La Chronique Agora

Quand la redistribution mène à la crise

De l’Argentine aux Etats-Unis, la quête de redistribution des richesses a souvent abouti à l’impasse économique et politique.

Juan Hipolito del Sagrado Corazon de Jesus Yrigoyen.

Avec un nom pareil, il était destiné à posséder une carte de visite sophistiquée. Et au début du XXe siècle, il est devenu président de la république argentine. Mais, tout comme Franklin Delano Roosevelt ou Donald John Trump, il n’a pas créé la marée qui l’a rendu célèbre. Il a simplement nagé dedans.

Comme nous l’avons vu, les grands événements ne sont pas simplement des réactions aléatoires à l’actualité et ne se produisent pas au jour le jour. Ils sont plutôt le fruit de courants profonds et invisibles. Comme de vieilles bottes emportées au fond de mers silencieuses, ils finissent par s’échouer sur un rivage lointain.

Nous avons également constaté que le problème de l’Etat-providence et de la guerre démocratique est que, plus il obtient de ressources, plus il a de pouvoir, plus ses élites dirigeantes deviennent corrompues et parasitaires, et plus il est difficile de le contrôler.

Chaque nouveau programme, chaque nouveau dollar dépensé augmente le nombre de personnes qui veulent s’assurer que les dépenses seront maintenues. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que quelque chose de grave se produise… soit quelque chose d’inattendu (comme la peste), soit quelque chose de tout à fait prévisible, comme la faillite.

Nous avons vu dans notre article hier ce qui s’est passé en Argentine.

Après une course folle et merveilleuse à la fin du XIXe siècle, avec une tendance politique primaire ouverte sur les marchés libres et la prospérité, l’Argentine était devenue l’un des pays les plus riches de la planète. Puis, à l’instar des Etats-Unis et des nations européennes, elle est tombée sous l’influence d’une nouvelle tendance, plus intéressée par la redistribution des richesses que par leur création.

En Angleterre, David Lloyd George est arrivé au pouvoir. En France, c’est Léon Blum. Franklin D. Roosevelt aux Etats-Unis. Mussolini en Italie. Tous partageaient la même idée de base : transférer la richesse de ceux qui l’avaient gagnée vers ceux qui ne l’avaient pas gagnée.

Cette nouvelle tendance politique primaire s’est exprimée de différentes manières. L’Allemagne, le Japon et l’Italie ont misé sur la guerre pour s’approprier les ressources précieuses de leurs voisins. Les autres s’en sont tenus au vol. L’Argentine, sous la direction d’Yrigoyen, était l’un des pays les plus effrontés.

Mais comme l’a fait remarquer Maggie Thatcher, l’argent des autres s’épuise. Il y a un an, Javier Milei a mis tout le monde d’accord. « Il n’y a plus d’argent », a-t-il déclaré aux électeurs. Le taux d’inflation avait atteint 3 700%. De mauvaises choses se produisaient. Le chaos et la catastrophe, à l’instar du Venezuela, étaient à portée de main. Et lors des élections de l’année dernière, ce que Milei appelait la « casta politica » était heureuse de voir quelqu’un se débarrasser du problème (et être blâmé pour ce qui se passerait ensuite).

Tôt ou tard, nous supposons que les Etats-Unis devront faire de même. Ils seront à court d’argent et ne pourront plus continuer dans cette voie. Mais pas avant d’avoir épuisé tout leur arsenal de trucs et astuces, de bêtises… et leur crédit.

Son dollar est toujours considéré comme une monnaie « forte ». Il perçoit encore plus de 4 000 milliards de dollars de recettes fiscales, qu’il peut utiliser pour payer les élites et apaiser les électeurs. Le pays dispose de nombreux riches qui pourraient être dépouillés de leur argent, et de beaucoup de « gras » qui pourraient être facilement réduit dans ses budgets. Il n’est pas désespéré ; la « mauvaise chose » ne s’est pas encore produite.

C’est pourquoi nous pensons que les Etats-Unis sont toujours sur la pente descendante de la tendance politique principale… toujours tournés vers plus de gouvernement, plus de dette, plus d’inflation et plus de guerre.

L’Italie, l’Allemagne et le Japon ont connu le même sort lors de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont été convaincus, par le « bombardier » Harris et l’Enola Gay, d’abandonner leurs entreprises d’Etat de guerre.

Après la Corée, Dwight Eisenhower a estimé que l’armée américaine devait également se retirer. Il réduit le budget de la défense de près de 30% et, lorsque la Grande-Bretagne et la France l’ont invité à participer à l’attaque du canal de Suez, en 1956, il a refusé.

Eisenhower s’est retiré en 1961 en mettant en garde la nation contre « l’influence injustifiée » du « complexe militaro-industriel ». Mais celui-ci avait déjà une telle influence qu’il a rapidement repris du poil de la bête. Dean Acheson, secrétaire d’Etat à la fin des années 1940 et au début des années 1950, a insisté sur l’idée nouvelle que les Etats-Unis étaient engagés dans une guerre froide… et qu’ils devaient être pleinement armés et prêts.

L’establishment américain de la puissance de feu a également découvert que l’Europe, correctement encouragée, sous-traiterait sa défense au Pentagone, augmentant ainsi la part de marché de ce dernier. Débarrassés du fardeau de la défense, les gouvernements européens sont devenus des Etats-providence, c’est-à-dire de gigantesques programmes d’assurance obligatoire.

Les Etats-Unis, quant à eux, ont pu favoriser leur industrie de la puissance de feu, devenant ainsi un Etat guerrier. Dès les années 1960, Lyndon Johnson et Hubert Humphrey affirmaient que les Etats-Unis pouvaient être les deux à la fois, avec des armes et du beurre pour tout le monde.

Mais en 2024, les électeurs français, allemands et américains se sont retournés contre leurs cliques dirigeantes… et tous les grands gouvernements du monde semblent se diriger vers une crise de la dette. Une « mauvaise chose » se profile-t-elle à l’horizon pour eux aussi ?

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