La Chronique Agora

Récession ou non ?

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Appelez ce phénomène comme vous voulez, mais s’il ressemble à un canard, se dandine comme un canard et fait coin-coin comme un canard…

Nous avons pu entendre il y a quelques semaines les deux plus grandes autorités financières américaines s’exprimer au sujet de la récession :

« Je ne pense pas que les États-Unis soient actuellement en récession, pour la bonne raison que trop de secteurs de l’économie se portent très bien », a déclaré Jerome Powell, le patron de la Fed.

« On ne peut pas dire de notre économie qu’elle est en récession », a ajouté Janet Yellen, ancienne chef de la Fed et désormais secrétaire au Trésor américain.

Les bonnes nouvelles flottaient dans l’air, comme le parfum d’un passant travesti – illusoire, mais pas désagréable.

Phénomène psychologique et expérience pratique

Mais à peine 18 heures plus tard, on apprenait que l’économie américaine était réellement entrée en récession. Au deuxième trimestre, la croissance fut négative de 0,9%. Si l’on ajoute à ce chiffre la performance du premier trimestre, on obtient une croissance annualisée d’environ MOINS 1,25% depuis le début de l’année. Ce sont les chiffres des autorités fédérales. Ils montrent qu’une récession est en cours.

Curieusement, la presse s’est empressée de recadrer l’histoire de la « récession » afin de la rendre moins menaçante pour l’administration Biden. En d’autres termes, les journalistes ont cherché à distraire les lecteurs et à les « aider » à passer à côté de l’essentiel.

Il s’agit d’une nouvelle forme de journalisme, mieux adaptée à l’industrie de la propagande qu’est devenue la presse américaine. Par exemple, le New York Times et le Washington Post rapportaient que les derniers chiffres risquaient « d’alimenter les craintes de récession ». Cela équivaut à dire que « les flammes issues des fenêtres du deuxième étage ont fait craindre aux pompiers que le bâtiment présentait un risque d’incendie ».

Craindre une récession est un phénomène psychologique. En faire l’expérience est une toute autre chose. Et si la peur était le véritable risque, la récession elle-même ne doit avoir aucune importance. Cela fait également écho à la célèbre phrase de Roosevelt : « La seule chose que nous ayons à craindre est la crainte elle-même. » Les lecteurs pourraient croire qu’il serait antipatriotique d’imaginer une telle chose.

Vous pouvez donc constater à quel point ce nouveau type de journalisme peut être simple et utile. Lorsque la Bourse s’effondre, les journalistes rapportent : « Les valeurs de Wall Street ont fortement augmenté hier. »

Mais comme on dit dans le milieu juridique, si ça ressemble à un canard, se dandine comme un canard et fait coin-coin comme un canard… eh bien, c’est un canard. Et pour nous, la situation économique a tout d’une récession.

Les actions ont chuté…

Les obligations ont chuté.

L’immobilier commence à chuter.

Et maintenant, l’économie est en train de se contracter.

Coin-coin, coin-coin, coin-coin…

Plus question de jouer les rabat-joie

Le message est passé, malgré la tentative des médias d’étouffer l’histoire. Mais c’est l’été et beaucoup de gens ne consultent pas leurs e-mails. Pour l’instant, il n’y a pas eu de cri de panique. Les investisseurs ont acheté des actions la semaine dernière, en pariant que le pire de la liquidation du marché boursier était derrière nous. La Fed continue de prêter bien en dessous du niveau de l’inflation des prix à la consommation. Le Congrès dépense toujours de l’argent qu’il n’a pas, sur des projets qui n’ont aucun sens. Et le déficit fédéral est toujours supérieur à 1 000 milliards de dollars.

Mais les changements majeurs prennent du temps. Parfois des années.

En 1980, Paul Volcker a dit très clairement ce qu’il allait faire. Et il l’a fait. Sans tergiverser, il a augmenté le taux des fed funds de près de 700 points de base (7%) au-dessus de l’inflation des prix à la consommation. (Pour référence, cela correspondrait à un taux des fed funds de 12 % aujourd’hui, au lieu des 2,5% que nous avons.)

Mais les investisseurs ne savaient pas quoi en penser… et se sont souvent trompés.

La « tendance principale » était à la hausse, tant pour les actions que pour les obligations. Mais les investisseurs n’étaient pas convaincus. De mai 1983 à juillet 1984, les prix des obligations ont baissé. Il a fallu attendre quatre ans après le début de la tendance primaire pour qu’elle soit claire. Ensuite, la tendance s’est poursuivie – avec des retours en arrière périodiques – jusqu’en juillet 2020, 39 ans après son début.

La tendance primaire

De même, au cours de l’été 1982, le Dow Jones s’est lancé dans ce qui allait être sa plus grande aventure. Il aurait dû être évident, dès janvier 1980, que les actions allaient monter. Si Volcker maîtrisait l’inflation, comme il l’avait promis, les taux d’intérêt baisseraient. Les actions auraient plus de valeur. Mais en janvier 1980, le Dow n’était qu’à 878. Et au lieu de monter en flèche, le Dow a erré sans but.

Deux ans et demi plus tard, il avait en fait perdu de la valeur, et était descendu à 808. Et pourtant, là aussi… les cartes avaient été distribuées. Et c’était une main gagnante pour les investisseurs en Bourse. Après 1982, les actions ont continué à augmenter, avec des pauses occasionnelles, pendant les 39 années suivantes. Le Dow Jones n’a finalement atteint son sommet qu’en décembre 2021. Il a alors dépassé les 36 000 points, soit un gain de 44 fois l’argent des investisseurs.

C’est la puissance de la « tendance primaire ». Hélas, comme un mauvais mariage, elle n’est clairement visible que rétrospectivement. Sur le moment, c’est bruyant, chaotique – plein de passion et de confusion.

Ce qui nous ramène à notre question… comment pouvons-nous être si catégoriques ; comment se fait-il que ce soit « l’inflation ou la mort » ? Pourquoi pas quelque chose entre les deux ? Ne peut-on pas avoir un peu d’inflation pour aider les effets d’une correction à s’estomper ? Les investissements les plus absurdes ne peuvent-ils pas disparaître, tout en laissant l’économie intacte ?

Ou, pour le dire autrement, les investisseurs qui « achètent la baisse » font-ils nécessairement une erreur ?

A suivre…

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