On enchaîne les records de dette alors même que la croissance ne cesse de ralentir. Mais au bout du compte, il y a des individus — et le surendettement conduit toujours à l’esclavage.
Le FMI et l’IIF évaluent respectivement la dette globale mondiale à 184 000 Mds$ (estimation à fin 2017) et 244 000 Mds $ (estimation à l’issue du troisième trimestre 2018).
2018 nous a donné un premier aperçu des risques qu’implique une dette libellée en devise étrangère. Le stock de dette émis en dollars par des agents non-américains reste très élevé.
Dette libellée en devise : nouveau record à 18% du PIB mondial
Dans la dernière mise à jour de son Global Debt Monitor, l’IIF relève que les emprunteurs non bancaires ont à tel point recouru à la dette libellée en devises que l’on a atteint « un record de plusieurs années », à 18% du PIB. La dette libellée en euros reste assez marginale, la majorité est libellée en dollars.
Emissions de dette en devises au sein des économies émergentes
Les « engagements en devises des banques non-américaines s’élèvent à 13 300 Mds$ (21% du PIB mondial) », ce qui pose un problème à ces émetteurs. Trouveront-ils suffisamment de dollars pour rembourser ?
Les banques non-américaines ont connu une croissance rapide de leurs engagements en dollars US
Même topo au sujet des institutions non-bancaires. Depuis 2009, les pays émergents sont en pointe de ce phénomène, en particulier la Chine, le Brésil, l’Inde et la Russie.
Obligations émises en dollars US par les institutions non-bancaires au sein des économies émergentes
Et voici le détail pour le marché de la dette publique au sein des pays émergents :
Répartition de la dette publique des marchés émergents entre devise locale dollars US et euros (juin 2018)
Quand la Fed reste sourde face aux supplications des banquiers centraux des pays émergents
Au printemps 2018, certains banquiers centraux des pays émergents ont d’ailleurs eu droit à une première piqure de rappel des conséquences du jeu dangereux qu’ils mènent à la tête de leurs institutions respectives.
7 juin 2018 : « Le dollar est roi »
L’Indonésie se joint à l’Inde pour supplier la Fed de cesser de réduire son bilan
18 juin 2018 : la banque centrale brésilienne fait un aveu frappant : Les interventions sur les devises ne sont pas « soutenables »
On aurait cependant tort d’imaginer que seuls les pays émergents sont concernés par ce phénomène. C’est également largement le cas des institutions non-bancaires des économies développées.
Dette libellée en devises des emprunteurs non-bancaires
Concernant la Chine, sa dette émise en dollars, après avoir diminué entre 1998 et 2008, a sérieusement progressé à partir de 2015. Cela n’est d’ailleurs pas son unique problème.
Chine : nouveau record de dette à la hausse, nouveau record de croissance à la baisse
Sur les trois premiers trimestres de 2018, l’Empire du Milieu, qui est tout de même la deuxième économie mondiale, a est devenu un « maillon faible » de la chaîne de la dette.
Ratio dette globale/PIB en Chine, par type d’agent économique
Ce graphique de Bloomberg publié fin juillet 2018 fait apparaître le niveau extravagant du PIB chinois alloué au seul paiement des intérêts de la dette (axe de droite).
Pendant que la dette chinoise atteint des plus hauts, voici comment se comporte la croissance du pays :
La France en voie de japonisation
L’IFF ne propose pas de graphique similaire pour la France, mais voici une illustration de Moody’s en date de début septembre qui permet d’avoir un aperçu similaire. Nous partageons le podium de la dette des pays développés en très bonne compagnie, aux côtés du Japon et du Canada.
Ratio dette globale/PIB par type d’agent économique (sélection de pays)
Pour les dettes publiques, je vous propose cette carte réalisée fin novembre à l’occasion du sommet du G20 à Buenos Aires.
La France poursuit d’ailleurs sa course dans ce domaine puisqu’à en croire les derniers chiffres officiels, la dette publique se montait à 99,3% du PIB à l’issue du troisième trimestre 2018 (2322 Mds€).
Nous ne sommes cependant pas encore dans le top 5 des plus gros marchés de la dette publique, comme en témoigne ce graphique publié au mois de juin par Bank of America, l’Italie nous damant le pion.
Notre pays s’est illustré en 2018 par deux hauts faits, comme le relève l’IIF :
- Augmentation de la dette des ménages parmi les plus importantes des économies avancées depuis 2016 ;
- Hausse des engagements des banques françaises en dollars US parmi les plus importantes depuis 2015.
A notre modeste mesure, nous continuons donc d’apporter notre semi-remorque de pierres à la pyramide mondiale de dette.
Concluons avec ce graphique vertigineux qui fait apparaître le recours systématique à l’endettement de l’ensemble des agents économiques au fil des 50 dernières années.
Niveau de levier total du système (gouvernements, entreprises, ménages, marchés financiers et banques)
Cette dette sert à doper les chiffres d’affaires, les bénéfices, les prix des actions, les prix des obligations, l’immobilier…
Cette « folie collective » aboutira « à des situations inhumaines », pour reprendre les mots de Simone Wapler. L’actualité récente montre que c’est d’ailleurs déjà très largement le cas.
Chine : les millenials nantissent leurs prêts [NDLR : non-bancaires] avec des photos de nus
C’est la forme moderne de l’esclavage par la dette qui conduit à gager son corps, comme dans l’Antiquité.