshasa, où l’ambassade américaine a promis de lui donner un passeport temporaire. De là il s’envolera pour Paris, où son père a hâte de le retrouver et d’entendre le reste de l’histoire.